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MessagePosté: 27 Mai 2013, 13:23 
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Antichrist
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Inscription: 04 Juil 2005, 21:36
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Après le succès mondial d'Une Séparation - Ours d'or à Berlin, Oscar et César du meilleur film étranger -, Asghar Farhadi se voit enfin ouvrir les portes de la compétition cannoise avec un film "français", tourné en région parisienne. Que l'on rassure les amoureux du cinéma psychologique de l'Iranien: il n'a rien perdu de son talent d'écriture en quittant Téhéran, même si bien sûr l'arrière-plan politique et social d'Une Séparation et A propos d'Elly est ici absent. Le Passé nous emporte de toute façon en un territoire déjà conquis par le cinéaste: la famille "bourgeoise" au bord de l'implosion à force de non-dit et de pensées refoulées. Le bouton nucléaire sous la main, Asghar Farhadi prend son temps pour développer des personnages et des situations complexes, ne donnant jamais un temps d'avance aux spectateurs sur les événements à venir. Et c'est toujours aussi brillant - et visible, aussi - dans l'écriture, avec une direction d'acteurs épatante et un rôle en or massif pour Bérénice Bejo - sa meilleure interprétation à ce jour. Cette mécanique de haut-vol est si huilée qu'elle empêche parfois l'émotion, malgré une sublime scène finale qui change la perspective sur l'ensemble de l'histoire.

4/6


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MessagePosté: 27 Mai 2013, 15:18 
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Inscription: 07 Oct 2005, 10:23
Messages: 8088
J'avais évité le précédent, n'aimant pas A propos d'Elly et tout le monde parlant de gros film de scénario... Je me suis fait embarquer à celui-ci et j'ai cru pendant un moment à une très agréable surprise. En fait je trouve qu' Asghar en a quand même sous le coude niveau mise en scène (dans le sens scénographique) et pour installer une situation, un décor, il est vraiment doué, même en débarquant d'Iran à Sevran... On se sent immédiatement dans cette baraque en éternel travaux (l'ex en est partis depuis 4 ans quand même), et à capter les ressentiements de ces gosses trimballés par la vie de leur mère.

Mais le côté performance théâtrale du dispositif finit quand même par verser un peu trop dans la confection d'un gros objet dramatique et psychologique, bien rutilant, ou tout ce qui compte c'est le noeud gordien et sa puissance... et les retournements et révélations en pagailles ne comptent plus que par eux-mêmes, piégé par ce corps de l'ex suicidaire dans le coma. Vus comme des rouages au milieu d'actes symboliques et quelques unes de leurs traces (au secours la tache sur la robe et la fin), les personnages deviennent des agrégats pour une dramaturgie qui délivre une force d'ensemble non négligeable, mais qui au final se détache un peu de ce dont elle traite j'ai le sentiment, ça finit par être très loin pour moi... Reste que ça vieillit plutôt bien.


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MessagePosté: 11 Juin 2013, 00:17 
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Inscription: 13 Mai 2010, 11:50
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Et ben pas de photo les mecs ?

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Alà. J'ai trouvé la première partie très réussie, la seconde un peu foireuse, chacune donnant un bon exemple de ce qui est précieux et problématique chez Farhadi.

Le meilleur, comme le dit Chow, c'est cet art des situations, qui n'est pas que purement scénaristique. Même si ça m'embête de le poser comme ça (car rarement dans le film ça prend les atours d'une volonté d'épate), on a vraiment une scène = une idée. La scène des lustres est un bon exemple : un élément de plus pour la maison en travaux infinis, qui devient un outil de tension sonore une fois la voiture en marche, puis qui prend les allures d'un son mystérieux et magique quand on s’aperçoit que malgré la tension, les deux se tiennent la main. Tout une scène construite autour d'un lustre. Une idée de cinéma, tout bêtement.

Devant ce film attaché au vérisme (le naturel de jeu, de mise en image), mais néanmoins toujours à ce point narratif, qui jamais n'a honte d'être du cinéma, on se dit en fait que le cinéma français naturaliste actuel, s'il voulait vraiment prendre la suite de ses aînés, pourrait et devrait ressembler à ça. Ça m'a frappé, sur des gammes nationales auxquelles on est si habitués (= femme fragile en crise pète les plombs dans sa cuisine) de voir combien la douleur ne prend jamais ici le tour d'une pose hystérique et artificielle. Farhadi arrive définitivement bien à matérialiser la douleur familiale (cette impression constante que dès qu'un personnage va avoir le moindre geste, le moindre mot, quelque soit son intention, il va brutaliser et blesser ceux qu'il aime).

