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MessagePosté: 07 Déc 2020, 17:44 
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C'était surtout "anglais répugnants" qui était un peu violent. :(


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MessagePosté: 07 Déc 2020, 19:51 
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Lohmann a écrit:
Le capitalisme n’a pas attendu la conquête des Amériques Art Core, selon Braudel il se développe avec les banquiers génois


Selon Marx aussi (même si Braudel parle de capitalisme financier et de spéculation sur les ressources, et Marx du travail, comme si les deux visions s'excluaient, mais le capital financier étant finalement une phase antérieure et dépassée du capitalisme pour eux deux). Il cite beaucoup d'auteurs italiens en remarquant qu'ils ont plus d'empathie pour les classes populaires et ce qu'on appelle à présent les subalternes que les malthusiens du XIXème. Ce qui apparaît paradoxalement avec le machinisme pour Marx c'est l'intégration de la force et du corps du travailleur au capital : en fait la notion de salaire (qui représente la part variable du capital, renouvelable qu'au niveau du groupe et d'une certaine totalité). Le chapitre 25 du Capital n'est pas si éloigné que cela de l'analyse des biopouvoirs et de l'ordo-libéralisme par Foucault...contrairement à ce qu'on dit souvent.
Il y a une pensée de l'environnement dans ces pages de Marx : l'acteur le plus proche d'une lecture hégélienne de la dialectique du maître et de l'esclave, c'est en fait le capitaliste qui prévoit des dispositifs pour permettre au travailleur de renouveler sa force de travail. Mais en cherchant à maximiser son bénéfice (logement pourri, monopole et intégration verticale qui laisse les prix a
à un niveau haut), il entrave sans le vouloir la mise en œuvre de cette reproduction. Le Lumpenprolétaire est la résultat d'une optimisation ratée, d'une démarché d'adaptation mise en œuvre par la structure plutôt que par la sujet et Marx le comprend très bien. Marx utilise la même langue et les mêmes concepts pour décrire à la fois une tendance et ce qui la déjoue (d'où une présence en creux de l'environnement), Seule l'intention du capitaliste correspond à une dialectique, celle-ci fonctionne comme une rationalité déjouée et une intention.

En effet il peut y avoir du capitalisme sans libéralisme (surtout dans la paysannerie), l'inverse par contre est plus douteuse.
Marx interprète d'ailleurs le colonialisme comme un partage entre capitalisme industriel (dans les métropoles) et capitalisme paysan (dans les territoires régis de façon impérialiste) ce qui spécialise les travailleurs, fige leur adaptation sociale et les fragilise (ils ne peuvent plus alterner vie d'ouvriers pendant l'hiver et vie ouvrière l'été), cette séparation bloque la conscience. Il valorise aussi les USA (en les présentant comme une chance pour les travailleurs irlandais) comme une puissance, c'est à la fois un pays neuf et un endroit où capitalismes ouvrier et agrarien peuvent cohabiter.

Comme Freud, Marx est plus accessible, complexe et nuancé lorsqu'on le lit directement qu'à travers ses commentateurs qui ont diverses stratégies, qu'elles soient avouées et conscientes ou non.

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Sur un secrétaire, j'avise deux statuettes de chevaux : minuscules petites têtes sur des corps puissants et ballonés de percherons. Sont-ils africains ? Étrusques ?
- Ce sont des fromages. On me les envoie de Calabre.


Jean-Paul Sartre


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MessagePosté: 07 Déc 2020, 21:19 
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Vieux-Gontrand a écrit:
capitalisme industriel
Voilà, je pense que ce qui n'est pas évoqué à l'idée du capitalisme d'Art Core parlant de la mondialisation, du libéralisme occidental (qui commence à Gênes en Europe mais dont des équivalences existent en Chine dès les Ming et certainement dans les mondes indien et arabe plus ou moins aux mêmes époques), c'est la dimension industrielle.


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MessagePosté: 07 Déc 2020, 21:42 
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Le capitalisme commence avec la monnaie en fait, et mêmes des sociétés primitives en ont (parfois juste pour les relations avec d'autres sociétés). C'est là que les anthropologues sont uper intéressants au plan politique (selon Godelier par exemple la monnaie fonctionne sur des objets "désidéologisés". Chez lui l'imaginaire et l'idéologie sont liés à une société donnée et locale quand l'échange avec l'extérieur implique un symbolisme plus fort, qui n'a , comme monnaie,pas de fonction institutionnelle. Ça va dans le sens d'une naturalité du capitalisme, à la fois structurant et aliénant - même ambivalance que dans sa description de la monnaie et de la sexualité d'ailleurs.

