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MessagePosté: 22 Déc 2020, 11:55 
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Pas convaincu par ce Behind Enemy Lines existentiel qui avait suscité quelques critiques extatiques lors d'une ressortie/restauration il y a quelques années, notamment une de Delorme.
Signe de la faiblesse du film - d'aucuns diront que c'est une qualité - les commentaires qu'il suscite, invariablement les mêmes, sur la fin des illusions entretenues par le rêve suburbain des années 50 en dépit d'une opacité de façade qui laisse à l'imagination du spectateur le soin de supputer à sa fantaisie des éléments de la vie du nageur pas franchement passionnants anyway (histoires de coucherie, au premier chef).
Pourtant ce ratage n'est pas inintéressant, dans la mesure où ces rêveries détachées de la réalité sont assez rares au cinéma, et on imagine un David Cameron Mitchell se saisir d'un tel sujet avec délectation, en rendant plus palpable ce sentiment de l'eau fendue, et en multipliant les plans subaquatiques. Pour ne rien gâcher - ou si - la photographie est fréquemment splendide, dans un style kitsch qui m'a rappelé par moments le Darren Arofnosky de la bande-annonce de The Fountain.
En fait Frank Perry, secondé par Pollack, sont des réalisateurs prétentieux, dont les prétentions intellectuelles et littéraires les desservent un peu et font du film, à mon avis et contrairement à un avis répandu et débile selon lequel The Swimmer signerait la transition méconnue entre Vieil et Nouvel Hollywood, une sorte de bizarrerie qui semble tout droit déterrée des années 50, qu'on aurait recolorisée : mais en fait son sentimentalisme kitsch et nostalgique, dans l'esprit d'Elvira Madigan sorti un an plus tôt mais tourné à peu près au même moment ont pu dire certains, est bien de son temps, le film évoque A Swedish Love Story de Roy Andersson, David Hamilton, par exemple, cette veine bucolique un peu toilettée.
On se prend à vouloir revoir A Letter to Three Wives ou Bigger Than Life pour voir cette Amérique des années 50 au bord de la crise de nerfs, comme dirait l'autre. Frank Perry y a ajouté un peu de chic européen pour la bonne mesure, d'existential ennui à la Antonioni.
Burt Lancaster est un acteur avec lequel j'ai toujours eu beaucoup de mal, ici il en fait beaucoup trop pour jouer le type déphasé, qui a perdu pied avec la réalité, affichant un sourire dément sur le visage pendant la moitié du film. Comme le relève pratiquement tout le monde, qu'on aime ou non le film, le voir en maillot de bain boxer un film entier, faire la course avec un cheval, du saut d'obstacles au ralenti, lorgner avec concupiscence sur une donzelle de vingt ans qui autrefois était la babysitter de ses enfants, tient de l'expérience surréaliste. Sinon le film se heurte au défaut classique du film sur le vide, qui l'est en définitive pas mal. Quand le personnage de Lancaster s'extrait enfin de son milieu social, supérieur, pour atteindre la piscine municipal et que la différence de classe est alors soulignée au mégaphone par le scénario, le film vibre un peu, ou vacille enfin comme Lancaster, notamment grâce à un personnage en qui le nageur semble trouver une espèce d'allié avant que les choses n'empirent définitivement.
Détail amusant et anecdotique que relève la critique de critikat en en faisant évidemment un signe de la modernité du film, la mention de la drague par ordinateur à l'époque (ce qui me fait penser que l'annonce matrimoniale un sujet un peu tabou au cinéma (je n'ai en tête que l'excellent La Visita de Pietrangeli).


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MessagePosté: 22 Déc 2020, 16:11 
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Film un peu boiteux c'est vrai, mais le twist final est quand-même impressionnant. Il souffre peut-être d'avoir inspiré une pub Coca cola et une de Levi (puis un clip de REM etc...) dans les années 90 qui en gâche l'imagerie, et Altman fera mieux plus tard dans la même veine, avec l'idée que la bourgeoisie n'échappera pas à la décrépitude que Fitzgerald réservait avant la guerre aux artistes et gens de pouvoir.
Et John Cheever c'est bien (mais sans-doute difficile à adapter au cinéma) et on ne trouve plus le recueil avec la nouvelle originale en traduction.
C'est en effet très proche des dispositifs choraux et moralement désabusés centrés sur une seule idée et jouant à fond sur l'image de l'acteur de la comédie italienne des années 60-70 (par exemple le Grand Embouteillage de Comencini, ou même des trucs où l'acteur ne colle plus au rôle et n'arrange rien en indiquant en permanence au spectateur qu'il refuse la mort écrite de son personnage comme Delon dans le Professeur de Zurlini, il sabote virilement le naturalisme du film)

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Sur un secrétaire, j'avise deux statuettes de chevaux : minuscules petites têtes sur des corps puissants et ballonés de percherons. Sont-ils africains ? Étrusques ?
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Jean-Paul Sartre


