Puck a écrit:
(Petite chronique que j'ai foutue sur mon facebook, d'où parfois une écriture bloguesque destinée à une "audience)
"Cruising", "La Chasse" en français.
Les deux titres ne signifient absolument pas la même chose, une chasse, vous savez donc tous ce que c'est, c'est un type, avec un fusil ou des couteaux en général qui chasse une proie, parfois, c'est un animal sauvage, enfin bref, vous voyez le délire; le titre original lui est tiré d'une expression américaine signifiant entre autres naviguer, mais décrit aussi le principe de chercher des partenaires sexuels dans des lieux publics et est utilisé surtout pour les hommes gays.
Tiens pas con ça comme idée, moi qui ne savait pas quoi choisir comme angle d'attaque, on va utiliser ces deux titres qui en disent long, et encore une fois, commençons si vous le voulez bien par le titre français ("La Chasse" donc toujours...), qui n'est pas nul, loin de là, mais qui ne capture qu'un aspect, un aspect et demi du film, tout ce qui touche au côté film d'horreur et chasse, la chasse d'un tueur pour chopper ses proies, celles d'un flic pour chopper le tueur, une vraie mise en abîme. En effet, le film, majoritairement nocturne, traite de l'infiltration d'un flic, joué par Al Pacino, dans le milieu gay SM new-yorkais afin de mettre la main sur un tueur très violent et profondément sadique qui sévit justement dans ce milieu là. Dès le premier meurtre, nous sommes dans un thriller, mais un thriller pas comme les autres, presque un film d'horreur tant l'ambiance, la violence, l'univers est lourd, glauque et le tueur invisible... Enfin voilà, je n'en dis pas plus, voilà pour ce qu'on peut tirer du titre français, ce que je vous ai dit là est assez pour faire les rapportes qu'il faut, après tout cher lecteur, t'es pas con, non?
Maintenant, passons au titre original "The Cruising", qui est je pense un des titres des plus riches thématiquement, et des plus adaptés à son film de toute l'histoire du cinéma...C'est fou comme la langue anglaise peut en un mot te dire des phrases où rien n'est laissé pour compte. En effet, sens premier, la navigation, le film tangue, sans arrêt, au niveau de la caméra, au niveau de la mer qui ouvre le film, au niveau des personnages qui tanguent aussi, qui sont un coup blancs un coup noirs, cette confusion propre à Friedkin où tout un chacun est remplaçable et où n'importe qui pourrait tenir le rôle de n'importe qui d'autre, ce doute qui assaille Pacino, qui nous assaille concernant ce personnage, tout, c'est pareil pour tous les personnages, même le tueur...Bref, des thèmes chers à ce réalisateur que vous retrouverez ici (D'ailleurs, un mec bien qui cultive ces mêmes thèmes est Ellroy en général et surtout Ellroy dans "le Grand Nulle Part", oui c'est un livre, mais tu sais lire, LIS!). Puis enfin pour en venir au deuxième sens du mot "Cruising", il décrit l'univers dans lequel on évolue, le milieu homosexuel SM (je précise, vu qu'à l'époque un amalgame avait été fait avec les gays "traditionnels") et en plus retranscrit les allers et retours du tueur, des victimes, des flics, de Pacino, de tout ce petit monde qui se chasse, se trouve, se retrouve autour d'une bonne grosse soupe de bite, certains s'en sortant, d'autres non et une minorité restant dans le doute, le flou, naviguant entre deux eaux, voire plus.
Enfin voilà, l'article à été plus long que prévu pour ce film à statut de culte, je ne l'avais jamais vu et l'ai enfin découvert et je ne regrette pas, il offre tout ce que le cinéma peut nous offrir, que ce soit dans sa perfection ou son imperfection, parfois même sa naïveté, son premier degré porté par une paire de couilles magistrale, une équipe mortelle, une réalisation au poil, touchante, imagée, expressive, Friedkin comme une petite poignée sait parler le langage du cinéma, il en connait sa grammaire, son orthographe, ses points, ses virgules et écrit non un best seller mais un grand classique romantique.
J'adore.
5,75/6
J'aime bien quand tu t'enflammes. Perso, j’ai trouvé ça admirable de bout en bout.
Si la polémique suscitée à l’époque est compréhensible, je n’y ai pour ma part jamais vu un quelconque propos ou charge contre l’homosexualité ou son pendant SM. Le film choisit pour cadre ce milieu, y situe son intrigue policière mais questionne surtout le parcours de son personnage principal, un policier qui y est plongé presque contre son gré (quoique…?) et dont on aura du mal à savoir jusqu’au bout la manière dont il s’implique et est affecté.
Le processus est vraiment habile et maitrisé. Je ne suis pas forcément partisan des lectures à double sens qui permettent de se tirer sur la nouille sur du vent ou des détails à la con, mais ici, l’une des forces du film est laisser des zones d’ombre dans le récit pour mieux interroger le spectateur sur les zones d’ombre du personnage. A quel point Steve Burns s’implique-t-il dans son immersion du milieu cuir-moustache? Le montage ou le scénario ne tranchent jamais réellement, et offrent un récit interprétable de différentes manières. Je retiens notamment cette première scène de danse, extraordinaire pour le jeu d’Al Pacino et l'ambiguïté qu’elle dégage. A quel point le policier lâche-t-il prise pour rentrer dans son personnage / ne pas se faire griller? Est-il dans le contrôle? Explore-t-il des fantasmes qu’il découvre? Bref j’en parle très mal, mais toute l’écriture et la mise en scène sont à l’avenant, créant le récit par petites touches, caractérisant les personnages et les situations au détour d’un dialogue, d’un plan. Il y a tellement de choses géniales bordel, comme cette scène ou Pacino se fait virer d'une soirée car il n'a pas d'uniforme de policier.
La description du milieu fréquenté est également bluffante, je n‘ai jamais l’impression d’un jugement et même le côté “spectacle d’un monde en marge” est plutôt bien distancé, tout en étant à la fois fascinant dans le fait qu'il constitue un témoignage par un indéniable côté documentaire.
J’ai déjà envie de le revoir. Je vais me refaire
To Live and Die in L.A.