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MessagePosté: 29 Juin 2008, 21:01 
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Blissfully a écrit:

Pour ma part, autant je vois le jeu de piste mémoriel dans le récit, autant me parler de ça au sujet de l'animation limitée... j'ai un peu de mal. Comme toute la famille du "c'est imparfait exprès", à part exceptions.



Ah mais je trouve pas ça imparfait du tout, j'avais mis le limitée désignant la forme entre "". Je trouve ça épuré, simplifié, évolutif au coeur du film, et comme je disais précédemment, ça fait corps avec le reste du film à mes yeux.

Toi tu ne crois pas à la famille du "imparfait exprès", moi c'est à celle du "c'est raté car ça ce correspond pas à ce qui est techniquement soit disant réussi" que je ne crois pas... personnellement je ne peux pas envisager que la forme aurait pu être différente quand je vois le film.

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MessagePosté: 29 Juin 2008, 21:03 
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Antichrist
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Enfin c'est pas raté, c'est fait avec les moyens techniques du bord. Il faut que je vois Princesse mais l'on ne peut pas comparer l'animation de Bachir avec Perfect Blue dont l'animation "limitée" est un vrai choix esthétique. Sinon rien que la scène du rêve hallucinée me file les larmes aux yeux, faut que je le revois


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MessagePosté: 29 Juin 2008, 21:09 
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Matou miteux
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the black addiction a écrit:
Ah mais je trouve pas ça imparfait du tout, j'avais mis le limitée désignant la forme entre "". Je trouve ça épuré, simplifié, évolutif au coeur du film, et comme je disais précédemment, ça fait corps avec le reste du film à mes yeux.

Toi tu ne crois pas à la famille du "imparfait exprès", moi c'est à celle du "c'est raté car ça ce correspond pas à ce qui est techniquement soit disant réussi" que je ne crois pas... personnellement je ne peux pas envisager que la forme aurait pu être différente quand je vois le film.


Quel est l'intérêt alors de rendre à mesure de film l'animation des visages plus précise (truc que j'ai pas remarqué)? Autant dans la façon dont le personnage principal rassemble les souvenirs, je vois, mais là?

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MessagePosté: 29 Juin 2008, 21:11 
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Karloff a écrit:
Enfin c'est pas raté, c'est fait avec les moyens techniques du bord. Il faut que je vois Princesse mais l'on ne peut pas comparer l'animation de Bachir avec Perfect Blue dont l'animation "limitée" est un vrai choix esthétique.


Pour Princesse, je suppose que c'est essentiellement les moyens du bord. Mais ça ne me gêne pas, le film trouve son énergie et son incarnation ailleurs. Pour Perfect Blue, j'avais pas vu ça comme un choix délibéré... Kon en a dit quelque chose?

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MessagePosté: 29 Juin 2008, 21:15 
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Antichrist
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je fais fausse route

Originally the film was supposed to be a live action direct to video series, but after the Kobe earthquake damaged the production studio, the budget for the film was reduced to an OVA.


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MessagePosté: 29 Juin 2008, 21:19 
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Blissfully a écrit:

Quel est l'intérêt alors de rendre à mesure de film l'animation des visages plus précise (truc que j'ai pas remarqué)? Autant dans la façon dont le personnage principal rassemble les souvenirs, je vois, mais là?


Bon je vais te dire comment je l'ai ressenti.

Au début du film les dessins sont plus bruts, plus carrés. Je raccorde ça au refoulement du drame, à cette rigidité clairement inconsciente que le personnage s'impose. Au départ on peut presque parler de figures "inanimées". Pour moi le film, au niveau affectif, c'est clairement le chemin de cet état là à l'autre état, incarné par le gros plan sur le personnage au moment de la résurgence des souvenirs, juste avant que le cinéaste nous montre les images réelles du drame. Au sein de ce gros plan le personnage est essoufflé, on perçoit la sueur et la panique. Il se souvient, il s'humanise.
Je trouve ce procédé extrêmement intéressant car il est très simple et il a fonctionné totalement sur moi. Après c'est simplement un détail, c'est pas pour ça que je mets 6/6 à ce film bien sur, mais ça fait corps avec tout le reste, que j'adore plus que je ne saurai le dire. C'est une incarnation formelle du sujet. Je trouve ce choix formel (ou l'utilisation de ce qu'il avait sous la main comme dit Karloff) absolument génial.

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MessagePosté: 29 Juin 2008, 21:21 
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Karloff a écrit:
je fais fausse route

Originally the film was supposed to be a live action direct to video series, but after the Kobe earthquake damaged the production studio, the budget for the film was reduced to an OVA.