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MessagePosté: 22 Déc 2020, 16:54 
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La comparaison avec la comédie italienne, style Le Fanfaron, fait mal en effet, où les tendances sentimentalist es sont systématiquement désamorcées ou contrebalancées par une verve satirique d'une rare cruauté et des notations sociologiques bien plus précises (ou vice-versa). Personnellement, je ne suis pas convaincu par la chute, attendue et pas ultra-subtile pour mettre un terme à ce chemin de croix assez lourdement métaphorique lorsqu'il joue la carte de la suggestion. Mais bon, je trouve que Lancaster dessert le film, ce qui me place dans une minorité dans la mesure où j'ai jamais été sensible à son star power. C'est pas inintéressant néanmoins juste assez ringard.
T'as le lien des pubs et du clip en question s'il te plaît ?


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MessagePosté: 22 Déc 2020, 18:32 
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La pub Levi's



La pub Coca





Et "Imitation of Life" de R.E.M. :


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MessagePosté: 22 Déc 2020, 18:49 
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Merci ! Ohlala c'est vraiment frappant pour la pub levis qui ressemble à un digest des images kitschs du film ou qui les rend a posteriori kitsch (celle où il émerge de la forêt qui donne lieu à des commentaires sur l'homme originel, blablabla), alors qu'en l'enclenchant j'allais dire que c'était juste une coïncidence, il y a des plans qui sont les mêmes. Probable que les "créatifs" l'ait eu en tête en ayant eu un réflexe normal en voyant le film, pourquoi pas remplacer un étalon vieillissant avec un jeune homme dont on ne voit pas la tête et qui suscite les fantasmes alentours.
Les deux autres, je dirais juste qu'il y a des sauts dans la piscine et des ralentis (et une référence à Sirke dans le titre de la chanson de REM).


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MessagePosté: 22 Déc 2020, 18:53 
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Avec le clip de REM il y a un petit tour d'écrou supplémentaire dans la démagogie : on peut ventriloquer la mélancolie de tout le monde à partir de la situation du film (dans le film on y échappe en jugeant l'autre, comme la maîtresse).
ll y avait aussi une autre pub Coca dans les années 90 dans cet univers, plus misogyne.

Dans les pub l'acteur utilise son look working-class (d'alors, la pub opère opère un transfert et une récupération du code vestimentaire) comme un outil de séduction sexuelle et de marquage territorial alors que dans le film Burt Lancaster ne peut même pas concevoir cette réalité (et est en fait dans la fuite tout le temps). L'humiliation et le retour à la nudité sont est aussi inhérents à l'appartenance de classe que la réussite. C'est un père de famille déchu, abandonné et sans doute fou que l'on confond avec un mâle alpha, la situation est quand-même touchante et complexe.

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MessagePosté: 22 Déc 2020, 19:32 
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Sa maîtresse le juge plus que lui (elle lui dit qu'il l'a mal baisée, ce qui n'est pas le plus important mais lui est trop con pour s'en rendre compte - il n'y a pas de prise de conscience dans le film à part celle demandée au spectateur, c'est douteux même dans un contexte de film ouvert). Mais sinon il croise lors de son "périple" un couple nudiste auquel il a dans le passé demandé de l'argent. Il retire son maillot de bain mais le tient devant son sexe, c'est assez bizarre. J'imagine qu'une lecture psychanalytique peut en faire florès. Plus tard, chez les pauvres, à qui il doit cette fois de l'argent, il doit montrer patte blanche (prendre une douche qu'il a oublié de prendre, et montrer l'intérieur de ses orteils pour montrer qu'ils sont lavés, ce sentimentalisme vaguement doloriste ne fonctionne pas sur moi).


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MessagePosté: 15 Fév 2022, 09:56 
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On a enfilé notre plus beau Speedo vintage pour évoquer The Swimmer, dans lequel Burt Lancaster commence le film en Poséidon des eaux chlorées et le terminer en loser pathétique en short de bains.
Un film qui évolue constamment sur la corde raide et donne selon nous le coup d'envoi du Nouvel-Hollywood pour mieux en orchestrer les funérailles de l'utopie des 60's, dont le mirage s'imprime en creux dans le Jardin d'Eden poursuivi par le personnage de Lancaster avant qu'il ne se réveille dans la réalité.

https://www.youtube.com/watch?fbclid=Iw ... e=youtu.be


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MessagePosté: 15 Fév 2022, 10:14 
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Comme dirait Castorp : the-king-man-matthew-vaughn-2021-t32124.html#p908922


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MessagePosté: 16 Fév 2022, 08:38 
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Franchement, ils ne sont pas désagréables à écouter mais ça finit en commentaires outranciers tout en fuyant l'interprétation. Ils nuancent à la dernière minute leur vision du personnage joué par Lancaster pour la rendre un peu plus conforme à la réalité du film. Dix ans encore de cinéma et ils seront mûrs, mais faudra arrêter de surestimer Mad Max Fury Road et le cinéma pompier en bloc.


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