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MessagePosté: 01 Jan 2021, 18:09 
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Je suis entièrement d'accord avec Art Core.
La douceur qui enrobe le film est très rafraîchissante pour le genre. Tout le long du film j'attendais une explosion de violence qui n'est jamais survenue.

J'avais également peur de me retrouver face à un film indé aride qui avance sans but, mais c'est tout le contraire. On est a mi chemin entre le naturalisme et la fable.
J'ai beaucoup aimé la description, réduite à l'essentiel, de ce bourgeon de société, avec ces enjeux terre à terre et absurdes (la chasse de castors remplace la ruée vers l'or, on a besoin d'une vache, de race, si on veut du lait dans son thé) et ces mille et un détails qui font fondre (l'autre amitié du film, entre Cookie et la vache justement).
La morale est contrebalancé par cette chaleur et cette poésie permanente (la mise en scène elle aussi réduite à l'essentiel est d'une beauté assez renversante).

T.Rex a écrit:
C'était surtout "anglais répugnants" qui était un peu violent. :(

Outre le personnage de Cookie, c'est le Chief Factor que j'ai trouvé magnifique, à la fois touchant quand il parle de clafoutis aux myrtilles avec nostalgie et répugnant quand il cite Colomb (torturer les indigènes pour les asservir). Presque dans une même phrase d'ailleurs.

C'est le premier Kelly Reichardt que je vois et je me le suis pris en pleine poire.
Bien envie d'essayer Night Moves ducoup.


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MessagePosté: 01 Jan 2021, 18:25 
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Art Core a écrit:
bmntmp a écrit:
Il faut bien avouer que la bande-annonce, en contradiction avec la critique d'art core, vend en tout cas une sorte d'ode au rêve américain


Oui c'est à peu près totalement l'inverse. Je crois que Kelly Reichardt est suffisamment intelligente pour ne pas croire à ce "rêve américain". Elle croit aux hommes, aux éléments.

D'ailleurs ça ne verse pas dans la critique cynique des idéaux naïfs (sans en faire l'apologie non plus). Le film oppose plutôt les "promesses" de ce nouveau monde et la convoitise des colons.
Le personnage de King Lu, qui se rêve entrepreneur, incarne bien cette ambiguïté (il justifie le fait de voler mais uniquement quand il s'agit de voler aux anglais).


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MessagePosté: 01 Jan 2021, 23:50 
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Art Core a écrit:
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Quelle merveille de cinéma, quel miracle absolu de délicatesse et de simplicité. Il fait vraiment partie de ces films qui semblent fait pour moi. J'aime absolument tout dedans. Cette introduction d'une poésie macabre absolue, cette direction artistique d'un territoire du bout du monde peuplé d'hommes blancs venus salir une terre qui ne leur appartient pas. Ce sentiment d'une vie qui s'ouvre devant les opportunités possible de l'inconnu et en même temps l'absurdité de consacrer son existence entière à survivre. Chaque personnage secondaire porte en lui le récit de son parcours chaotique, de ce western antiglamourisé à l'extrême et rien que ça c'est absolument fascinant (comme la scène au début avec le mec qui débarque dans le bar avec le bébé).

Le premier plan d'époque sur cette botte trouée et sur cette main qui ramasse des champignons dans la forêt, qui replace un petit lézard allongé sur le dos, était suffisant pour m'emporter et le film ne m'a pas lâché jusqu'au bout dévoilant à la fois un récit très naturaliste avec quelque chose qui prend le risque de tomber presque dans le conventionnel sans heureusement jamais y sombrer. Mais c'est fascinant la sécheresse de son précédent film face au scénario rond très lisible de celui-ci. Pourtant, et ce qui est profondément génial, ils parlent exactement de la même chose.

Ici cette histoire d'amitié est tellement émouvante dans sa pudeur et sa simplicité. Ce qui est fascinant c'est chaque geste, chaque action, chaque moment de vie de ces personnages dont on découvre leur quotidien à la fois oisif mais détérminé par leur survie la plus stricte (avoir à manger, un toit sur la tête). Et encore une fois quelle façon de filmer un territoire (l'Oregon) comme une île perdue au bout du monde où l'arrivée d'une vache va devenir l'attraction et l'enjeu principal du film. C'est aussi là que ce cinéma est si précieux, dans cette élégie des éléments, des animaux, indifférent aux affaires des hommes. Les plus belles scènes du film sont sans doute celle où Cookie (un personnage totalement bouleversant) discute avec la vache alors qu'il la trait. Quelle douceur ici, quelle humanité, quelle envie de bonheur simple qui ne leur est pas permis.

