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MessagePosté: 29 Aoû 2010, 23:35 
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Je viens de revoir Van Gogh.
C'est la première fois que je fais le rapprochement entre Pialat et Cimino. (c'est aussi à sa façon un peu un Théorème très prosaïque, pragmatique, athée)
C'est un film incroyable et Yann Dedet est un putain de monteur.
J'adore la façon dont Dutronc reprend, consciemment ou non, le phrasé de Pialat. (et le film est parsemé de l'humour et des jeux de mots foireux de Pialat, semblables à ceux de Godard d'ailleurs)
Pialat a fait énormément de mal au cinéma français, tous ces films qui essaient de l'imiter et ne parviennent pas à sa cheville... Mais c'est pas de sa faute. C'est un des rares qui sache faire une scène comme celle où Van Gogh s'engueule avec son frère, il fait jour, puis ils se réconcilient, se prennent dans les bras, la femme de Théo sourit, puis Van Gogh balance la table par terre, la nuit est tombée, Van Gogh va au cabaret, on a un train de retard, Théo et sa femme s'engueulent au lit, Théo est à poil, la meuf de Van Gogh rapplique, etc. Y a une densité de situations, d'états d'âme, soutenus par des ellipses incessantes mais jamais poseuses (Pialat ne s'octroie quasiment aucun "effet" visible dans son film).
C'est ça qui est fort dans ce film, toutes ces ruptures sont contrebalancées par la mise en scène très homogène, jamais en retrait mais toujours à distance, faite de plans moyens, de focales moyennes, ça m'a rappelé (les deux films sont extrêmement différents mais tout de même) Barry Lyndon, et plus récemment Che : Guérilla, ces gens qui se débattent, se déchirent, s'amusent, et qui sont déjà morts, la caméra qui les filme sans cynisme mais prend conscience de leur état de passage. Il y a souvent cette impression que Pialat fait des plans Lumière de cette époque.
Et il y a ces plans sur Dutronc, de 3/4 face, les yeux dans le vide, le regard droit devant lui, devant le hors champ, son hors champ, il ne fait déjà plus partie du monde des hommes. (et cette séquence incroyable, qui arrive cut, sans prévenir, où il se braque le flingue sur le front)
J'avais pas trop accroché la première fois, mais en fait c'est un sacré film.
6/6


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MessagePosté: 30 Aoû 2010, 07:51 
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Gerry a écrit:
C'est la première fois que je fais le rapprochement entre Pialat et Cimino.


A quel niveau ?

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MessagePosté: 30 Aoû 2010, 12:02 
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Cosmo a écrit:
Gerry a écrit:
C'est la première fois que je fais le rapprochement entre Pialat et Cimino.


A quel niveau ?


C'est surtout en rapport avec The Deer Hunter et Heaven's Gate, et notamment cette gestion phénoménale des scènes de foule (le dimanche au bord de l'Oise ou le cabaret parisien chez Pialat, le mariage orthodoxe ou les patins à roulette chez Cimino), ce sens de l'ellipse (on n'explique jamais rien, on est quasiment toujours in media res, le spectateur doit construire lui-même le passif des personnages ou de la scène, combler des vides), cet intérêt pour le "peuple", et cette vie incroyable qu'ils arrivent à insuffler dans des films d'époque (ou pas). Le repas où Van Gogh et Théo imitent Toulouse-Lautrec, pour moi c'est comme les scènes de bar ou de chasse dans Deer Hunter. Et la place des femmes aussi (Meryl Streep ou Isabelle Huppert sont des personnages assez similaires à la fille de Gachet).
Après, je trouve que Cimino va plus loin dans un certain romanesque et la construction d'une (anti-)mythologie, qu'il utilise des plans (l'insert génial de la goutte de vin qui vient tâcher la robe de la mariée) que Pialat n'utiliserait pas.
Bref, les deux sont très forts.


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MessagePosté: 30 Aoû 2010, 12:25 
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Gerry a écrit:
cet intérêt pour le "peuple"

Oui mais est-ce le même peuple ?
Chez Cimino, il chante "God bless America". Dans Van Gogh, il chante "Le temps des cerises", "La Butte rouge".


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MessagePosté: 30 Aoû 2010, 12:32 
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latique a écrit:
Gerry a écrit:
cet intérêt pour le "peuple"

Oui mais est-ce le même peuple ?
Chez Cimino, il chante "God bless America". Dans Van Gogh, il chante "Le temps des cerises", "La Butte rouge".


Dans Heaven's Gate, les prolos (menés par Brad Dourif) font une belle AG, non?
D'ailleurs c'est génial dans Van Gogh quand la servante parle de son fils tué pendant la Commune.


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MessagePosté: 30 Aoû 2010, 12:54 
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Localisation: Paris
Gerry a écrit:
C'est surtout en rapport avec The Deer Hunter et Heaven's Gate, et notamment cette gestion phénoménale des scènes de foule (le dimanche au bord de l'Oise ou le cabaret parisien chez Pialat, le mariage orthodoxe ou les patins à roulette chez Cimino), ce sens de l'ellipse (on n'explique jamais rien, on est quasiment toujours in media res, le spectateur doit construire lui-même le passif des personnages ou de la scène, combler des vides), cet intérêt pour le "peuple", et cette vie incroyable qu'ils arrivent à insuffler dans des films d'époque (ou pas). Le repas où Van Gogh et Théo imitent Toulouse-Lautrec, pour moi c'est comme les scènes de bar ou de chasse dans Deer Hunter. Et la place des femmes aussi (Meryl Streep ou Isabelle Huppert sont des personnages assez similaires à la fille de Gachet).
Après, je trouve que Cimino va plus loin dans un certain romanesque et la construction d'une (anti-)mythologie, qu'il utilise des plans (l'insert génial de la goutte de vin qui vient tâcher la robe de la mariée) que Pialat n'utiliserait pas.
Bref, les deux sont très forts.


C'est marrant, il s'agit de mes deux cinéastes préférés et je n'avais malgré tout pas fait le rapprochement. Alors que la gestion du temps est ce qui, selon moi, caractérise le plus le cinéma de Pialat, et on a beau le retrouver chez Cimino, ça m'avait échappé (les deux cinéastes sont en apparence si différents qu'on n'y pense pas forcément). L'ellipse est en effet importante dans les deux œuvres. Moins dans les derniers Cimino (mais il est vrai que Sunchaser et Desperate Hour se déroulent sur deux ou trois jours). Il faudrait que je revois leurs films dans l'optique de les rapprocher pour trouver quelque chose de pertinent à dire.
Les scènes de foule sont rituelles chez Cimino, il est Le cinéaste du rite (dommage, le titre Le Rite était déjà pris par Bergman !). Chez Pialat, je ne suis pas certain qu'elles aient le même sens, encore une fois il faudrait que je les revois.
En y repensant, un autre point commun réside dans les fins de leurs films, toujours ambigües, renforçant l'idée que tout ce qui précède a été fait en vain. Y a t-il eu une évolution, une compréhension chez les personnages, ou pas ? Ce n'est pas certain et Cimino s'amuse toujours à brouiller les pistes à ce niveau. Si je me souviens bien, Pialat aussi.

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