Forum de FilmDeCulte

Western crépusculaire et mélancolique, décrivant la fin d’une amitié et plus largement celle de l’Ouest tel que l’on connu les personnages, qui regrettent leurs vies d’avant, leur époque est révolue, il est temps de se ranger ou de mourir, l’espoir propre à la jeunesse étant fini.
Les anti-héros sont fatigués, ils n’ont même plus la volonté de défendre un idéal ou de venger leurs ami, ils attendent seulement la mort.



Le film raconte ainsi l’histoire d’un groupe d’hommes, dont le temps est compté, mais qui ne le savent pas encore (du moins pas tous) ce qui impose un choix, rester soi même et libre ou renier ses valeurs et s’intégrer à la société en acceptant ainsi le compromis, tout le déroulement du film joue ainsi sur l’acceptation de cette destinée et de ce qui les attend au tournant, à l’image de la scène du miroir qui renvoie au début du film, et qui permet de boucler la boucle.
Le récit est dans la continuité de l’amitié Pike Bishop/Deke Thornton sauf qu’ici elle est au centre de l’histoire (conflit entre celui est resté le même, et celui qui s’est adapté).

Comme dans La horde sauvage le survivant n’est pas forcément celui qui en sort grandi (comme le montre la scène du début qui dévoile la destinée d’un des deux protagonistes principaux) celui qui meurt étant celui qui accède au statut de mythe.



Le rythme lent, plus contemplatif, lui donne une certaine singularité, puisque c’est une course poursuite contrainte, opposant deux anciens amis, un hors la loi qui ne veut pas fuir, face à un représentant de l’ordre qui ne veut pas le poursuivre, car au fond c’est la marche vers leurs propres fins qui attend les deux protagonistes.
L’histoire s’articule comme une ballade funèbre, une parenthèse qui repousse l’inéluctable jusqu’au bout, comme si Pat laissait une période de répit à son jeune ami, s’apparentant à une longue agonie, en espérant que celui-ci s’en aille loin, ce que Billy refusera, lui qui est épris de liberté, cette même liberté auquel Pat a renoncé, choisissant de conserver son intégrité envers la loi jusqu’au bout.

Le film est constitué d’un long flashback, montrant le caractère inéluctable du destin, on sait déjà à l’avance comment cela va finir.
Le personnage d’Alias est un peu à part, pas seulement en raison de la personne qui l’interprète, mais parce qu’il ressemble à Billy tout en étant différent, sa véritable fonction est plus celle du narrateur que de l’acteur, à l’instar du journaliste de L’homme qui tua Liberty Valance, celui qui rapporte les évènements, qui s’assure que cela ne soit pas oublié, et qui contribue ainsi à faire de son camarade disparu une véritable légende.



Garrett provoque sa chute en tuant symboliquement ce qu’il restait de bon en lui, ce qu’il fait en tirant sur Billy, symbole de son passé et de ce qu’il a cessé d’être, puis sur son reflet dans le miroir, ce qui s’apparente à un suicide, à partir du moment où il a accompli cet acte, il s’est damné à jamais, et est destiné à errer, à marcher inéluctablement vers sa propre mort.
On retrouve ainsi les thèmes de prédilection du réalisateur, le dernier baroud d’honneur de ses anti-héros au seuil d’une nouvelle époque qui n’est prête à les accueillir que s’ils font des sacrifices.



Indéniablement le plus beau film du réalisateur, porté par les excellentes prestations de Kris Kristofferson et James Coburn (qui trouve peut-être là son meilleur rôle) sans oublier les habituelles têtes connues (Jason Robards, Emilio Fernandez).
La mise en scène est plus classique mais toujours aussi sublime et la BO de Bob Dylan convient parfaitement à l’atmosphère désenchantée du film (qu’il s’agisse du thème principal ou du fameux « Knocking on Heaven’s door »).

Avec ce film, Peckinpah atteint le stade où il arrive au bout de sa logique de processus de démythification des légendes de l’Ouest, avec un ensemble d’éléments qui font qu’il s’inscrit dans le coeur thématique de sa filmographie, synthétisant ainsi ce qu’il avait fait sur Coups de feu dans la Sierra, Major Dundee, La Horde Sauvage et Un nommé Cable Hogue, signant son adieu mémorable au genre dont il restera une des figures de proue.

6/6

Je me demandais, vu les différentes versions, quel montage vaut-il mieux privilégier ?
Celui de 1988 ou de 2005 (que je n'ai pas vu) ?

88 sans l'ombre d'un doute (qui est le cut de peckinpah qui plus est).

Un des plus beaux films du monde. Pas grand chose à ajouter... Je suis pas très western et pourtant ce film-là me met sur le cul. Tellement fort, émouvant...

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Liam Engle: réalisateur et scénariste

Tiens je ne sais même pas laquelle j'ai vu.

En tout cas film magnifique, je pense mon western préféré. Voir l'un de mes films préférés tout court.

Puis Bob Dylan en Alias !

Si ça peut t'aider, la version 2005 est celle qui comporte la scène avec la femme de Garrett.

Merci, j'ai donc vu celle de 1988.

Quelqu'un sait s'il y a de gros changements dans celle de 2005 ?

De ce que j'ai pu lire, il y a eu surtout des scènes raccourcies (le générique différent, rajout de la scène avec Garrett et sa femme, plusieurs coupes au début).

