Cosmo a écrit:
Film le plus mal aimé d’un Pialat au poing vengeur (sans doute la plus belle image de toute l’histoire du Festival de Cannes)
Du fait de cette polémique, je m'attendais à un film beaucoup plus provocateur, j'ai presque été "déçu" que ça ne soit pas le cas.
Du coup j'ai un un peu de mal à comprendre ce qui a occasionné une telle réaction à l'époque.
Cosmo a écrit:
Comme un objet aussi austère que courageux, aussi précieux visuellement que dépouillé.
En adaptant Bernanos, Pialat ne peut pas échapper à la comparaison d'avec
Le Journal d'un curé de campagne (qui est l'un de mes films français préférés, pas facile donc de rivaliser). Je ne trouve pas que Sous le soleil de Satan soit jamais aussi ascétique ou dépouillé que le Bresson (chez lequel il serait par exemple inconcevable de voir le fantastique aussi prégnant), il est par contre extrêmement sec scénaristiquement. Pialat n'a conservé du roman que son essence, ce qui peut donner l'impression que le film n'est qu'un enchaînement de scènes paroxystiques, expurgées de toute contextualisation. Mouchette déboule ainsi directement chez son premier amant Le Marquis de Cadignan, puis directement après se retrouve chez le second le député Gallet, alors qu'il s'est clairement passé un laps de temps certains entre ces deux scènes (la mort du Marquis est évoquée, il y a même eu une enquête qui a conclue à son suicide). Ce qui intéresse Pialat ce sont les "situations de crise" (ce qui n'est pas étonnant au regard de sa filmographie) où chacun est mis à nu, et c'est ce qui indubitablement donne toute sa force au film. La tension ne retombe ainsi jamais, Donissan et Mouchette étant saisis continument dans un état de souffrance que l'un vit en se mortifiant tout en étant la proie des pires tourments quand l'autre est dans l'invective ininterrompue.
Cosmo a écrit:
Film sur la foi [...]. Film sur le mal qui est en chacun de nous.
Il y a de ça, nécessairement. Mais au-delà de sa dimension mystique, il y a une dimension humaine toute aussi passionnante. On peut d'ailleurs se demander si le basculement spirituel de Donissan (sa croyance dans la primauté du pouvoir de Satan sur celui de Dieu) n'est pas postérieur à ses doutes quant à ses capacités d'homme. Il y a là une évidente proximité avec le curé d'Ambricourt. Tous deux ont une très mauvaise estime d'eux-mêmes, sous-évaluent leurs capacités, s'effacent (voir s'humilient) devant l'autorité, mais dans le même temps ont une vision exagérément élevée de leur ministère et de ce qu'il requiert d'engagement de leur part, ce qui résulte à la fois dans un vrai dépassement de soi (Donassin qui s'estime moins que rien joui d'une véritable aura auprès de ses administrés et finira littéralement par crever de ne pas savoir leur refuser son aide) et dans un sentiment d'insatisfaction qui peut les faire basculer dans la folie.
J'aurai donc en quelques mois vu les deux films religieux de la fin des années 80 qui m'auront longtemps fait fantasmer. La vision de l'un (La dernière tentation du Christ) se sera révélée désastreuse. Le second (celui-ci) est à l'inverse presque au-delà de mes espérances, tant Pialat s'y révèle sous une facette totalement nouvelle et inattendue, plus classique mais pas moins vibrant que dans ses autres œuvres.