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MessagePosté: 07 Mar 2025, 11:52 
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En échange d'un bel appartement, un employé des pompes funèbres accepte l'emploi de bourreau en se jurant de ne jamais exécuter une sentence de mort en démissionnant sur le champ. Or, un jour, une condamnation arrive et Jose Luis s'acquitte de sa tâche...

Comédie espagnole en apparence légère présentant un cousinage avec les comédies italiennes de l'époque (pour ce que j'en connais), "Le Bourreau" est un tout de même un petit miracle.
Je ne sais pas comment ce film a pu franchir la barrière de censure franquiste tant il tire à boulets rouges sur toutes les institutions (les mœurs, l'église, l'armée, les fonctionnaires, l'état, les cérémonies funéraires, le mariage...). Tout est détourné en dérision dans un contexte qui rappelle le néo-réalisme italien (c'est d'ailleurs une co-production entre les deux pays)..
Alors on ne rit pas à gorge déployée ; on est plus amusée du sabotage permanent de toutes les situations qui devraient être sérieuses.
La scène finale est hilarante avec le bourreau au plus mal qui suit le même processus que le futur exécuté (de la confession jusqu'au garrot autour du coup sous la forme d'une cravate, en passant par le dernier verre du condamné) et qui traîne les pieds autant que sa victime.

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MessagePosté: 07 Mar 2025, 11:58 
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Avec Nino Manfredi dans le rôle principal, c'est plus qu'un cousinage là.


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MessagePosté: 07 Mar 2025, 15:13 
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Les deux cinématopgraphies étaient assez proches, le début de carrière de Ferreri, la logistique du western spaghetti passent par l'Espagne. Après tout Lucia Bosé (dont la filmo est engagée contre le franquisme) était italienne.
Il y a aussi des proximités culturelles et historiques réelles, notamment entre la Catalogne et la Ligurie.

Mais merci pour attirer l'attention sur le film sinon, cela me chauffe bien.

Maintenant que les films passent la censure d'une dictature, déjà vieille de plusieurs décennies, je me demande si c'est si surprenant que cela : Mort d'un Cycliste de Bardem est déjà transparent, et de l'autre côté du rideau de fer ou même en Iran le cinéma a été et reste quand-même la principale forme culturelle internationalement visible de critique du régime, les films de Pintilie Danieluc ou Tatos en Roumaine sont par exemple très explicites, finalement plus directs, plus précis et circonstanciés au plan historiques et moins métaphoriques que le cinéma politique français ou américain de la même période.
Visconti a bien tourné Ossessione avec l'argent du fils du Duce.
Le cinéma sert visiblement de variables d'ajustement tolérée, et la censure est après-tout une bureaucratie avec des luttes internes (idéologiques et/ou liées aux carrières et ambitions) et paradoxalement une centralisation des décisions qui peuvent être exploitées.

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MessagePosté: 14 Mar 2025, 09:41 
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Vu la première demi-heure
au moment où il couche avec la fille du boureau et se fait surprendre, on devine la suite
sur un site marron et lent et c'est pas mal, j'ai essayé de le prendre par eMule (moins fashion que d'autres trucs mais qui marche toujours) mais n'ai pas de VPN (enfin si mais pas pour ces conneries) et ai finalement commandé le DVD.
Mais, jusqu'ici, je trouve cela assez différent du néo-réalisme, c'est plus noir et sombre, placé à un niveau plus individuel, tout se joue au sein de la même classe sociale et le pouvoir est hors-champ même s'il est compris dès le début. Dans le néo-réalisme italien et la comédie qui en est issu, il y a souvent des dialectiques collectives qui réunissent des personnages de milieux différents, au moins géographiquement, dans un projet qui redouble la situation, même s'il est mis en oeuvre de façon cynique et ratée. Là il n'y en a aucun, les gens éprouvent l'ordre social malgré et après l'avoir critiqué. En un sens on sent directement le poids politique du franquisme et d'un catholicisme plus fort qu'en Italie.
Cela me fait plutôt penser au Corbeau de Clouzot, avec un sens moral impuissant mais qui rend autrui transparent, le contrôle social et la violence à la fois institutionnalisée et la plus discrète possible du régime rendent les psychologies paradoxalement entièrement intentionnelles dans un monde statique. Le typage des femmes, à la fois recours moral généreux et enjeu inaccessible de statut social est aussi proche de Clouzot, le personnage moral mais (car) célibataire de Manfredi ressemble à celui de Pierre Fresnay, en plus populaire. Et pour l'esthétique expressioniste.


Pour la remarque de FWWM sur la censure, sur Wikipédia on lit que les acteurs et le réalisateur sont issus de milieux proches du régime : Berlanga avait combattu dans la légion Azul sur le front de l'Est (pour un motif assez improbable, racheter la grâce d'un père prisonnier républicain condamné à mort, ce qui le place dans une situation proche du personnage qu'il a créé dans le film), et l'actrice principale, Emma Penella, est la fille d'un ponte de la CEDA (opposition de droite nationaliste au départ parlementaire, mais beaucoup moins après le coup d'état de Franco, au Front Populaire).

