Forum de FilmDeCulte

Vu passer un tweet sur ce film et ça m'a rendu curieux.

Excellente découverte que ce polar hongrois qui se joue d'une lenteur absolue dans des plans aux mouvements très composés. Il faut je pense évacuer l'éléphant dans la pièce pour parler du film. Le découvrir aujourd'hui c'est avoir le sentiment que György Fehér a tout pompé sur son compatriote et collaborateur Béla Tarr (Fehér produira Satantango, Tarr coécrira son film suivant avec lui [une adaptation d'Un facteur sonne toujours deux fois]). Or, en 1990, Béla Tarr n'a encore réalisé que Damnation dans ce nouveau style N&B estampillé slow cinema après Almanach d'automne. C'est donc plus trouble que ça et on peut même se demander à l'inverse si ce n'est pas Tarr qui s'est inspiré de Fehér par la suite. Quoiqu'il en soit on pourrait aisément penser que ce film est réalisé par Béla Tarr tant c'est similaire à son cinéma. La misanthropie, la déprime absolue d'un territoire qui semble abandonné de tous, la décrépitude des décors, ce noir et blanc charbonneux et sans cesse brumeux, ce parfum de fin du monde et surtout cette lenteur des mouvements d'appareils dans des plans très longs mais complexes. En tant qu'immense admirateur du réalisateur du Cheval de Turin je ne pouvais qu'y trouver mon compte.

Et ca a été le cas, j'ai été happé dès ce premier plan aérien presque mystique sur cette dense forêt qui semble au bout du monde et qui renferme un mal absolu. L'histoire est d'une simplicité totale et le film est tellement lent que tout ce que le film raconte pourrait tenir en dix minutes (un tueur d'enfants, un policier obsédé par le retrouver). Evidemment le cœur du film est ailleurs. Il est dans le regard sur ces personnages et ces territoires, comme si en insistant très longuement on pourrait y déceler la vérité, y découvrir ce qui s'y cache. Le film va rapidement emprunter au conte dans la manière d'incarner son méchant, un géant portant un manteau noir et les hommes d'y être tous décrit comme des ogres (un plan incroyable de malaise entre un homme et une enfant où il lui caresse le visage et les lèvres). Le film ne délivrera rien de son mystère, jusqu'au bout il restera ce gros bloc d'incompréhension, de choses posées là sans qu'on sache vraiment comment elles y sont arrivées, à l'image du cadavre de la petite fille qui ouvre le film. Tout fonctionne sur une espèce de fascination profonde, d'une sourde inquiétude qui vibre et traverse le film. La bande-originale est magnifique d'ailleurs, parfaitement en accord avec le film mélancolique et inquiétante, moderne et intemporelle.

Je mentirais si je disais ne pas avoir été agacé par moment de cette lenteur qui peut aisément faire parodie des Inconnus mais le film m'a largement séduit et envouté. Féher n'a réalisé que deux longs métrages et le second est donc une adaptation d'Un facteur sonne toujours deux fois, passé par le Certain Regard à Cannes. Je vais essayer de le voir même si j'en ai un peu soupé de ce roman (et je doute qu'il fasse mieux que le Ossessione de Visconti). Pour vous donner une idée voilà un plan vers la fin du film (ça ne spoile pas vraiment) où on voit ce travail de composition, de premier plan, d'arrière plan, de travelling etc... :
https://www.youtube.com/watch?v=zY9kGmG ... h%C3%ADvum

4.5/6

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CroqAnimement votre

Vu il y a pas longtemps, une parodie de film d'auteur hongrois (Béla Tarr y fait office de consultant) nulle à chier où il ne se passe rien et les plans durent trois plombent pour rien (jusqu'à disparition d'un personne ou d'une poignées dans le lointain le plus souvent).
Il y a que Tarr qui est connu mais il y avait plein de réalisateurs plus jusqu'au boutistes que lui dans les années 80 en Hongrie. Toujours marrant de voir la façon dont ces microcosmes s'autoinfluencent jusqu'à créer ce qui ressemble à des mouvements (Lanthimos et consorts en Grèce).