Forum de FilmDeCulte

A 12 ans, Nora et Hae Sung sont amis d’enfance, amoureux platoniques. Les circonstances les séparent. A 20 ans, le hasard les reconnecte, pour un temps. A 30 ans, ils se retrouvent, adultes, confrontés à ce qu’ils auraient pu être, et à ce qu’ils pourraient devenir.

Premier long métrage semi-autobiographique d'une dramaturge canado-coréenne remarqué à Sundance et en route pour les Oscars, Past Lives est un des chouchous de la critique (US) 2023.

Il y a une superbe première séquence qui diégétise le raisonnement du spectateur à l'encontre de personnages qu'il découvre au début d'un film et le film va boucler la boucle vers ce moment en remettant justement en perspective ces réflexions sur l'identité.

L'affiche (et cette citation du Hollywood Reporter) sont plutôt trompeuses. En lieu et place de la romance vendue, il y a un film à la fois doux et triste qui n'utilise pas son postulat pour vendre une idée de seconde chance et si la notion de destin est ressassée dans les dialogues, c'est pour mieux déconstruire des codes propres à ce type d'histoires afin d'en raconter une autre, sur l'immigration et l'identité. Il n'est pas tant question de rendez-vous manqué dans ce récit mais des choix qui font de nous qui nous sommes et d'inconciliabilité, de la nécessité de faire le deuil de qui l'on croyait être.

Le récit a beau s'étaler sur 24 ans, il prend les atours d'une chronique. Les séquences sont tout à fait communes, même lorsqu'elles réunissent, virtuellement ou physiquement, deux personnages de continents différents, ça reste assez simple, touchant à quelque chose d'universel. Jamais l'écriture ni la réa n'en font trop pour dire "ohlala c'est ouf quand même" mais les silences se font pesant sans chercher à être malaisants. La manière dont le montage travaille le temps est vraiment habile.

Bien qu'il faille trois époques pour raconter cette histoire, ça reste le portrait d'un épisode dans la vie de son protagoniste. Ça m'a rappelé du Linklater mais en moins inconséquent.

J'en parle mal mais c'est vraiment pas mal (après, je mentirais si je disais que ça m'avait touché plus que ça).

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J'irai au Majestic Bastille.

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Liam Engle: réalisateur et scénariste

Lol tu vas faire ça pour chaque critique ? Mon auto-salle de cinéma.

J'ai cru que c'était énième film de Hamaguchi mais non ce sont des coréens.

Premier film d'une cinéaste née en Corée et partie à douze ans aux Etats-Unis qui a conquis la critique à Sundance et à Berlin, belle performance. Les qualités sont évidentes : la première heure de cette fausse comédie romantique fera battre les coeurs de tous les nostalgiques du premier amour à distance. La deuxième heure est un peu plus poussive, surtout que la réalisatrice ne lésine pas sur la musique et les plans carte postale de New York (même si le côté carte postale du film fait partie du projet). Mais elle réussit sa fin, c'est important, quand même, de réussir une fin, si bien que l'on en sort plutôt conquis, surtout que la frontière entre la fiction et l'autobiographie semble mince...
4-5/6

Tout ce que vous dites est vrai: regard délicat ; tropes du film d'occasion romantique manquée pour mieux parler de qui on est, de ses origines, et de la validité ou non du destin qu'on se forge en émigrant ; cadres composés élégamment mais sans ostentation (et dieu merci c'est dans un format normal et pas en 4/3 et le titre n'apparaît pas à la fin - une victoire pour le bon sens).

Cependant, le film m'émeut assez peu. La faute notamment à cette "histoire d'amour" (certes en grande partie fantasmée) qui commence trop tôt. On se doute bien que les émois de quand on a 12 ans ne sont pas destinés à durer, donc le "What if ?" est assez faible. Surtout que le seul point de relais c'est des Skype en 2011. Bref, je n'ai pas senti avec amertume le "Oh shiiiiit" de ces deux êtres qui se passeraient à côté l'un de l'autre.

C'est bête car le film propose un de mes personnages préférés au cinéma, le "other man", celui qui ne fait pas rêver mais qui est là et sera toujours là, contrairement au fantasme du passé (superbe John Magaro de FIRST COW-fame). Et si les séquences avec lui me touchent, et le (avant-)dernier plan est super, je vibre trop peu.

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Liam Engle: réalisateur et scénariste

Quelle bêtise ce dernier plan. Je comprends pas. L'avant-dernier était parfait.

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Oui y a l'image du pont qui est forte mais après ça se brouille.

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Liam Engle: réalisateur et scénariste

Mais grave, incompréhension totale.

Joli film qui m'a vraiment cueilli dans sa première partie sensible et narrativement osée avec ces grosses ellipses qui fonctionnent particulièrement bien. Le truc c'est que j'attendais, je ne sais pas pourquoi, un concept, une proposition narrative (je pensais bêtement que peut-être on aurait droit à une deuxième version où elle ne serait pas partie) alors que non et quand je l'ai compris, je trouve que le film marque un peu le pas. Notamment dans deux scènes quasi finales très longues qui tranchent avec le reste du rythme. Deux discussions à deux, d'abord avec le mari au lit et enfin au bar avec cet amoureux qui n'en est pas un. Et comme l'écriture des dialogues est un peu basique, ça m'a pas transcendé. Après j'aime beaucoup l'idée centrale, cette histoire qui n'a pas eu lieu et qui n'aurait de toute façon jamais eu vraiment lieu comme ils le souhaitaient (qui reste avec son amoureux de ses 12 ans ?). Très beau personnage du mari d'ailleurs (et content de retrouver John Magaro de First Cow).