Mais le goût de Farhadi pour la virtuosité scénaristique le rattrape... (semi-spoilers pour la suite)
La cause de la douleur de la famille gagne à être un mystère. Quand la première révélation arrive (celle de l'adolescente - j'ai cru à ce moment là le film terminé), elle a déjà l'allure de quelque chose d'assez "trivial" : tout ce malaise ambiant résumé à un cause concrète qui ne vient pas de la situation familiale elle-même, mais d'un évènement nouveau.

La cascade de résolutions qui suit, déplaçant toujours plus le point d'attention de la famille recomposée vers l'histoire de cette suicidée qu'on ne connaît pas, prend rapidement l'aspect désarçonnant, voire assez ridicule, d'une enquête club des cinq où l'on attend le prochain rebondissement comme dans un polar. On comprend l'idée (cette culpabilité que chacun va se refiler tour à tour), mais c'est déjà un autre sujet - et le final, qui a l'ambition d'être très beau, nous amène vers des terres tellement incongrues au vu de la dramaturgie de l'ensemble : comment être ému d'un truc qui nous concerne alors aussi peu, dans un glissement si maladroit vers le personnage de Rahim ?

Quand le père part à la fin d'un scénar qui l'a complètement oublié, il donne l'impression de traverser les ruines d'un potentiel grand film, si prometteur et mystérieux à son arrivée. Une séparation m'avait laissé une impression ambiguë de mollesse, d'un cinéaste peu tranchant qui se sauve par une intense recherche d'efficacité scénaristique. Le passé ouvre autant de perspectives plus passionnantes qu'il montre déjà les limites d'un système.



Bon en fait le message précédent dit tout ça aussi bien en deux paragraphes. De l'aide, d'ailleurs :
c'est quoi l'histoire de cette tache, au final ?


Dernière édition par Tom le 11 Juin 2013, 00:24, édité 2 fois.

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MessagePosté: 11 Juin 2013, 00:20 
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Ah l'histoire de cette tache, Tom, j'en avais parlé dans la shout et suivi mp avec Art Core, apparemment y a rien d'élucidé. BIzarre vu l'écriture qui la met en lumière de façon importante...


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MessagePosté: 11 Juin 2013, 00:22 
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Inscription: 13 Mai 2010, 11:50
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Ah je savais bien que j'avais lu ça quelque part sur le forum !
Peut-être un truc symbolique ? Moi j'ai bloqué surtout quand Naïma revient le voir avant de partir, ouvrant de nouvelles questions.


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MessagePosté: 11 Juin 2013, 05:55 
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Inscription: 04 Juil 2005, 14:47
Messages: 3547
Y'a beaucoup de choses symboliques : La maison en travaux, la main qui ne permet pas de passer à la vitesse supérieure, l'évier bouché, la réparation de la chaine de vélo, cette tache...


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MessagePosté: 11 Juin 2013, 08:07 
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Inscription: 13 Mai 2010, 11:50
Messages: 11667
C'est un peu le souci : Farhadi nous habitue tellement à ce que tout soit utilitaire, nous transformant en spectateur cherchant les indices, qu'aucun détail ne passe. Le poignet, jusqu'à la fin, je pensais que ça ferait partie de l'explication (type elle est battue ou je ne sais quoi).


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MessagePosté: 12 Juin 2013, 20:45 
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Inscription: 20 Fév 2008, 19:19
Messages: 9899
Localisation: Ile-de-France
Exactement, son souci habituel des objets, de la matérialité du quotidien etc, pour expliquer les querelles psychologiques nous fiat attendre des choses qui dans ce film-ci ne viennent jamais, d'où une relative incompréhension de ma part. J'ai pas détesté et y a pas mal de choses intéressantes mais le drame est très quelconque à cause de ça. L'émotion est inexistante sur la dernière scène pour les raisons mentionnées par Tom, on n'est pas en état d'accueillir l'émotion à ce moment-là, on est encore en mode détective, donc le seul moyen pour nous de nous lâcher serait de dénouer le mystère, d'accèder à une catharsis par l'objet ou la sensation (la tâche, le parfum...). Mais non. Est-ce un message de Farhadi genre "cette fois-ci c'est non, halte à la rationalité, renoncez à la vérité et pleurez", mais du coup ça me plaît beaucoup moins, d'autant que le jeu de pistes habituel a jusque-là été présent et que d'un coup on nous en prive de façon un peu roublarde. Une séparation réalisait le tour de force de maintenir jusqu'à la fin à la fois la passion assouvie de la vérité et le mystère, d'ordre pyschologique.


