Au XVe siècle, le Prince Vladimir renie Dieu après la perte brutale et cruelle de son épouse. Il hérite alors d’une malédiction: la vie éternelle.SPOILERS même si tout le monde connaît déjà l'histoire.
Au vu de la bande-annonce, on aura beaucoup glosé sur les similitudes entre cette nouvelle adaptation du roman et la version filmique de 1992 par Francis Ford Coppola. Et on ne peut nier que, dès le départ, les ressemblances sont nombreuses. Si certains parti-pris ont été vus ailleurs que juste dans le Coppola (il y a un plan en silhouette sur fond rouge qui évoque la bataille de marionnettes mais qu'on aurait aussi bien pu voir dans EXCALIBUR par exemple donc on va laisser le bénéfice du doute), et que Besson change quelque peu le centre de gravité en montrant plus longuement la jeunesse du prince avant la malédiction, d'autres choix relèvent du plagiat: Vlad qui renie Dieu et tue l'évêque ; la statue qui se met aussitôt à pleurer des larmes de sang (comme le spectateur)... et surtout le vol le plus éhonté de tous: la présence d'Elizabeta, l'amour perdu du vampire, qui N'EST PAS DANS LE ROMAN ET N'EXISTE AVEC CE PRENOM QUE DANS LA VERSION DE COPPOLA.

Toute honte bue.
En fait je pense sincèrement qu'il ne fait pas exprès, il ne s'assied pas à son ordi en se disant qu'il va pomper qui que ce soit, juste il tape dans le souvenir de trucs qu'il a aimé, il se remate vite fait le Coppola pour s'inspirer en croyant que c'est une adaptation fidèle du bouquin, etc. C'est comme quand il met Misirlou dans TAXI: il a entendu le morceau dans PULP FICTION, il l'a trouvé sympa, il a acheté le CD, il trouve que ça donnerait une bonne énergie au film de Pirès, j'ai l'impression qu'il fait ça innocemment, presque sans réfléchir.
Quoi qu'il en soit passée cette intro, le film se délocalise à Paris et introduit immédiatement Van Helsing (un Waltz étonnamment sous-employé). On pense alors que le film va dévier un peu du roman en zappant Jonathan Harker et la transaction immobilière mais non... Dix minutes plus tard retour en Transylvanie avec un Harker qui arrive au château, zzzzz... D'ailleurs Harker est d'une fadeur, franchement il faut que Besson se pose des questions sur ses choix de casting. Et lorsqu'on découvre Dracula vieux, le plagiat reprend au centuple, avec le MÊME parti-pris "Coiffure de mamie" que dans le Coppola. Zéro vergogne.
Le film s'installe alors dans un faux rythme hyper bizarre où on a d'un côté une vague enquête en France hyper molle car on sait déjà tout ce que les personnages ne savent pas encore... et de l'autre un looong récit où Dracula raconte sa vie à Harker, et nous on attend patiemment ce qu'on sait déjà va arriver, à savoir qu'il voit la photo de Mina (au bout d'une heure de film, facile).
Ici, on passe dans une des vagues originalités du film, le voyage de Dracula à travers le temps.
Qui-Gon Jinn après avoir vu la bande-annonce a écrit:
La seule originalité semble être les époques multiples où Dracula semble avoir suivi les réincarnations de Mina, mais tu sens que ça va durer 1min30 à chaque fois.
Bingo. Montage vite fait de séquences de danse avec figurants incrustés dans un décor numérique.
Et c'est dans ce récit que Besson introduit son idée principale: pour attirer les femmes, Dracula a traversé le monde pour créer sa propre fragrance irrésistible.

