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Possible de faire une affiche encore plus moche ?

Je ne suis pas l'admirateur le plus fervent de Nadav Lapid, cinéma trop théorique même si paradoxalement très viscéral. Et j'ai retrouvé avec Oui ce qui fait tout le sel de son cinéma si unique. Ce mélange à la fois de quelque chose de très symbolique, métaphorique et en même temps un personnage principal qui incarne de manière très physique (comme dans ses deux précédents films) tout ce qu'il souhaite raconter. Soit un mélange assez déchirant de détestation de soi et de volonté de sortir du cauchemar israëlien par tous les moyens que ce soit dans la débauche ou dans l'embrassade factice de sa politique. Et ça c'est vraiment fort. Le personnage principal est absolument détestable mais c'est justement parce qu'il l'est, qu'il devient quasiment bouleversant.

Bouleversant parcequ'en prise avec le réel. C'est la grande force du film. D'être une pure fiction mais qui se tisse conjointement avec le réel que ce soit cette histoire de chanson atroce, chantée par des enfants ou plus encore tout le passage avec Gaza au fond. La fiction qui s'écrit sur fond de bombes qui explosent et de gens qui meurent au sein du plan (sans qu'on ne le voir bien sûr). Rien de complaisant et de choquant là-dedans, au contraire. Lapid est conscient de tout et pose cette question légitime, quel est le pouvoir, l'utilité de la de la fiction face à l'horreur qui se déroule là sous nos yeux. C'est vraiment fort. Et la scène où le personnage très beau de l'ancienne amie du conservatoire, lors d'un monologue déchirant raconte le 7 octobre c'est déchirant et ça expose bien ce traumatisme d'être israëlien tout simplement, à la fois victime et bourreau.

J'accroche moins à la dernière partie presque onirique où je ne suis plus très bien (le léchage de pieds bon) mais là encore je trouve le film incroyablement lucide avec ce personnage sans cesse au bord de la rupture, au bord du gouffre de lui-même comme s'il incarnait à lui seul tout Israël, capable de plonger dans l'horreur pure et de faire incarner des vélléités génocidaires à des enfants comme portant en lui un poids de traumatisme dont il ne peut se débarasser.

Que le film sorte maintenant a vraiment quelque chose d'assez unique je trouve et bien sûr que cette expression est affreuse mais le film est d'une certaine manière "nécessaire" en ce qu'il ne pardonne rien, n'explique rien, ne résout évidemment rien mais donne à penser, à voir, à ressentir presque, l'expérience d'être israelien là maintenant, alors qu'à 5km un peuple est en train d'être éradiqué.

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CroqAnimement votre

Il y a une phrase géniale, justement suite au monologue bouleversant dans la voiture (cent fois plus fort que n’importe quelle image): « on se demande comment à Gaza on peut vivre et dormir après avoir avoir massacre des populations… maintenant on sait » (je cite de mémoire)
Mon préféré de l’année pour l’instant et le meilleur Lapid (après avoir vu L’institutrice et Synonymes dans le même week-end)

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Que lire cet hiver ?
Bien sûr, nous eûmes des orages, 168 pages, 14.00€ (Commander)
La Vie brève de Jan Palach, 192 pages, 16.50€ (Commander)

Oui en effet.
Le film grandit en moi, j'en suis sorti un peu décontenancé mais j'y repense beaucoup. Surpris que Lohmann ait pas aimé.

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CroqAnimement votre

Surpris aussi, et très déçu. Cannes c'est un véritable mouroir cette année, l'impression que tous les cinéastes que j'apprécie qui y avaient un film ont décidé de livrer (et d'assez loin) leur plus mauvais. Oui faisait une heure de plus au départ, Lapid l'a réduit à 2h30, je me demande bien ce qu'il y avait dans la version de 3h30 (même si je doute que ça en fasse un bien meilleur film). Mais autant j'étais très étonné de ne pas le voir en compétition officielle (alors que le précédent avait eu le prix du jury), après l'avoir vu je ne pouvais qu'accepter qu'il n'avait rien à y faire.

Pour faire simple je trouve qu'il partage le même problème que le Panahi, ce sont des films "à chaud" qui perdent toute la hauteur de vue qui caractérise le reste de leur filmographie respective. Je comprends parfaitement et je respecte totalement dans les deux cas la douleur qu'ils y expriment, mais pour moi ça ne suffit pas à faire de bons films. L'inverse même. Fini le regard aiguisé et acerbe de Lapid sur la société israélienne, ici c'est 150 minutes d'un couple déboussolé qui se vend et se laisse humilier par des milliardaires pour mieux oublier la réalité de la société dans laquelle ils doivent vivre, c'est probablement celui où Lapid crie le plus sa détestation de cette condition mais sans pour autant nous en dire grand chose (en tout cas bien moins que dans ses précédents films). A un moment j'avais l'impression de subir une deuxième version de Sans filtre, sans moi la première a déjà été assez pénible.