Mon préféré de Peckinpah et dans ma short list de mes films favoris. J'aime beaucoup (entre autres) la scène de la première arrestation de Billy, christique dans ses moindres détails : Billy dont les deux acolytes se font tuer, qui se rend les bras en croix, faisant remarquer à son judas (Pat Garret) qu'il est bien mal entouré...

Billy : You're in poor company, Pat.
Pat : Yeah, I'm alive, though.
Billy : So am I.

Avec une musique de Dylan qui, hélas, ne se trouve pas sur la BO (superbe BO que j'écoute au moins une ou deux fois par mois).

Coburn n'a sans doute jamais été aussi bon. Par contre, ma seule réserve tient à la présence de Dylan dans le rôle d'Alias ; je le trouve assez mauvais comme acteur...

Le film est culte pour moi depuis vingt-cinq ans. Il y a quelques semaines j'étais chez ma mère et elle l'a lancé, je me suis dit que j'allais regarder le début avec elle avant de vaquer à mes occupations. Et dès le début, avec cette intro brillante qui connecte la mort future de Garrett et les tirs de Billy, puis ces échanges doux-amers et géniaux type
BILLY: Sheriff Pat Garrett. How does it feel?
GARRETT: It feels like... times have changed.
BILLY: Times, maybe. Not me.
... comment ne pas être cueilli ? Surtout quand juste après un mec lance à Billy "Why don't you just shoot him?" et Billy "Why? He's my friend".

Bref je me suis retrouvé à regarder le film entier. Je le trouve un peu long mais il y a tellement de scènes que j'adore qu'à chaque fois je me disais "Ah mais bientôt y a [telle scène qui tue]". Et ainsi de suite pendant 1h50.

La semaine d'après j'en reparle à ma copine, je veux lui montrer le début, et que se passe-t-il ? On se retrouve à regarder le film en entier AGAIN.

Tout ça pour dire que j'adore. Il y a plein de moments cultes, la liste est trop longue: Katy Jurado qui pleure son mari en train de mourir ; ce plan incroyable du méchant shérif au début assis avec son fusil, on dirait un daguérotype ; ce moment génial où Pat interroge une pute qu'il connait: *baffe* Dis-moi où est Billy ! La fille: Il va m'en falloir plus car j'en dois une au Kid *deux baffes* OK il est à Fort Sumner

Mais ce qui me touche particulièrement c'est cette amitié brisée entre Billy et Pat, comment chacun ont choisi un chemin différent. A l'instar de tous les criminels ou "sherifs" que tu croises dans le film, qui sont tous virtuellement le même mec. Tout le long tu voyages de ville en ville en croisant des mecs avec leurs rêves d'ailleurs (l'un veut se barrer à Old Mex(ico), l'autre veut construire sa baraque, un autre encore construit un bateau...), et en attendant qui a choisi de survivre en volant du bétail qui en "ramenant l'ordre". La pièce peut tomber d'un côté ou de l'autre. Et tout peut s'inverser à tout moment: cf. le génial Bill Kermit aka le criminel Alamosa Bill que Pat Garrett embrigade et qui se retrouve dans un duel inoubliable avec Billy. Lorsqu'il meurt dans les bras de Billy il lâche "At least I'll be remembered". Comment ne pas adorer ce film ?

Et ce qui est bouleversant également c'est comment le film parle du moment où on finit par se ranger des voitures, où on commence à renoncer à nos rêves pour un truc plus confortable, où comme dit Pat "Comes an age in a man's life when he don't wanna spend time figuring what comes next." Mais pour se faire Pat doit littéralement aller traquer son ex-ami et le tuer de sang-froid, de la même manière qu'à un moment dans nos vies on est souvent obligés de tuer le Billy the Kid en nous.

Chef d’œuvre.

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Liam Engle: réalisateur et scénariste

D'ailleurs il y a (enfin) une bio sur Peckinpah qui est sortie il y a une dizaine de jour. J'en suis au deux tiers, j'arrive justement au chapitre sur Pat Garrett, et je me régale.
Je suis assez surpris du nombre de détails sur sa vie privée, mais c'est plutôt bien dosé et ça sert toujours à compléter le portrait de ce perso plein de paradoxes.
Son approche du montage est évidemment bien mise en avant, tout comme la relation qu'il entretenait avec ses acteurs (et actrice) et certaines de ses méthodes (qui ne font pas toujours l'unanimité). Son addiction à l'alcool et les excès de violence qui en découlaient ne semblent pas minimisés.

J'ai bien sûr envie de revoir toute sa filmo et même de découvrir certains des épisodes qu'il a écrit et réalisé pour la TV.

J'ai rencontré l'auteur en festival, très sympathique, un vrai passionné. Un peu inquiet de ne pas vendre beaucoup, ayant choisi un cinéaste méconnu du public contemporain... Bien content d'avoir le bouquin chez moi au moment où j'approfondirai la chose !

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I think we're gonna need a helmet.

J'espère qu'il s'y retrouvera un minimum mais c'est sur que ça semble être un pari perdu d'avance.
Je suis toujours surpris que Peckinpah n'est pas été réhabilité au même titre qu'un Carpenter par exemple.

En tout cas, lorsque j'ai acheté le livre en librairie, le jour de sa sortie ou le lendemain, on était deux au même moment à poser notre main sur la pile de bouquin.

J'ai rattrapé The Wild Bunch hier soir - il n'est jamais trop tard pour les classiques - donc j'ai hâte de découvrir celui-ci.
Je comprends maintenant l'avatar de El Topo

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Ed Wood:"What do you know? Haven't you heard of suspension of disbelief?"