Marlo a écrit:
La position du tireur couché, de Jean-Patrick Manchette
Jusqu'à présent, je ne connaissais Manchette que pour l'adaptation en bande dessinée de son roman "Le Petit bleu de la côte Ouest" par Jacques Tardi, et pour sa traduction de "Watchmen". Et je ne suis pas déçu par son premier roman que je lis.
Je ne suis pourtant pas un grand amateur de polars à la base ; ceux que j'apprécie sont essentiellement des "romans noirs", où les tourments intérieurs du détective privé ou du tueur prennent le pas sur l'enquête ou l'intrigue classique. Or, bonne nouvelle, "La position du tireur couché" fait justement partie de cette catégorie de romans. Le personnage principal, Martin Terrier, est un tueur à gages qui décide pour une raison bien particulière de tout abandonner après dix ans de bons et loyaux services. Evidemment, tout ne va pas se passer comme prévu ...
Manchette choisit l'hyperréalisme, en situant son récit en France, à la fin des années 70. L'action se déroule dans les rues grises et hivernales de Paris, dans les bars miteux et dans de petites villes de province déprimantes. Les situations sont crédibles mais cependant toujours teintées d'absurde : Martin Terrier avance tout droit, sans trop savoir où aller, si ce n'est vers la mort. Les ennuis lui tombent dessus et les choses semblent glisser sur lui, à la manière du Philip Marlowe du "Grand Sommeil", de Raymond Chandler (que je suis en train de lire, j'en parle bientôt), ou, plus évident encore, des personnages écrasés par le poids de la fatalité des films noirs de Jean-Pierre Melville, qui sont probablement des références pour Jean-Patrick Manchette. Le style est sec et économe, sans gras, sans effets de style lourds, ce qui ne fait que renforcer la froideur du livre.
Plus qu'un très bon roman noir, prenant du début à la fin, "La position du tireur couché" est aussi un brûlant témoignage de l'époque où grand banditisme et terrorisme d'extrême-gauche allaient encore souvent de pair. Je recommande.
5/6
C'est parfois un poil daté mais Manchette est un bon écrivain, qui souffre sans doute de sa catégorisation "auteur de polars". Il y a un sens du détail impressionnant (qui donc ne vient jamais nuire à ce que tu appelles l'hyperréalisme) tout en proposant des romans où le quotidien explose par l'irruption du hasard et de la violence.
Il a été particulièrement impressionné par le travail de l'écrivain Ross Thomas dont il fut le traducteur (dont hélas plein de titres n'ont pas encore été traduit) qui a énormément influencé son travail d'écriture (dans la
Princesse de sang, roman inachevé mais fort intéressant). Il faut lire Ross Thomas. Et Manchette bien sûr.