Choix d'une absurdité confondante. Le mec est un vampire mais il n'a pas l'aura où l'appétit sexuel qui lui permet de scorer, le gars est obligé d'aller à Bagdad, Florence et Grasse pour fabriquer un parfum magique.
C'est là qu'on voit à quel point Besson semble mal à l'aise avec l'idée même du vampire. Des gens qui avaient vu le film en en amont nous avaient à dit à Film Freak et à moi que ça ressemblait à un autoportrait de Besson, mec qui suscite contre son gré l'adoration de toutes les femmes. Perso, j'y ai surtout vu le portrait d'un vampire qui est tout sauf un prédateur. En effet, tu le vois à peine commettre une poignée d'exactions, tu sens que ça reste un gentil. (je précise que le film ne fais quasiment pas peur du tout)
Le côté finalement asexué de Besson ressort alors au centuple. On a l'impression de voir un film qui a presque peur du sexe. Au début lorsqu'on découvre Vlad qui file le parfait amour avec Elizabeta, tu les vois faire des batailles de polochon et se maquiller. C'est des ados quoi. Il n'y a rien d'animal, de cru, de sexuel. Idem quand tu vois "Maria" (l'équivalent ici de Lucy) qui est une femme-vampire mais au fond une manic pixie dreamgirl un peu ditzy et joueuse. Absolument rien de vénéneux, c'est dingue.
Je pense que le truc qui résume le plus ce malaise de Besson sur le sujet, c'est les Wives of Dracula, ici remplacées par... des gargouilles en pierre vivantes. Donc quasiment des sidekicks quoi. C'est du ARTHUR ET LES MINIMOYS (et à la fin on découvre que les Gargouilles étaient des enfants maudits qui redeviennent humains et partent en pagne dans la neige - autrement dit vivants mais orphelins et ne connaissant personne dans le présent, et Van Helsing a l'outrecuidance de dire "
It's over. Everything will be fine now"

)
Concernant une des originalités de cette version, le remplacement de Londres par Paris, on croit au début que ça va donner lieu à un climax sympa.
Qui-Gon Jinn après avoir vu la bande-annonce a écrit:
Combien on parie que le climax aura lieu au sommet de la tour Eiffel nouvellement construite avec un rayon de soleil numérique qui point l'horizon ?
Rien de tout ça. La célébration du centenaire de la Révolution ne donne lieu à rien. Franchement quel intérêt ? Si tu relocalises ça en France, au moins fais ton film... en français. Au lieu de situer ça à Paris avec Guillaume de Tonquédec qui parle anglais et Jonathan Harker et Mina Murray qui ont leurs vrais noms mais on ne comprend jamais réellement d'où ils viennent ni ce qu'ils font dans la capitale. Au moins Murnau en plagiant Stoker avaient appuyé la germanité de son univers. C'est désespérant, tu sens que c'est juste une question de crédit d'impôt ou que sais-je.
La deuxième heure du film essaie un peu de rattraper le temps perdu mais franchement c'est difficile d'être à fond. Une fois que l'hypothèque "Climax sur la Tour Eiffel" est levé, Dracula retourne dans son château, immédiatement suivi par les héros qui viennent délivrer Mina. Et là j'ai forcément pensé à FingersCrossed:
FingersCrossed au sujet de JUNE & JOHN a écrit:
ce n'est pas un scénario de luc besson sans assaut final du swat
Car oui, les héros sont accompagnés de l'armée roumaine qui donne l'assaut sur le château.

Le mec ne peut juste pas s'empêcher.
La conclusion de l'arc Dracula/Mina essaie de rebattre les cartes quelque peu (Dracula se laisse tuer exprès par amour pour Mina) mais quitte à changer le roman, la version de James V. Hart/Coppola était mieux, douce-amère tout en rendant Mina active. Ici Mina finit éplorée, ce qui pourrait donner lieu à une émotion cruelle du point de vue de Harker, l'amoureux éconduit. Sauf que cette émotion finale n'a aucun poids car on n'a jamais pris le temps de voir Harker et Mina ensemble au début, donc on en n'a rien à secouer de leur couple.
Bref, séance néanmoins amusante, le film se laisse regarder, mais franchement y a trop de parti-pris éhontés ou malavisés.