Et tout le film est comme ça, dans un regard d'une bienveillance totale face à ce monde qui se construit en dépit du bon sens. Où des anglais répugnants viennent coloniser des territoires sur lesquelles ils n'ont rien à faire, juste pour tuer des casors pour que les parisiennes puissent avoir de beaux chapeaux pour défiler sur les Champs-Elysées. Déjà la mondialisation est là, déjà le libéralisme économique destructeur est en marche. Avec ces indiens "convertis", qui s'habillent à moitié à l'occidental et qui servent de majordomes à des anglais perdus au milieu de nulle part.

Kelly Reichardt est une des plus grandes réalisatrices américaines vivantes c'est maintenant indéniable. Qui mieux qu'elle parle de ce pays, de comment il s'est construit, de ce qu'il est fatalement devenu ? Et pour l'éternité, deux hommes restent allongés là côte à côte des rêves plein la tête d'un avenir meilleur. Chef-d’œuvre et ce sera dur de le déloger de la place de numéro 1 2021 (toujours pas de date de sortie en France d'ailleurs).

6/6


Merci beaucoup, Art Core. Je ne l'aurais jamais vu sans ton message, que j'ai parcouru avant, et qui en le relisant après, décrit parfaitement ce que j'ai ressenti.

Un bon 4,5/6 en espérant le revoir sur grand écran aussi, parce que mon projo était un peu sombre pour totalement apprécier les passages nocturnes.

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MessagePosté: 02 Jan 2021, 09:51 
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Cool ça fait plaisir ! Et pareil pour les scènes nocturnes sur ma télé c'était moyen.

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CroqAnimement votre


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MessagePosté: 17 Mar 2021, 22:47 
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Art Core et Flatclem ont tout dit.

Film magnifique. Comme Art, j'ai été cueilli tel le champignon dès les premières minutes. La citation de William Blake en ouverture. La scène de nos jours à laquelle je ne m'attendais pas. Et ces quelques plans de ramassages de champignon, le moment "save the cat" où l'hyper attachant Cookie remet le lézard à l'endroit.

CERTAIN WOMEN remixait déjà les thèmes et l'esthétique du western (et MEEK'S CUTOFF en était un vrai) mais là Reichardt nous donne sa vision du genre fondateur du ciné américain dans sa version la plus aride, dépouillée et pure possible. On voit vraiment l'ouest qu'on ne voit jamais au cinéma. Et les thèmes sont à nu: la survie, l'amitié, la débrouille, avec une once de début d'exploitation de la nature et des ressources. C'est là que je trouve Art Core un peu dur dans son message: Reichardt est moins dure et judgemental que lui. Évidemment on voit bien que cette vache est la mère de toutes les laitières parquées dans des factory farms aujourd'hui et Cookie et King-Lu sont des ur-Ben & Jerry (d'ailleurs à un moment j'ai cru qu'ils allaient inventer... le cookie). Mais le film ne pose pas de jugement trop dur sur les persos, son regard reste infiniment bienveillant.

Les aphorismes de King-Lu, la douceur de l'atmosphère, l'iconoclasme à la fois gritty et ouaté de l'esthétique, ce 4/3 posé et humble, cette Amérique pleine de possibles mais aussi de rêves déjà fracassés, Cookie avec la vache... Grand film.

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MessagePosté: 17 Mar 2021, 22:57 
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Grand écart entre ton envie de mater ce film et l’estime que tu lui portes au final.


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MessagePosté: 17 Mar 2021, 23:06 
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Robot in Disguise
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Déjà-vu a écrit:
Grand écart entre ton envie de mater ce film et l’estime que tu lui portes au final.
J'aime tous les films récents qui commencent par "First".

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Liam Engle: réalisateur et scénariste
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MessagePosté: 17 Mar 2021, 23:30 
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Antichrist
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MessagePosté: 18 Mar 2021, 06:38 
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tape dans ses mains sur La Compagnie créole
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Qui-Gon Jinn a écrit:
Déjà-vu a écrit:
Grand écart entre ton envie de mater ce film et l’estime que tu lui portes au final.
J'aime tous les films récents qui commencent par "First".

Mon film préféré de 2018.

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MessagePosté: 18 Mar 2021, 07:39 
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Qui-Gon Jinn a écrit:
J'aime tous les films récents qui commencent par "First".

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MessagePosté: 18 Mar 2021, 10:01 
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Messages: 28352
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Tu fais plaisir QGJ. J'ai lu hier que le film avait été acheté par Mubi du coup pas sûr qu'il passe par la case ciné.

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CroqAnimement votre


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