Je me suis dit aussi que c'était la première fois qu'il traitait véritablement de la question palestinienne. Elle était sous-jacente jusque là, par la force des choses il ne pouvait l'éluder ici, mais c'est au mieux fait de manière très maladroite, en tout cas beaucoup trop parcellaire. La seule fois où la Palestine et les palestiniens sont dans le champs de la caméra, c'est depuis le haut d'une colline, à des km de Gaza qui est en train de se faire bombarder, pour signifier l'impuissance du héros. La scène est limite indécente, et revient à doublement éradiquer ce peuple, par les bombardements réels qu'ils sont en train de subir et sans nous montrer la résultante de ces bombardements de l'autre côté de la frontière. M'est aussitôt revenu en tête des images des films de Avi Mograbi, pour le coût beaucoup plus précieux quand il parle de ce conflit de part et d'autre de la frontière. Je pense même que Gitai, en tout cas celui du début de ce siècle, en parlait beaucoup mieux. La conclusion c'est peut-être que Lapid est un excellent analyste de la société israélienne, mais justement parce qu'il se concentre sur celle-ci sa vision de la question palestinienne lui est trop lointaine pour qu'il sache en parler convenablement.

Dans le cinéma israélien récent Samuel Maoz a affronté la question palestinienne.
Foxtrot est un peu didactique et formellement plus classique et "conservateur" que Lapid (à vrai dire son cinéma, son positionnement politique son background sont très proches de ceux de Gitai), mais moralement et politiquement intègre (et pas mauvais artistiquement non plus, ,c'est un film brechtien donc un peu daté mais utile). Son film cernait bien ce qui s'est accéléré depuis 2023 (il n'a malheureusement pas filmé depuis, je crois qu'il a des problèmes pour produire ses films, malgré ou à cause la reconnaissance en festival), et plaçait bien le lieu de l'affrontement à mort sur une frontière qu'il faut avoir le courage de respecter, de faire exister (et qui, à en croire son film était infigurable même pour la gauche israélienne -ce que son film commençait justement à dénouer un peu).

Singulièrement sa page wikipédia est traduite en arabe et en arabe egyptien (il existe donc pour eux), mais pas celle de Lapid

Autant je comprends tes réserves mais là je te trouve injuste. C'est pour moi tout l'intérêt de montrer le conflit du point de vue du personnage qui incarne un peu la vision malade de l'homme israëlien, l'indécence de cet amour de jeunesse (ce baiser) face au brasier au fond. Je ne vois pas très bien comment il aurait pu faire autrement, dans le cadre d'une fiction j'entends.

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CroqAnimement votre

Ne rien montrer aurait été préférable. Il y a quelques années dans Né à Jérusalem (et toujours vivant) on n’avait pas besoin de voir les palestiniens pour comprendre et ressentir comment les attentats suicides pouvaient durablement impacter la mentalité du commun des israéliens.

Mouais le film n'aurait clairement pas eu le même impact. Pour moi l'indécence est là dès la première minute. Tout est indécent, jusqu'à évidemment cette guerre au loin, c'est bien pour ça que le film est passionnant.

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CroqAnimement votre

Est-ce que Cannes ne produit pas, dans le fond, toujours un peu cet effet, avant que raisonnablement tout se lisse ? À moins de constater une baisse générale de la qualité du cinéma (ce qui peut d'ailleurs se discuter, je ne sais pas si on enregistre une baisse globale ou si c'est notre regard de boomer qui fausse tout). Car pour avoir fait les grands festivals (là je rattrape Venise), j'ai pas l'impression que Frémaux se soit vraiment manqué.

C'est clairement un film sur l'indécence de continuer à faire du cinéma alors que deux massacres se sont déroulés et se déroulent.

Non. Il y avait beaucoup de très bons films l’an dernier, dont certains qui seront dans mon top de cette année.

Je suis totalement d'accord avec Lohmann : quand le bon goût légèrement edgy et la bonne conscience morale se mettent à coïncider totalement, c'est appréciable et le signe incontestable d'une oeuvre forte.
Quelque-chose me dit que ça va arriver de moins en moins souvent avec de moins en moins de low hanging trees , les spéculateurs moraux devront s'arracher les occasions quand elles se présentent.

Les meilleurs films de 2025 étaient à Cannes, la quasi intégralité des nommés de l'Oscar du meilleur étranger s'y trouveront.

Berlin 2025 >> Cannes 2025.

Oh, c'est audacieux ça...