Forum de FilmDeCulte

J'arrive pas à déterminer si le film est "oublié" car ultra-couillu, sans doute un peu trop par moments, ou bien parce que contrairement au film noir à la Melville, ce transfuge d'un genre typiquement américain (ici le thriller politique parano) n'a pas pris ici, l'assassinat de nos présidents n'étant pas une source de préoccupation majeure.

A la rigueur, peu importe parce que c'est un film très étonnant.

Toute l'ouverture oeuvre à uniformiser les spécificités culturelles occidentales pour rendre le truc à la fois universel et franchement bizarro américain, alors qu'à côté de ça on se fade quand même de plein fouet le brutalisme francilien dans ce qu'il a de plus mortifère et aliénant. Ca crée d'emblée une sorte d'uncanny valley architecturale qui n'est donc pas du tout propice à la suspension d'incrédulité ; d'autant plus qu'on enchaîne directement, et sans plus s'arrêter, avec des intérieurs du même acabit, c'est à dire à la fois moches (79, hein), inhumains et étouffants, voire même carrément irréels (les maquettes grillées en arrière plan des scènes dans le bureau de Montand). Visuellement c'est aussi anxiogène et déprimant qu'un trajet en RER dans ces coins là, suivis de la traversée d'une dalle en plein cagnard pour un rdv dans une de ces tours aux locaux jamais rafraîchis.

Pas de suspension d'incrédulité, donc, pas d'ancrage dans un quotidien reconnaissable (on reconnaît surtout la mise à distance sèche et délibérée mais "juste ce qu'il faut" de tout ce qui pourrait être reconnu comme référence par le spectateur) : on est tout à fait dans les éléments de surface de la S.F. C'est très déstabilisant, et j'aime bien.

Après, ça manie les thèses du procureur Jim Garrison, reprises donc jusqu'à la boursouflure géniale du sans pitié JFK, autrement dit du complotisme mainstream et dans l'ensemble très peu clivant, rendu inoffensif par son incorporation sans vagues dans la culture populaire. Le déroulement est balisé mais tout de même engageant, même si le personnage de Montand est réduit à sa substantifique moëlle d'enquêteur aussi perspicace qu'innarêtable, de même pour ses collaborateurs eux aussi purement fonctionnels. On y retrouvera très peu l'esprit de corps de l'équipe de Costner, sauf par touches et surtout vers la fin (notamment la scène du cambriolage), car ce n'est pas l'objectif, ni le propos : on n'est pas tant dans le combat pour la vérité, politique ou psycholique, que dans la démonstration de sa futilité face aux pouvoirs de l'ombre, autrement dit l'intersection aussi funeste qu'universelle entre services de renseignements et crime organisé (au sens large, ça va de la mafia aux juntes militaires, en passant ces temps-ci par les terroristes, le film reste très actuel politiquement).

Tout le passage autour de l'expérience Milgram est bien sûr une masterclass d'angoisse sourde et de démonstration clinique, toute en retenue impitoyable, d'autant plus qu'elle prive salutairement le personnage du procureur de tout héroïsme plus grand que nature. Le défaitisme n'y est jamais "récupéré" pour le spectacle, ce qui achève de libérer le film de ses influences américaines. Pur film d'angoisse, pas du tout monochrome (la scène de la cabine téléphonique, primale, ainsi que celle, plus longue et complexe avec son montage parallèle, de l'énumération de la liste des témoins, et finalement celle de l'expérience que je viens de mentionner proposent chacune une expérience singulière en la matière) et impitoyable. Yves Montand c'était quand même du très, très lourd.

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Looks like meat's back on the menu, boys!

J'aime beaucoup aussi.

Tu dis ça parce qu'il y a Brigitte Lahaie dedans ?

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You are a ghost driving a meat covered skeleton made from stardust riding a rock floating through space.
FEAR NOTHING

Ce n'est pas ma génération donc elle ne m'a jamais émoustillé