Sinon Nino Manfredi impressionant entre la tronche de ses débuts et son look dans les Ettore Scola des années 70, rien à voir.

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MessagePosté: 23 Mar 2025, 23:24 
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J'avais trouvé le début un peu poussif, mais la dernière demi-heure est vraiment impressionnante.
La scénario, habilement, met en relation directe l'archaïsme de la torture et de la peine de mort avec le développement touristique de l'Espagne voulu par Franco, et la façade de modernité, d'ouverture cosmopolite et de prospérté qu'il amenait. Ce contraste entre développement bourgeois et mebtalités est encore plus accusé que dans le cinéma italien de la même époque.

Et le pire c'est que c'est drôle
la réplique de la femme, bonne actrice : vas-y ce sera l'occasion de découvrir Palma de Majorque. Ou l'histoire avec la coupe de champagne du condamné, opposé d'ailleurs au cornet glace quand le personnage fait les démarches officielles pour succéder à son beau père, qui ancre le personnage dans une identité prolétarienne, une forme de minorité comparable à l'enfance dont le régile joue :la machinerie de la répression
possède une dimension paternelle, comme si elle était la seule à incarner l'âge adulte dans un monde où même le directeur de prison est un fils hésitant


Dialectique intéressante entre le nihilisme et le cynisme apparents de la mise en scène, et le malaise politique des personnages, que ceux-ci énoncent directement, mais en n'étant pas entendus, sinon de leur collègues dans la machnierie policière , qui pourraient presque évoluer vers la colère et le refus (et détruire alors le film), le personnage de Nino Manfredi est assez complexe et crédible, le bourreau est un prolétaire qui rate sa promotion de classe, qui subi son engagement dans la classe moyenne, elle-même un mensonge car ce n'est qu'une des formes de l'état : la bourgeoisie est une manière de récompenser ses cadres : tout le modne, même et y compris les chefs, est un serviteur.

Il y a par moment une grande puissance de la mise en scène, dans l'avant-dernuère scène du sas de la prison, avec l'éloignement progressif à la grue sur les deux groupes (les flics qui portent bourreau et le condamne) qui convergent vers une petite porte au fond, la scène ressemble à uen hallucination psychédélique, un rêve baroque à la fois moral et abstrait. Cela fait penser à la scène de la grille franchie dans Profession Reporters (des personnages, un peu bobo, citent d'ailleurs dans le film Antonioni et Bergman dans une scène significative).

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L'arrivée en barque de la Guarda Civil dans la grotte est aussit très forte, image politiquement marquante, à la fois romantique et caustique, et pleinement intégrée au scénario, ce qui est une gageure.

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Il ya quelque-chose qui rappelle la scénographie des spectacles à la fois touristiques et idéologiquement réactionnaire du genre Puy du Fou, mais ici sans mémoire, la morbidité du pouvoir est purement technique : celui-cu tient car il ne dissimule pas sa mauvaise conscience, celle-ci devient l'évènement suscité par le spectacle, plutôt que de recréer passé on créé directement un fantasme. Arnold Böcklin débarque à la plage à la place du bar à tapas). Aspect proche de Debord dans ce passage.

Ce qui est frappant est la finesse psychologique permanente (le salut militaire gêné que le personnage de Manfredi adressent aux gardes civils à la fin, qui l'interrompent en lui donnant la coupe de champagne, signe qu'il a capitulé, mais que sa compassion envers ce qui va mourir s'est aussi déplacée de la victime vers le régime - il supporte d'être un agent de la répression car il la sait en crise, comme ses autres rouages, paradoxalement le régime met en scène sa fatigue et sa mauvaise consciente pour solidifier les fidélités) :
la cruauté amène paradoxalement une sobriété psychologique, une forme de vérisme, qui s'oppose à la comédie qui échoue d'un cheveu dans sa tentative de basculer de la prise de conscience et la satire vers la vraie lutte (le personnage voudrait rater la répression, comme si c'était l'équivalent d'une critique mais n'y arrive pas).

Belle découverte, merci !

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MessagePosté: 24 Mar 2025, 09:03 
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Sinon Manfredi edt von, mais Emma Penella aussi

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Très belle femme (déjà dans la trentaine dqns le film)avec un côté Claudia Cardinale, mais avec la vis comica. Une large part des répliques les plus salées sur la mentalité du peuple face au franquisme sort de sa bouche. On sent que la fille de l'assassin de Garcia Loca n'est pas bête et a réfléchi.
Le père, José Isbert est aussi très bon, sorte de compromis exact entre Bourvil et Michel Simon, sa résignation morale transforme la sénilité (en partie feinte) en provocation, du coup envie de voir le film espagnol de Ferreri où il joue, alors que le sujet m'attire pas.

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