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MessagePosté: 30 Juil 2009, 09:33 
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SPOILERS.

J'ai un peu réfléchi au film et sur la raison de cette fameuse barrière invisible qui "empêche" les invités de sortir du salon de leur hôte. Il n'y a bien sûr pas de raison rationelle mais forcément une raison symbolique, c'est d'ailleurs ce pourquoi on peut parler d'histoire à concept. La résolution finale de la situation laisse en effet penser que la barrière a été instaurée parce que les invités n'ont pas fait quelque chose qu'ils auraient dû faire. Mais quoi? Seule la "Valkyrie", qui incarne l'innocente guerrière pas encore trop imprégnée par la torpeur bourgeoise, peut trouver la solution. Elle remarque que tous les invités sont à la place qu'ils occupaient à la fin de la soirée, moment où semble-t-il la barrière a été créée (j'emploie la forme passive mais il n'est pas intéressant de savoir qui en est l'instigateur, c'est "l'Ange exterminateur" si on veut, mais je ne crois pas que Buñuel ait voulu par là suggérer la notion de punition divine au sens chrétien=le seul dieu du film c'est lui). Elle fait recréér les actions de tout le monde et conclut en disant que tous sont fatigués et devraient rentrer. Ils s'exécutent dans l'euphorie: ça marche, ils sont libres. A comparer avec les actions initiales où, à l'issue de la sonate au piano, tous n'ont qu'une envie, partir (pour les invités), et que les invités partent (pour les maîtres de maison), mais personne ne l'exprime clairement. Quelques uns font mine de partir, mais par souci de respect de convention, de ne pas apparaître trop impolis et de sauvegarder leur image, invoquent des prétextes foireux, puis s'écrasent. Tout le monde suit tout le monde en se demandant pourquoi personne part, sans se demander pourquoi soi-même on ne part pas. C'est là la critique féroce de Bunuel: les bourgeois sont des gens emprisonnés (dans la vie au sens figuré, dans le film au sens propre) dans leurs propres règles parce que celles-ci réfreinent leurs désirs véritables, qui est la seule liberté possible. Le film montre d'ailleurs que l'espace bourgeois, qui est un espace clos et étouffant (là encore c'est présent dans le film au sens propre, ce qui fait dire à skip mccoy que c'est un film théorique), finit par être un monde d'une violence, d'une vulgarité et d'une méchanceté inouïe qui surpasse de loin le monde non bourgeois contre lequel il s'érige. Les bourgeois ont tout perdu. A contrario, les domestiques ont l'intuiton qu'ils doivent partir parce qu'ils pressentent le malheur: sans raison véritable, ils sont capables de suivre leurs désirs, quitte à perdre leur emploi, pour être libres. Ce qui n'est pas le cas du domestique en chef qui lui se retrouve piégé d'avoir été fidèle.Ce jeu des domestiques fait penser à La Régle du jeu (le cuisinier a d'ailleurs, coincidence ou référence implicite, la même corpulence et le même type de visage que le cuisinier autoritaire de Renoir).

A la fin, les bourgeois se libèrent de la barrière invisible en exécutant leur désir sans arrière pensée ou calcul social: "on a bien aimé votre soirée mon cher ami, mais là, on est crevés, on y va". Quelque chose qu'ils auraient dû dire depuis le début. La joie fait surface, une joie véritable et non feinte, à mesure qu'ils évacuent la maison.

Un happy-end? Non. Les même personnages, la seconde d'avant réjouis et pleins de vie, viennent s'enterrer dans l'église. Ils semblent servilement honorer Dieu de les avoir sauvés de la mauvaise passe: ils n'ont pas compris ce qui les a sauvés, la libération de leur désir. Le curé est parti pour sortir et mettre fin à la cérémonie, il en est empêché par une barrière invisible: l'Ange exterminateur s'attaque cette fois à l'Eglise catholique.


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MessagePosté: 30 Juil 2009, 09:47 
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Attention avec l'interprétation du titre (même si ce que tu dis tient la route), Bunuel explique dans son autobiographie, qu'il a surtout choisi ce titre parce qu'il avait une résonnance surréaliste.

Sinon je suis bien d'accord avec ton analyse, par contre je ne vois vraiment pas où se situe le "concept" ni même la "théorie". Le film est surtout une illustration psychanalitique (comme tous les films de Bunuel en fin de compte) de l'hystérie bourgeoise et des contradictions du subconscient et de l'inconscient : "nous voulons partir mais la bienséance nous en empêche". Ils sont donc coincés, et Bunuel filme littéralement ce coinçage. Ca tend bien plus vers l'abstraction que vers la théorie...

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MessagePosté: 30 Juil 2009, 09:53 
J'adore.

Et le plan final est énorme.

