Ciao Ciao, une jeune femme chinoise ambitieuse, rend visite à ses parents dans son village natal, niché au cœur de la montagne. Elle n’a qu’un souhait : repartir au plus vite à Canton pour monter son affaire avec son amie Li Li, ne voyant aucun avenir à la campagne. Mais ses parents vieillissants lui demandent de rester pour les aider. Elle hésite et traîne sans enthousiasme dans le village en attendant le moment opportun pour se décider. Elle est pendant ce temps l’objet de toutes les convoitises, particulièrement celle de l’orageux Li Wei, le fils désœuvré du fortuné fournisseur local d’alcool de contrebande...J'avoue être totalement vendu à ce cinéma asiatique sophistiqué au cadre et à la composition des plans ultra-chiadés, ça n'est donc pas une surprise si j'ai pris mon pied devant Ciao Ciao (qui est le prénom de l'héroïne principale, et non pas un simple "Salut salut" comme je le pensais initialement), nouveau pavé dans la mare du cinéma chinois qui n'en finit plus de dresser un portrait au vitriol de la Chine contemporaine. Je me demande d'ailleurs dans quelle mesure ce type d’œuvre va encore pouvoir être produit suite au tour de vis qui vient d'être mis en décidant de placer le bureau de régulation du cinéma sous le contrôle direct du département de la propagande du PC. Et ça sera bien dommage.
Dans Ciao Ciao la trame (narrative et esthétique) mise en place par Song Chuan est entièrement construite sur l'opposition entre deux mondes irréconciliables.
Entre la ville (désirée et invisible, dont la géographie n'est esquissée que par ce train qui arrive et repart aux deux extrêmes du film) et la campagne honnie, que la jeunesse cherche à fuir et que Song dépeint narquoisement à grand coup de couleurs flashy (comme ces tableaux kitsch qui ornent tout bon restaurant chinois) et de panoramique saisissant la beauté stupéfiante du Yunnan.
Entre les âges également, les espoirs de progression sociale des jeunes adultes étant étouffés par le poids des traditions
Entre les sexes surtout, l'incommunicabilité homme/femme étant à son plus haut, où cocufiage et rapport tarifé semblent être la norme et les relations sexuels réduites à de pures performances pornographiques (avec tout ce que cela sous-tend de machisme) totalement dénuées de charnalité. Je n'ai d'ailleurs pas souvenir d'avoir vu dans un film chinois des rapports sexuels filmés de manière aussi crue et explicite (si je peux ramener quelques spectateurs amateur d'asiats ...), Song usant de toute la palette offerte par la caméra, entre cadre et hors-champ pour dépeindre la rudesse des coïts (excellente scène de missionnaire avec l'unique tête de l'actrice principale dans le champ pour mieux signifier la rupture entre le corps et l'esprit).
Alors lorsque l'on est une femme, jeune et issue de la campagne, on comprend que l'avenir sera probablement bien moins heureux qu'on l'aurait souhaité. Et gare si on décide d'outrepasser ces limites
A noter une bande son excellente, musique électronique minimaliste en rupture avec ce lieu au cœur de la vallée, comme un appel à l'émancipation à destination de cette jeunesse des campagnes.
4.5/6