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 Sujet du message: Amour (Michael Haneke - 2012)
MessagePosté: 20 Mai 2012, 11:24 
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Successful superfucker
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C'est de loin le film le plus minimaliste de Haneke, avec un couple de vieux qui ne quitte pas leur appartement. Ils sont ensemble depuis longtemps, ils s'aiment, sauf qu'un jour elle subit un accident cardiovasculaire, perdant petit à petit toutes ses facultés. Outre les choix de montage percutants et ce sens du dialogue lucide qui trouve son apogée dans les stradivarius que sont Emmanuelle Riva et Jean-Louis Trintignant et sa voix si particulière, il faut rendre hommage à Haneke de ne jamais céder aux sirènes du film-émotion-du-festival (genre le Dresden de l'année dernière, même s'il est de qualité) ni au sens clinique plombant. Car il faut vraiment être le dernier des gros niais pour ne pas comprendre qu'on peut vivre un amour absolu même en se prenant une claque.
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MessagePosté: 20 Mai 2012, 12:24 
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Tout pareil et même note.

*tope-là*

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MessagePosté: 20 Mai 2012, 13:15 
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Successful superfucker
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Arnotte a écrit:
Tout pareil et même note.

*tope-là*


Bah voilà, regardez Arnotte: Il bat sa femme et ils s'aiment comme au premier jour.


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MessagePosté: 01 Juin 2012, 17:20 
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Antichrist
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Très fort, très "bourgeois"; cet Amour-là reste bien en tête et s'impose comme le gros film de Cannes: sujet universel, interprétation brillante...

et bien sûr la scène du pigeon.

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MessagePosté: 25 Oct 2012, 06:56 
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Je n'aime pas le regard clinique d'Haneke, qui ne donne rien d'autre à voir que la décrépitude, sans même nous la faire ressentir. C'est mesquin. Vanité d'un cinéaste vaniteux, avec en l'espèce, un beau travail sur les carnations.


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MessagePosté: 25 Oct 2012, 16:06 
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Vague spoilers.


J'aime beaucoup le projet du film, celui d'aller voir de manière frontale ce qui se passe sous l'habituelle ellipse pudique qui, au cinéma, pose un voile sur la dégradation finale des êtres. La beauté du projet est de le faire avec la simplicité la plus absolue, mais aussi dans l'optique intime d'un couple amoureux : bref, de ne pas aborder la chose comme un fin jeu de massacre, qui serait finalement une manière très pratique de se tenir à distance. Il y a un côté "les mains dans le cambouis", émotionnellement parlant, que je trouve prometteur.

Pour ça, il faudrait qu'Haneke mute, et c'est pas forcément gagné. Entre l'intro, qui continue à cultiver la filiation au film d'horreur que ce cinéaste n'assumera jamais, et la sécheresse toujours un peu hautaine de ce style rigoriste, on se retrouve dans un drôle de vide. Le film est très nu (la rigidité du numérique allant encore plus dans ce sens), bâti sur une dramaturgie minimum, et ne pardonne du coup aucun défaut. Du coup, cette première moitié qui guette la moindre défaillance et qui saute sur la première merde, le premier reproche, le premier couac, et qui n'a même plus la tension habituelle des films d'Haneke pour tenir le spectateur à la gorge, est particulièrement pénible à suivre. Le film entend observer l'accident médical comme un syndrome qui va abîmer le couple, mais ce qu'il donne surtout à voir, involontairement, c'est le sinistre de ce couple intellectuel froid, de ce cadre bourgeois d'emblée mortifère (la visite de l'élève, quelle horreur), du personnage d'Emmanuelle Riva assez détestable... Il y a pas beaucoup d'amour là-dedans, ni dans les personnages, ni dans l’œil d'un cinéaste qui continue à jouer au pasteur.