6/6


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MessagePosté: 30 Juil 2009, 09:58 
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Le titre est génial, ça m'a tout de suite attiré vers le film.

Sinon, pour moi le film fonctionne tout de même sur un concept, celui de la barrière invisible. Après oui tu peux dire que ça te convient parce qu'il est un symbole de la prison bourgeoise mais ça reste un concept...? Quand je dis théorie je faisais juste référence à skip pour qui c'était péjoratif. En fait ce que skip n'a pas aimé, c'est que le film parle de la réalité via des circonstances posées par le cinéaste et qui se posent comme telles. C'est pour ça que j'identifiais l'Ange exterminateur à Buñuel lui-même. Skip, en bon amateur de films de l'âge d'or hollywoodien, n'aime pas les ficelles qui se voient :)


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MessagePosté: 30 Juil 2009, 10:15 
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Oui, c'est un concept, mais je pense que c'est surtout un concept psychanalytique illustré par le film, plutôt qu'un film à concept si tu vois ce que je veux dire. Pour moi un film à concept c'est plutôt Valse avec Bashir, Redacted, Dogville, soit des films où le concept de départ fixe (et enferme) l'esthétique.
Enfin bon, bref, on va pas chipolata, de toute façon nous sommes d'accord, et en effet, tu as bien raison de le souligner, Skip est un gros fils de pute.

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MessagePosté: 30 Juil 2009, 10:16 
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L'esthétique enfermée dans Redacted... Je vais me recoucher tiens...

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MessagePosté: 30 Juil 2009, 10:17 
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C'est tellement facile de te faire intervenir sur un topic. Et sur ce coup là je pensais que tu attendrais au moins 5 minutes... :D

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MessagePosté: 30 Juil 2009, 10:20 
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Lol Je me souviens encore du jour où tu m'avais dit que tu n'aimais pas le sublissimement sublime Suddenly Last Summer car il était trop psychanalytique ! Incohérence man !

Sinon j'aimerai revoir ce Bunuel pour pouvoir en parler avec vous.

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MessagePosté: 30 Juil 2009, 10:24 
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Non, j'ai dit que je le trouvais trop psychologique -comme tout ce qui est adapté de Tennesse Williams- c'est pas pareil ! j'écoute pas man

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MessagePosté: 30 Juil 2009, 10:27 
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Oui hein... c'est un chef d'œuvre et puis c'est tout, quand je serai sur Paris on le remate ensemble et je te fais fermer ta gueule.

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MessagePosté: 30 Juil 2009, 10:31 
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lol
quel vieux facho...

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MessagePosté: 30 Juil 2009, 10:39 
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Sinon pour revenir à nos beaux moutons... Je comprends que tu opposes le Bunuel avec les autres films, après je réagissais surtout sur l'esthétique enfermée, je trouve que beaucoup de films concepts, ceux que j'aime, retirent justement leur beauté d'une esthétique perpétuellement changeante... En un sens c'est un peu ce que fait Bunuel dans le sublime Viridiana, comment l'esthétique va venir coller à un bouleversement dramatique ou autre...

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MessagePosté: 30 Juil 2009, 11:00 
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C'est pas tant que j'opposais Bunuel à ces films, je voulais surtout clarifier les choses pour pas qu'on fasse d'amalgame. Après je suis pas sûr de comprendre quand tu dis "l'esthétique va venir coller à un bouleversement dramatique", l'esthétique, justement, ne tiendrait-elle pas de ce bouleversement ?

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MessagePosté: 30 Juil 2009, 12:31 
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Si si bien sur, c'est à double sens, heureusement sinon c'est le syndrome de la coquille vide.
Après c'est surtout que ce terme de film concept me gonfle, tout le monde y applique des choses différentes. Prends l'exemple d'un film que beaucoup de monde qualifie de film concept, Elephant, il joue sur quelque chose de très simple dans sa structure, pré basculement, basculement, post basculement... Seulement comme tu dis dans la première partie la dernière est déjà virtuellement présente, elle a son poids. C'est très simple, univers éparpillé, premier tir des tueurs, univers centré autour d'un évènement, temporalité unique... Ok mais est ce que ça en fait un film concept plus que Viridiana par exemple ? J'ai l'impression que des gens collent ce terme pour désigner un objet qui part assez loin de la narration et du récit classique (je dis pas que c'est ton cas)... Enfin voilà, perso c'est un terme qui ne m'intéresse pas trop...

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MessagePosté: 30 Juil 2009, 14:15 
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next: Le Fantôme de la liberté demain soir à la cinémathèque.
Y a Le charme discret de la bourgeoisie qui passe juste avant, j'y serais bien allé si seulement je ne l'avais pas revu il y a deux trois mois. Grrr...


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