Mais je fais la fine bouche alors que c'est vraiment un film qui passe tout seul, j'étais surpris quand il s'est terminé tellement il m'a paru court et bien tenu. Beaucoup d'affection pour les acteurs on sent que la réalisatrice prend plaisir à les filmer. Et sinon un détail m'a frappé c'est la reconstitution précise de la technologie début 2010 avec le Skype qui freeze, l'image pixelisé, le vieux logo Google, les vieilles interfaces SMS. J'ai l'impression que c'est quelque chose d'un peu traité par dessus la jambe d'habitude alors que là, ça fait partie du film (ce moment dans le téléphérique où ils perdent le contact).

4/6

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CroqAnimement votre

Oui nickel ça, je me suis fait la même réflexion.

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Liam Engle: réalisateur et scénariste

Il a bandé lui carrément chuis sûr.

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CroqAnimement votre

Tiens je suis étonné de lire ici que c'est la première partie qui a plutôt séduit car moi c'est l'inverse: cette première partie entre banalité et glamour m'a quelque peu ennuyé voire dérangé (le physique de mannequin des deux amoureux à 20 ans et certaines situations m'ont semblé jurer avec le côté petit que la réalisatrice tente de construire).

En revanche ça devient vraiment intéressant et beau quand ça part sur le trio amoureux. Très beau personnage du mari qui est à la fois crédible dans sa jalousie et intelligent dans sa manière de vite comprendre de quoi il retourne réellement (une nostalgie, un fantasme). Les scènes étirées de la fin, au bar et avant l'uber, sont les plus réussies du film, faisant flirter le romantisme avec le malaise, le fantasme avec la puissance du réel.

Je trouve le dernier plan pas idiot même si oui l'avant-dernier qui dit tout (ce sas constitué d'une première porte extérieure entrouverte et d'une porte intérieure fermée) aurait dû conclure.

c’est extrêmement low-key.

d’un côté, ça correspond à la culture coréenne, sa pudeur, sa conception de la bienséance, tout. c’est un peuple extraordinaire et fascinant, qui est magnifiquement filmé, avec respect et compréhension mais un léger recul aussi - et ils sont quand même magnifiques, le mec woof. et c’est aussi marrant comme le mari américain dit les termes, formule clairement les trucs gênants, quand le coréen est tout en non-dits, en demi-mots, en retenue. mais donc ça infuse le film qui fuit les effusions, les grands moments, les acmes de quoi que ce soit.

j’y ai aussi vu une sensibilité féminine. elle n’a pas forcément besoin de poser ses couilles sur la table pour prouver quoi que ce soit. il y a donc un regard et une sensibilité et une intelligence émotionnelle plus féminine que ce à quoi on est habitués, qui accorde plus d’importance aux choses moins spectaculaires, et ce regard est aussi celui qui donne le lead à la fille, et font des garçons deux modèles de masculinité attractifs. plus que les caractéristiques génitales de la personne sur le fauteuil, c’était pour moi l’enjeu de la féminisation et de la diversification des profils : apporter d’autres regards et d’autres sensibilités. ça fait partie des films où c’était parfaitement réussi.

il y a aussi son talent personnel. les cadres (hélas pas en 4/3, ça aurait été sublime, quelle tristesse…) sont souvent à la limite de la photo, son regard se pose naturellement sur des détails ou sur une vérité particulière. la nature urbaine de la chose faisait penser que son regard est vraiment nourri de ballades dans la ville, d’observation des gens, de capacité à capter un échange, un regard, un geste chez un couple qui voyage dans la rame d’à côté du métro. le premier plan, brillant, qui devait envoyer du lourd par écrit aussi, donne effectivement le ton.

mais si on est moins amène, cet aspect extrêmement low-key peut aussi être pris comme une chichiterie a24, un cinéma « indépendant » américain qui se radicalise pour bien marquer le contraste et imiter le cinéma d’auteur cannois mondialisé. le tout au service d’un récit qui se complait dans son refus des bangs au risque, au final, de ne pas raconter grand chose non plus.

dans des moments d’agacement j’ai pu avoir ce sentiment-là, mais au final j’en retiens les belles choses et, comme ff, je l’ai surtout pris comme un film sur l’immigration et l’intégration plus que comme un before sunrise raté. il y a quelque chose de profond sur ce qu’on est, ce qu’on devient, ce qu’on invente pour-soi-même, ce qu’on espère pour soi-même, ce à quoi on renonce pour soi-même, et plus en surface il y a des choses sur l’immigration qui font écho à la réalité française et qui sont intéressantes (elle change de prénom, se marie avec un amerloque, se coupe volontairement de l’actualité de son pays d’origine et ne parle plus sa langue…).

ça rêve d’être un grand petit film, ça ne l’est pas, mais c’était assurément très joli. même si vraiment trop chichiteux pour son propre bien.

déjà que tu trouves ça chichiteux, si en plus ça adopte le standard indé du moment...