Paradoxalement, c'est dans la seconde moitié (aka ma femme est un légume) que le "nouveau" Haneke, si l'avenir confirme qu'il ne s'agit pas là d'un mirage passager, commence à faire ses preuves. Je ne le trouve plus si aussi automatiquement cruel et moraliste, et cela transforme quelque peu ce que son style chirurgical fait poindre des situations. L'idée n'est pas d'édulcorer la chute ou de donner espoir : c'est justement le programme du film de ne rien céder sur ce plan-là, de regarder la chose en face, de ne pas s'échapper par l'excuse du lyrique, du symbolisme, ou du poétique. Par contre, je remarque l'absence d'un acharnement qui habituellement épuise : certes l'une des infirmières est immonde, mais l'autre est très bien ; la malade s'échine à hurler, mais une main caressée et une histoire réussissent parfois à l'apaiser... Bref, c'est dans cette seconde partie, à travers un Trintignant magnifique, que je vois enfin poindre cette histoire d'amour ramenée à une dimension pure, réduite à son stade le plus simple, et que la rigueur du cinéma d'Haneke sait dépeindre en creux, sans niaiserie, avec même parfois une légère générosité. Peut-être aussi parce qu'il a face à lui deux icônes du cinéma, des figures à la dignité déjà acquise, et qu'il ne se sent pas autorisé à les saloper (à montrer plein champ Riva aux chiottes ou ce genre de choses, quoi).

Cet état d'entre-deux dans lequel flotte le film reste tout de même assez dommageable à mon goût, et le fait qu'on se sente mieux au fur et à mesure qu'avance le film n'était sûrement pas dans les plans de l'autrichien. Bref, si on peut saluer un cinéaste qui est entrain d'évoluer, ou qui du moins essaie, je trouve ça quand même beaucoup moins grand et abouti que son précédent - alors que la simplicité du projet, son épure, laissaient entrevoir les habits d'un chef-d’œuvre.


Sinon, rien compris au pigeon, j'avoue (ou alors dans l'optique d'un symbole poétique de l'âme que je trouve pour le coup bien gnangnan dans un film où tout se proclame aussi explicitement matérialiste et athée).


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MessagePosté: 25 Oct 2012, 16:17 
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Antichrist
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Je crois que le pigeon est plutôt une métaphore de l'homme bon, qui cherche à ne pas faire mal, qui reste bon quel que soit le sort de la vie.


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MessagePosté: 25 Oct 2012, 16:22 
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Mmm comment ça ?
J'ai vraiment pas compris
pourquoi ne pas le faire sortir à la fin, pourquoi le piéger sous une couverture, tout ce trip là.


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MessagePosté: 26 Oct 2012, 03:58 
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Tom a écrit:
Sinon, rien compris au pigeon, j'avoue (ou alors dans l'optique d'un symbole poétique de l'âme que je trouve pour le coup bien gnangnan dans un film où tout se proclame aussi explicitement matérialiste et athée).

Je crois que c'est à peu près la seule chose qui trouve grâce aux yeux d'Haneke : un pigeon. Quant au symbole, je pense que tu peux y aller car :

Dans sa lettre, Trintignant évoque un "puits de lumière" par lequel l'oiseau est entré.


Je te rappelle que dans son cauchemar, question transcendance :

L'ASCENSEUR EST EN PANNE. Tu piges ?


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MessagePosté: 26 Oct 2012, 08:40 
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La scène du pigeon, elle est volontairement mystérieuse pour laisser le spectateur l'interpréter comme il le ressent - Haneke's touch.
Perso je l'ai compris comme
le remords. Georges a agi par amour mais il restait seulement se débarrasser de son remords.

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MessagePosté: 26 Oct 2012, 12:30 
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Le pigeon moi je l'ai pris comme la dernière manifestation de cette vie insouciante et fragile qui caractérise les humains avant la vieillesse. En l'occurrence, Trintignant cherche à capturer pour soi ce reste d'âme de sa femme pour l'étreindre une dernière fois, tout contre lui, avant (dit-il dans sa lettre) de le relâcher (de laisser partir sa femme).

Car le film est une bataille du couple pour sauver sa dignité face à la mort, pour garder le souvenir de l'amour et du bonheur plutôt que celui de la mort et de l'humiliante tragédie. Trintignant mène cette bataille, il cherche quelque chose mais ne sait pas vraiment quoi, est-ce que le sens de ses actes se résume à retarder la mort de sa femme? Quelle misère, si c'est pour constater que tout ne peut qu'inéluctablement aller de mal en pis! Trintignant se libère à la fin en arrivant à retrouver son affection profonde pour la personne qu'a été sa femme, renonçant à l'attitude d'assistance mécanique qu'il avait adoptée jusque-là pour se prémunir contre le chagrin et qui impressionne les voisins parce qu'elle donne une certaine force, mais qui ne convient pas aux tout derniers instants, aux moments desquels il faut tout lâcher, hisser haut l'étendard de l'affection et du courage avant d'en finir. Trintignant raconte sa touchante histoire avec la carte postale aux étoiles, et se rend compte que l'apaisement obtenu chez sa femme constitue ce moment parfait-là, où la dignité et la profondeur des sentiments ont été retrouvés. Je n'ose pas imaginer le courage pour faire ce qu'il fait alors.

