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Amin revient à Sète après ses études à Paris, rêvant toujours de cinéma.

Le premier est un chef d’œuvre pour moi, peut-être au final le Kechiche que je préfère. Bon malheureusement INTERMEZZO pas vu et verrait pas, mais c'était peu dire que j'attendais ce nouvel opus dont je savais même pas ce qu'il allait raconter, ni même quand il allait se passer.

Bon bah c'est pas compliqué, ça se passe en septembre 1994 à Sète donc limite... un mois après les évènements du premier film ? Et globalement si j'ai bien compris ça a été tourné en même temps/juste après le premier, donc il y a HUIT ANS.

En tous cas on se souvient du premier avec ses anachronismes en mode "Ca se passe en 94 mais on fait aucun effort" et là c'est pareil. Sur le plan qui annonce la date où se déroule le film, la caméra descend sur la voiture des américains avec une plaque d'immatriculation moderne (celles introduites en 2009). Sur le resto t'as le 04 des numéros de téléphones d'après 1996, et t'as même une fliquette avec un tatouage dans le cou, limite inconcevable à l'époque. (y a même une mention d'un soldat qui serait "en Irak", euh...?)

Bref mais peu importe, je dis ça pour signaler à quel point Kechiche s'en bat les steaks complet, des anachronismes mais aussi du moindre semblant de réalité des situations. Car autant le premier racontait un été simple et crédible, ici on a droit à Jessica une célèbre actrice américaine qui traîne régulièrement à Sète (!) avec son mari Jack producteur, et qui aiment aller manger dans le resto de couscous d'Hafsia Herzi (!), et Jack lit le scénario qu'Amin a écrit sur sa machine à écrire et veut le payer 200K$ (!) et le produire avec Jessica qui n'a joué que dans LES FEUX DE L'A-- euh LES BRAISES DE LA PASSION dans le rôle principal et l'appeler ROBOLOVE (!). Et tout ceci est PARFAITEMENT NORMAL et jamais commenté par les personnages. On est vraiment dans de la SF.

Débarrassé de toute contingence liée au réel, le film peut devenir ce qu'il est: un kaléidoscope d'éclats de vie. Dans ses deux premiers tiers le film lance quelques fils narratifs qu'il arrête aussitôt (l'arrivée d'une parisienne dans la bande de copains... après elle disparait ; cet enjeu autour du scénario qui ne fait ni chaud ni froid à Amin... Ophélie et ses chèvres...). L'important est ailleurs, dans cet album de saynètes vraies et prenantes.

Et où le père Kechiche peut encore une fois laisser libre cours à ses obsessions. Là on a droit au retour du couscous avec un ingrédient improbable (après le couscous au poisson, celui avec "un steak avec du cheese") et surtout aux spaghettis ! Dans mon souvenir y avait déjà un enjeu pâtes et sauce tomate dans la dernière scène du premier, non ? Bah là il double down dès la deuxième scène du métrage avec la détestable Jessica qui se goinfre de pâtes. Elle en met partout la goulue et Kechiche assume. (le film par contre est bien plus chaste que ses précédents)

"Ecrit" bizarrement, le film prend soudain un virage inattendu avec "la blessure la vraie" (vous comprendrez en le voyant) qui ouvre un troisième acte grotesque, surécrit et en même temps incrédible au possible. Et qui pourtant donne lieu au chapitre à l'hôpital, avec des touches d'humour bienvenues, et même une séquence de mise de pression par des flics qu'on voit rarement comme ça dans les films français.

Etrange film, quatre personnes dans la salle sont parties, c'est à la fois surscénarisé dans la situation de départ et en même temps c'est n'importe quoi, ça se termine quasiment sur un cliffhanger. Et c'est aussi ça qui est beau: de cet énorme bordel de prod (7 cadreurs crédité, un nombre incalculables de gens au montage pour gérer les soi-disant 1000h de rushes) on a un film de 2h14 mais on sait qu'on aurait pu en voir 200 autres en tous points différents.

Des petites fulgurances comme toujours, mais plutôt dans le mid-bottom tier des Kechiche pour moi.

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Liam Engle: réalisateur et scénariste

Si j’ai bien compris, il a finalement tout remonté pour que ça suive directement le premier et néantisé Intermezzo ?

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Que lire cet hiver ?
Bien sûr, nous eûmes des orages, 168 pages, 14.00€ (Commander)
La Vie brève de Jan Palach, 192 pages, 16.50€ (Commander)

Faudrait demander à Art Core, je sais même pas ce qui "se passe" dans INTERMEZZO.

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Liam Engle: réalisateur et scénariste

Non, c'est toujours dans la continuité. Il y a une scène qui évoque Intermezzo, avec la petite blonde à la plage.

Pour moi, le côté décousu est assumé, c'est un soap opéra à Sète.

"essayez de vendre ce film de la pire manière qui soit"

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Netflix les gars, Netflix.

J’ai forcément pensé à QGJ quand LCI déboule dans l’hôpital.

J'y ai pensé mais la chaîne existait à l'époque (bon, depuis deux mois).

Et sinon, un avis ?

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Liam Engle: réalisateur et scénariste

J’admire toujours le style de Kechiche et particulièrement son incroyable talent à tirer le meilleur de ses acteurs — ils semblent toujours tellement ancrés dans le réel, et il suffit de quelques minutes à peine pour me rappeler pourquoi j’aime son cinéma. Mais je dois reconnaître que j’ai perdu peu à peu mon intérêt pour l’intrigue, et particulièrement dans la dernière demi-heure et ce décrochage un peu hors-sujet, assez étrange. On saisit bien l’idée de Kechiche de montrer que « Life is what happens while you’re busy making other plans », mais je me suis senti moins connecté aux personnages, et particulièrement le personnage de Jessica. J’aurais volontiers passé tout le film avec Amin et Ophélie…
J’ai apprécié voir ce film, mais c’est probablement le film de Kechiche que j’aime le moins de toute sa filmographie (longs métrages), on est loin, je trouve, de la puissance et la magie du « canto uno ».

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Ed Wood:"What do you know? Haven't you heard of suspension of disbelief?"

Liam a tout dit.

J'ai parlé à une actrice du film (séquence de l'hôpital). Ambiance familiale, la cantine c'est cool, Kechiche est sympa. Mais sur le plateau il parle pas. Quelqu'un explique la situation de départ et les deux-trois contraintes (notamment ne pas faire d'anachronismes). Et après c'est parti, moteur, tournage à 5 ou 6 caméras. Les acteurs peuvent ouvrir tous les placards, faire ce qu'ils veulent, ça déroule jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de place dans les cartes mémoire. En résulte une sensation de transe, où les acteurs professionnels peuvent gérer mais d'autres plus amateurs ressentent intensément le truc et finissent limite en tremblant. Parfois un assistant se pointe et les encourage à pousser dans telle ou telle direction.

Et le lendemain rebelote. Ils ont même rejoué une séquence en bas alors que les caméras tournaient à l'étage supérieur, juste histoire de créer de la vie pour ceux qui jouaient en haut.

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Liam Engle: réalisateur et scénariste