dominique comparaît aux assises pour le meurtre de son amant, gilbert, fiancé de sa soeur annie. elle doit se battre contre l'avocat, qui tente de ternir, contre son gré, la mémoire de gilbert, et contre le procureur, qui essaie de la faire passer pour un monstre sans coeur aux yeux du jury... .je l'avais vu et aimé il y a bien des années, et ma mini retro bb, l'actualité judiciaire et anatomie d'une chute l'on sévèrement remis sur mon radar, il passait en version restaurée, clouzot c'est toujours mon pote, donc go.
parce que c'est donc un grand film judiciaire français -
le grand film judiciaire francais, désormais ex eaquo ?
il est dit sur wiki qu'il a a été inspiré après assisté à plusieurs procès d'assises, et le fondement du film est effectivement l'aspect le plus basiquement fascinant du processus judiciaire : on ne sait pas ce qu'il s'est passé, et on se réunit à plusieurs, avec une procèdure précise, pour essayer de le déterminer. ça devient "la vérité judiciaire", à défaut de "la vérité". le film pousse cette thématique dans les grandes et petites lignes : il n'y a pas de doute et de contestation sur le fait que brigitte a tué son amant, la question est pourquoi, comment était la scène, quel était son état d'esprit. tout ça est par nature insaisissable, chacun vient apporter son point de vue, il n'y a pas de "vérité" si ce n'est les sentiments de chacun - subjectifs, respectables, impénétrables, soumis à toutes les interprétations et sensibilités. ça s'incarne ensuite tout le temps : un avocat lit un compte rendu, mais en omet les 2 phrases suivantes qui en modifie le sens. un témoin parfaitement crédible ment. une scène incroyable est lorsque le procureur démonte, de manière efficace et dévastatrice, le témoignage de brigitte sur une scène que l'on a vu juste avant, et qui était bien vrai. la recherche de la vérité judiciaire est donc celle de la vérité des êtres - une quête absurde donc.
d'autant plus que le film illustre magnifiquement quelque chose qui m'obsède, c'est à dire que la justice, rendue 'au nom du peuple français', reflète ainsi les sensibilités et normes de son époque bien plus que des vérités éternelles relatives au bien et au mal. en 84, michel fourniret est condamné à 5 ans de prison pour plus de 10 viols, y compris sur mineurs - il en fera 3. aujourd'hui, salim berrada est condamné à 18 ans pour 14 viols, ça aurait été moitié moins il y a 10 ans et sans journalistes dans la salle. aujourd'hui, des mecs qui ont fait les proxénètes pour des filles de 12 ou 13 ans prennent 2 ou 3 ans - je ne peux qu'esperer que ce sera 20 ou 30 dans 10 ans. bref, le film le montre magnifiquement car on voit bien que c'est un procès fait aux moeurs de brigitte bardot - ou de son personnage, mais la confusion est volontaire. tant est si bien qu'aujourd'hui, les normes sociales qu'on lui oppose paraissent obsolètes, odieuses, mais ce sont celles de gens persuadés à 100% d'être dans le juste et la moralité. c'est d'autant plus frappant que le décorum judiciaire n'a quasiment pas changé, ni même le comportement des avocats.
le film est passionnant historiquement, puisqu'il date de 1960 et s'il est toujours tentant de fixer les grandes marques de démarcation à "mai 68" ou "me too", ces mouvements viennent évidemment consacrer des grandes évolutions sociétales plus profondes. en l’occurrence ici, celle de la jeunesse sexuellement libérée, (du quartier latin), qui s'affranchit des normes relatives au travail et aux bonnes mœurs, sous l'oeil sévère de la génération qui précède. on voit donc tout ce qui germe et poussera furieusement 10 ans après. l'aspect historique m'a donc marqué, autant une illustration de ce que je pense profondément, il n'y a pas de bien ou de mal mais des normes très évolutives dont une grande partie sont destinées à changer, et seront jugées durement par la génération d'après, ou par les spectateurs dans 60 ans.
les spectateurs 60 ans après peuvent donc se permettre de dire que le film est malgré tout trop long, avec un scénario assez feuilletonnant qui épouse tous les soubresauts de cet amour de jeunesse contrarié. c'est inspiré librement d'un faits divers assez simple ayant fait du bruit à l'époque mais qui aujourd'hui ne ferait pas bip (même si c'est le schéma inverse d'un 'féminicide'). tout cela est évidemment compensé par bardot, qui est aussi charismatique et magnifique que d'habitude, mais qui est par ailleurs excellente, régulièrement très émouvante, et tout le temps juste. sami frey est aussi magnifiquement beau et très fort, avec un jeu très contemporain et pas du tout marqué par l'époque, c'est parfois troublant.
très bon et beau film.