Je connais très mal Chantal Akerman, je n'ai vu d'elle que
Jeanne Dielman (chef-d'oeuvre) et j'avais vu en cours un de ses films sur New-York. Mais bon Akerman qui adapte Conrad (un de mes écrivains favoris même si lui aussi au final, je le connais assez mal), ça ne pouvait que titiller ma curiosité.
Le roman raconte le calvaire d'un anglais, Almayer, qui fait un mariage avec une femme malaise contre des informations sur des mines d'or dans la jungle malaisienne. Mines d'or qu'il ne trouvera jamais. En parallèle on suit l'histoire de sa fille, magnifique jeune femme qui se fait ravir par un truand local alors qu'elle représente pour Almayer la seule chose qu'il ait réussi dans sa vie et qui le maintient encore dans la réalité.
Malgré le
librement adapté durant le générique, le film est finalement plus fidèle que je ne l'aurais imaginé au roman de Conrad.
Je trouve que Conrad a une écriture incroyablement cinématographique. Je pense que c'est même l'auteur le plus cinématographique que je connaisse. La manière qu'il a de décrire un personnage en trois adjectifs très iconiques qui font qu'il se matérialise sous nos yeux ou encore la manière dont il parvient en quelques lignes à instaurer une atmosphère, un sentiment très physique d'un environnement. Ces choses là me semblent faites pour naturellement générer des images et des sons.
Je suis d'autant plus surpris de voir aussi peu d'adaptations de ses œuvres et quand adaptation il y a, d'y voir aussi peu de Conrad (
Apocalypse Now).
Toujours est-il que j'espérais du film de Chantal Akerman cette lente distillation de l'ennui tropical, de cette dissolution des corps et des esprits dans la chaleur étouffante de la jungle. Ça me semblait acquis d'avance, comme un passage obligé, comme on est sûr de voir le costume de Batman quand on voit voir un de ses films. Mais que nenni ! Stanislas Merhar a beau écraser quelques moustiques au début du film, jamais Chantal Akerman ne semble préoccupée par son environnement (la jungle), par lui donner chair, par l'incarner d'une force prompte à faire perdre la raison à un homme. Un des réalisateurs ayant le mieux réussi cela dans un film d'ailleurs très conradien bien que pas adapté de son oeuvre, c'est Herzog dans
Aguirre. Or, là on en est dans l'exact opposé.
Chantal Akerman semble se tromper totalement de sujet en réalisant un film horriblement théâtral, les acteurs se perdant dans de longs dialogues inexpressifs et sans intérêt alors que le tout le sujet du roman et à fortiori du film se situe dans la terre, dans les arbres, dans la rivière. Les acteurs sont, il faut bien le dire, assez mauvais, certainement parce que dirigés ainsi, très faux, très solennels. Pourtant j'aime plutôt bien Merhar, son visage singulier et son regard glacial et Marc Barbé est un des acteurs les plus physique du cinéma français. Mais justement Akerman semble les figer sur une scène déclamer de grandes phrases sans parvenir à dépasser la littérature pour véritablement investir le cinéma.
Pourtant du cinéma il y en a par moment, et même de manière assez brillante. Ici ou là une vraie idée de cinéma, une vraie proposition me sortaient de ma torpeur mais malheureusement c'est bien trop rare pour ne pas faire du film une vraie épreuve. Les 2h07 passent beaucoup trop lentement et ont tellement peu à offrir qu'on s'ennuie très très vite et qu'on finit par attendre la fin dans un demi sommeil désintéressé (mais ça valait le coup le dernier plan est probablement le meilleur).
1/6