C'est l'un de ces films qui nous fait découvrir ce continent mystérieux qu'est la mort, où plutôt les abords de ce continent. Un no man's land à l'extrémité duquel, après avoir transité quelques temps sans vivre vraiment, les êtres, leur personnalité, leurs joies passées, sont aspirés par un trou noir qui broie tout. Haneke a compris que sa rigueur pouvait créer de la substance émotive tout en se gardant d'être trop didactique, et étend jusqu'au bout la sècheresse de sa mise en scène. Il le fait malheureusement trop aveuglément et la grande pudeur de la dernière demi-heure fait qu'il rate l'accès à ce stade supérieur justement, où rien ne compte plus sauf l'affection du spectateur pour les personnages et des personnages pour les personnages. La scène de la carte postale aux étoiles constitue certes ce refuge ultime, ce dernier cocon d'amour qui va venir à bout de la peur, mais je me prenais à penser en sortant de la salle que le film aurait pu être beaucoup plus fort.

On peut aussi imputer cette limite à la description restée sage des travers des personnages. Il y a rarement dans le film des échappées totales vers le territoire du mal, comme lorsque Riva dit que Trintignant peut parfois être un monstre, ou lorsqu'elle crache l'eau sur lui qui lui retourne une claque, à chaque fois si soudainement qu'on entrevoit la complexité des personnages, la cohabitation constante en l'homme de la bonté et de la cruauté les plus extrêmes. Cette complexité est finalement réduite en une simple bataille de Trintignant pour la dignité, qui est certes très belle, mais n'atteint pas, n'effleure même pas la sublime et bouleversante peinture des cruautés et des affections avant, pendant et après le transit vers la mort, que Bergman compose dans Cris et chuchotement. Ça reste un des beaux films de l'année.

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MessagePosté: 26 Oct 2012, 13:08 
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Vous avez tous de bons yeux, j'arrivais pas à lire ce qu'il y avait sur cette putain de lettre, moi...
Déjà-vu a écrit:
Je te rappelle que dans son cauchemar, question transcendance :

L'ASCENSEUR EST EN PANNE. Tu piges ?
lol


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MessagePosté: 26 Oct 2012, 13:30 
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Merci pour ce beau message, Baptiste!

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MessagePosté: 26 Oct 2012, 13:40 
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Oui belle critique (une fois de plus) et je suis globalement d'accord avec toi (notamment sur l'infériorité de ce film sur le Bergman).

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CroqAnimement votre


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MessagePosté: 12 Nov 2012, 13:10 
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Je retiens, entre autres, l'évocation des deux souvenirs d'enfance (peut être totalement imaginés) de Trintignant. Un peu comme dans Caché (mais il faudrait se rappeler de la place de l'enfance dans les autres films du cinéaste). Ici le souvenir a peut être plus de force, on passe par la parole. La superposition avec le présent et cette plongée dans une époque où le couple n'existait pas...

Tom a écrit:
c'est le sinistre de ce couple intellectuel froid, de ce cadre bourgeois d'emblée mortifère (la visite de l'élève, quelle horreur), du personnage d'Emmanuelle Riva assez détestable... Il y a pas beaucoup d'amour là-dedans, ni dans les personnages, ni dans l’œil d'un cinéaste qui continue à jouer au pasteur.


Ils ne sont pas froid, ils ont reçu une éducation qui font que...et qui explique bien le comportement de trintignant dans la deuxième partie. La visite de l'élève est une autre plongée dans le souvenir d'ailleurs, mais qui devient insupportable pour le perso de Riva.
C'est un film que j'ai trouvé psychologiquement très juste. Ce milieu est ce qu'il est mais il y a une certaine forme de compréhension et de respect de la part d'Haneke (contrairement à Caché). Et même s'il montre une certaine gêne sociale (vis à vis des concierges et de l'infirmière, la description de l'enterrement).


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