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 Sujet du message: Fatale (Louis Malle - 1992)
MessagePosté: 12 Mar 2006, 11:17 
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Fatale est l’archétype du beau film testament qui boucle une œuvre en lui donnant ses clés d’interprétation… Louis Malle y retrouve l’idée de l’univers bourgeois déréglé par la passion déjà à l’œuvre dans « Les Amants », mais aussi plus explicitement le grand motif qui fait toute la beauté de son cinéma : l’engrenage caché des choses.

Jamais psychanalytique, le cinéma de Louis Malle parle pour autant avec une grande finesse de l’invisible, de notre inconscient, ce qui fait que les êtres et les choses ne sont pas l’image qu’ils donnent à montrer, mais quelque chose de plus sourd, souvent cruel. Inceste, prostitution enfantine, adultère… Le réalisateur a souvent abordé le sexe tabou qui dérange, mais toujours de façon limpide. Il faut dire que son art repose sur l’idée de couler, presque glisser le long de ses images, et souvent des corps. Il y a un mystère dans la légèreté et la simplicité chez Louis Malle, et sans doute au bout du compte une rare grâce. Ses films peuvent donner l’impression de manquer parfois de choses marquantes sur l’instant : ils ne cèdent jamais à fournir au public une image qui le satisferait pleinement, il préfère offrir une surface qui prend sont temps à révéler ce qu’elle dissimule.

Dans Fatale, le visage de Juliette Binoche est mis en valeur comme celui d’une poupée de porcelaine, emprunt d'une tristesse humaine mais aussi mystérieuse, un charme qui a tout pour sublimer et perdre ceux qu'il envoute... Les peaux et les corps sur fond blanc sont une constante opacité à la vérité des êtres, au sang qui pourtant bouillonne. Avant le « Lolita » de Lyne, Jeremy Irons y incarne d'une façon profondément émouvante déjà un homme redécouvrant son état d’éternel adolescent, et obligé de composer avec. Au fond, c’est peut-être l’un des plus beaux et des plus tristes films d’amour qui soit, car il exprime à la fois la beauté romanesque de ce sentiment et sa pure vacuité, qui va totalement de pair. Mais pourtant, qu'il est beau ce simple vertige face au mystère et à l’inconnu, ce qui anime l’être humain et le perd. On ne sait pas s’il faut dire que la victime se nomme ici pompeusement la famille, c’est au-delà de la destruction et de la tragédie sociale et psycho bateau ce film… Malle filme la mort programmée de cette structure avec tellement d’élégance et de retenue qu’on a presque envie de ne voir dans cette oeuvre qu’une simple et très belle étreinte même dans ce qu'elle a de plus douloureux et dramatique, comme une dernière épure d’un grand artiste discret mais qui a saisis sans doute bien des secrets.

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MessagePosté: 19 Mai 2024, 10:49 
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voilà, c'est la fin...
ma retro chronologique de louis malle, dans l'ordre (juste vu vanya avant celui ci pour profiter de la reprise au ciné, et ça fait bien les choses parce que celui ci est un bien plus joli dernier film), en en revoyant au fur et à mesure, sur des années, comme si j'avais eu la chance d'être son contemporain. et il est désormais en bonne place dans la liste de mes réalisateurs favoris.

c'est un film marrant, parce que c'est tiré d'un roman, il n'a pas écrit l'adaptation, mais c'est tellement de louis malle, un peu jusqu'à la caricature.
c'est dans un milieu très bourgeois, où les choses sales et indomptables sont là, sous la surface.
c'est très provocateur, et très poli. un film à la facture très classique où on filme des dingueries sans en avoir l'air.
ça refuse de juger, tout en regardant totalement frontalement.

ce qui est marrant c'est qu'à la nature scandaleuse et immorale évidente de cette passion, le temps a rajouté une couche avec la disproportion d'âge et de niveau social entre les deux. il est même possible qu'aujourd'hui ce soit cet aspect là qui serait le plus relevé. ce qui est intéressant, parce qu'il victimiserait binoche, ce que le film refuse totalement de faire. tout comme il refuse de diaboliser irons, les deux sont victimes d'eux-mêmes et bourreaux des autres, dans une passion sincère et dévorante entre deux adultes consentants et qui, pourtant, est profondément coupable.