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MessagePosté: 13 Juin 2013, 10:31 
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Baptiste a écrit:
Est-ce un message de Farhadi genre "cette fois-ci c'est non, halte à la rationalité, renoncez à la vérité et pleurez"

Je l'ai pris comme ça moi. Et j'ai trouvé ça d'une roublardise pourrie qui s'inscrit bien dans la tendance générale du film.
J'avais mis 2 à la sortie parce qu'il y a des choses sensibles qui fonctionnent mais en y repensant je trouve ça guimauve.
1/6


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MessagePosté: 13 Juin 2013, 11:11 
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Inscription: 23 Juil 2011, 12:46
Messages: 14466
Oula, vous êtes sévères!
Pas le temps de développer mais pour moi, c'est du même niveau qu'une Séparation et ça me confirme le talent de Farhadi. Exactement, la même méthode transposée dans la banlieue parisienne. Intense, efficace d'un point de vue scénaristique. Et je vois pas ce qui est roublard dans la dernière scène. Après, le prix d'interprétation, c'était pour récompenser le film à Cannes, même si un grand prix ou un un prix du scénario aurait été plus adapté. Mais c'est vrai que c'est clairement théâtral, on aime ou pas mais moi je suis assez admiratif devant cette "mécanique". Puis drame quelconque, j'aimerais bien voir autant de virtuosité dans les sorties cinéma chaque semaine.


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MessagePosté: 13 Juin 2013, 12:33 
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Inscription: 26 Jan 2008, 00:06
Messages: 5531
Mouais.
Moi je veux bien que ce soit théâtral m'enfin je vois pas en quoi la mécanique du film est inventive ou spectaculaire. Puis au delà de ça, j'ai envie de cinéma moi, pas de théâtre. Et j'ai pas non plus envie de me coltiner des cadrages tout mous sur une pharmacie toute moche. Et des sortes de twist de merde pour faire croire à une histoire. Si y'a pas d"histoire à raconter et que des personnages à dépeindre, qu'il ne mette pas d'histoire à la noix et ce sera du très bon cinéma aussi (y'a quelques moments comme ça que j'apprécie dans le film, des tensions dépeintes par quasiment rien, des dialogue mineurs qui font mouche, etc...).


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MessagePosté: 13 Juin 2013, 16:49 
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Inscription: 23 Juil 2011, 12:46
Messages: 14466
Je dis pas que la mécanique est inventive mais efficace oui. En terme de cinéma, c'est quand-même pas un manchot le Farhadi sur le plan de la mise en scène, quand je parlais de théâtre c'était plus au niveau du scénario et de certains "affrontements" verbaux entre personnages. Par contre, je comprends tout à fait qu'on ne puisse pas adhérer à cet accumulation de rebondissements.


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MessagePosté: 16 Juin 2013, 23:51 
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Inscription: 25 Nov 2005, 00:46
Messages: 86858
Localisation: Fortress of Précarité
J'ai du mal à croire que la même personne a écrit Une séparation et la deuxième moitié de ce film.

Durant toute la première moitié, j'ai retrouvé cette incroyable efficacité à faire passer comme une lettre à la poste une chronique sans structure avec son drame de deux pièces-cuisine (enfin de maison de banlieue) qui, malgré certains personnages relativement antipathiques, parvient à te tenir intéressé, notamment ici par le biais d'une sorte de non-dit presque traité comme un mystère à résoudre avec le futur ex-mari en détective...

SPOILERS

...le souci, c'est quand le film embrasse complètement cette approche et bascule dans une sorte de thriller à twists où l'on ne cherche plus à savoir pourquoi Lucie fait la gueule, mais pourquoi Céline a tenté de se suicider, avec une succession de révélations et retournements à base de "c'est la faute d'untel", puis "en fait c'est ma faute!", et "mais non c'est la faute de machin". Ca devient le Meurtre de l'Orient-Express cette histoire.

Dès qu'Hamad n'est plus le protagoniste, le récit perd complètement la boussole et se perd en longueurs dans son accumulation d'explications alors qu'au fond on s'en fout tant l'humain, qui gouvernait la première moitié, disparaît au profit de l'intrigue, qui tourne au ridicule.
Tant et si bien que le film semble complètement changer de sujet avec cette dernière scène-épilogue INTERMINABLE et dont j'avoue ne pas avoir entièrement saisi le sens (par rapport au reste du film).

Et il n'y a pas le fond politico-social d'Une séparation.

Les gamins sont les meilleurs acteurs du film. Béjo bof. Mosaffa s'en sort compte-tenu de son accent. Rahim est Rahim.

2/6

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