aucune de ces thématiques n'est nouvelle, mais c'est la pureté de cette histoire qui frappe, il n'y a pas de recherche de surchage thématique ni de choc. c'est ce qui lui permet de tenir aussi bien le coup, de faire rêver d'un remake quasi exact que l'on pourrait faire aujourd'hui, dans ce même état d'esprit provocateur de faire un film pour énerver les gens, en restant soi-même très poli.

j'ai aussi pensé à la récente interview de juliette binoche où elle témoignait de son mal-être dans les années 80-90 à multiplier les scènes de nu et de sexe, ce qui est bien sûr le cas ici. je compatis dans l'absolu avec elle est imagine à quel point ça peut être désagréable quand on n'a pas envie, et en même temps c'est naturellement indispensable au film, c'est un rôle merveilleux pour une actrice et elle est magnifiquement filmée...

et je pensais à louis, qui à ce moment là avait 60 ans, une carrière et une vie totalement extraordinaires, et qui faisait ce film sur ce monsieur à la carrière et à la vie extraordinaires qui fait n'importe quoi, dirigé par sa passion et sa bite. alors je ne sais pas ce que louis faisait avec sa bite mais qu'il ait gardé, jusqu'à la toute fin, cette passion pour le cinéma, cette curiosité pour les genres, tout en restant fidèle à ses provocations de jeune homme, à la politesse de son milieu social, et sa fascination intellectuelle pour la normalité du mal et de la transgression. quel homme.

j'ai du coup décidé de faire comme si cette fin nullissime, ridicule, écrite à coup de moraline 500 n'existait pas. même si c'est marrant de finir là dessus son oeuvre, j'ai trouvé ça d'une betise et d'une paresse et d'une couardise impossibles. je ne savais pas comment ils allaient s'en sortir (et le trou narratif de la deuxième partie laisse le temps de spéculer), j'ai un temps pensé qu'on aurait droit à un film cancel culture avant l'heure (révélation de la liaison et gestion des retombées sociales) et au lieu de ça on a ce truc ridicule. mais bon.


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MessagePosté: 19 Mai 2024, 11:14 
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Je me souviens seulement avoir pensé « Cela se termine lorsque cela pourrait devenir intéressant ».

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MessagePosté: 19 Mai 2024, 11:19 
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Citation:
à la récente interview de juliette binoche où elle témoignait de son mal-être dans les années 80-90


C'est assez marrant car quand tu regardes les scènes de nue de sa filmo, y en a plus après les années 2000 et elle continue maintenant ....


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MessagePosté: 19 Mai 2024, 11:20 
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Je ne me souviens que de la porte cochère.

Sinon c’est quoi la « politesse du milieu social » de Louis Malle ?


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MessagePosté: 19 Mai 2024, 12:17 
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Déjà-vu a écrit:
Sinon c’est quoi la « politesse du milieu social » de Louis Malle ?


alors je ne sais pas si c'est une question piège, mais il vient de la grande bourgeoisie, dans une famille très policée, pas un mot plus haut que l'autre. il s'est rebellé et est devenu artiste et a fait des œuvres très provocatrices en restant en cravate et toujours aimable.


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MessagePosté: 19 Mai 2024, 12:28 
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Inscription: 25 Déc 2008, 02:29
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C’est la formulation qui est piégée, a fortiori dans le cadre d’un éloge, de voir la politesse comme intrinsèque à un milieu, qui n’empêche pas le mépris de classe, ce qui est impoli.


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MessagePosté: 19 Mai 2024, 12:43 
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Localisation: In the Oniric Quest of the Unknown Kadath
Je garde un souvenir génial de ce film découvert très jeune. Jamais oublié les dernières minutes. Mais typiquement film que je crains de revoir.

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CroqAnimement votre


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MessagePosté: 19 Mai 2024, 13:02 
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Inscription: 17 Juin 2021, 13:07
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Art Core a écrit:
Mais typiquement film que je crains de revoir.


il faut pas, c'est évidemment un peu marqué mais en ça résonne vraiment fort avec les conversations actuelles. on pourrait le remaker quasi tel quel.


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