De toute façon, et c'était ce dont il était question, choix délibéré ou non (au fond, on s'en fiche), le truc c'est est-ce que ça pose problème ou non. Quand on me dit que l'essentiel est ailleurs, bien sûr, mais quand je ne vois parfois plus que le visage raide, que je pense au doubleur, que l'image se fige trop, j'ai tendance à sortir du film. Pif pouf. Et bon... quand on voit le film, c'est pas totalement incompréhensible. C'est le genre de petite réserve qu'on peut avoir (sans être un boeuf incapable de passer outre la barrière technique, cf Zad).

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MessagePosté: 29 Juin 2008, 21:24 
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the black addiction a écrit:
Au début du film les dessins sont plus bruts, plus carrés. Je raccorde ça au refoulement du drame, à cette rigidité clairement inconsciente que le personnage s'impose. Au départ on peut presque parler de figures "inanimées". Pour moi le film, au niveau affectif, c'est clairement le chemin de cet état là à l'autre état, incarné par le gros plan sur le personnage au moment de la résurgence des souvenirs, juste avant que le cinéaste nous montre les images réelles du drame. Au sein de ce gros plan le personnage est essoufflé, on perçoit la sueur et la panique. Il se souvient, il s'humanise.


J'avoue ne pas avoir vu de différence ou d'évolution par rapport à ce dont je parle (mais est-ce qu'on parle de la même chose finalement 8) ). Mais pour ce que tu décris ici, je suis d'accord mais c'est quelque chose que je vois davantage dans la progression du récit, jusque la rupture, plutôt que dans l'animation des scènes "racontées".

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MessagePosté: 29 Juin 2008, 21:41 
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Blissfully a écrit:

(mais est-ce qu'on parle de la même chose finalement 8) ).


Lol j'espère. Ca part bien du fait que tu trouves l'animation un peu raide parfois ?

Sinon je suis d'accord pour le récit également. Comme je disais, ce n'était qu'un exemple, on retrouve ça à tous les niveaux du film.

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MessagePosté: 29 Juin 2008, 22:29 
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Blissfully a écrit:
Noony a écrit:
Mais je trouve dommage de lire dans ton avis et dans d'autres que l'animation "figée" joue tant dans votre appréciation du film alors que l'intérêt est particulièrement ailleurs, notamment sur le fond que je trouve intéressant, rare dans le paysage actuel et plutôt profond.


Je suis tout à fait d'accord mais, I can't fool my heart, lors de certaines longues scènes de dialogue, c'est cette forme limitée qui me sort du film. Alors qu'à d'autres moments, comme je l'indique dans mon message, ça passe très bien.


Je ne peux rien dire sur le "je suis dans le film ou pas" (argument massue quoi qu'il arrive). Mais même sorti du film (on reste tout de même dans un documentaire mine de rien) il y a la force de ce propos.

Je suis contre le chantage à l'émotion.


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MessagePosté: 03 Juil 2008, 09:10 
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Bon j’ai trouvé ça tellement extraordinaire que je ne sais par où commencer.

Voilà un film d’une intensité particulière et assez inédite du fait de la nouveauté du dispositif mis en place par Ari Folman. Un onirisme aux touches lyriques qui vient souvent être contrecarré par le verbe, par les discours qui servent le processus de résurgence de la mémoire. Et cette confrontation offre à mes yeux (et mes sens) une intensité inédite dans le sens où un élément nous empêche d’atteindre ce qu’un premier est en train de nous faire atteindre.

Tout le paradoxe du dispositif du documentaire animé se trouve là : Le choix de l’animation comme une possibilité absolue de se démarquer de la réalité, qui vient se conjuguer avec ces déclarations. Au fur et à mesure que le film avance, les discours accompagneront des choses plus concrètes, on passe avec les protagonistes d’une description fantasmatique et distancée à un raccordement au fait réel du jour du massacre. Si ce procédé est intelligent c’est parce qu’il colle au sujet de la réhabilitation d’un drame oublié et refoulé. La contenance du récit se modifie au détour d’une mémoire grandissante.

D’ailleurs une des forces du film est d’apporter cet aspect évolutif à tous les éléments de la matière du film. Du récit à l’animation des personnages. Un début quasiment bressonien dans l’aspect figé et raide qu’apporte l’animation, les expressions sont absentes et c’est ce manque qui apporte l’effet désiré, l’idée du refoulement est déjà présente. L’aspect bressonien va encore plus loin car il se radicalise dans l’opposition entre l’acte et le verbe… le personnage affirme ne pas se poser de question sur le passé et une ellipse plus tard les interrogations débutent. La simplicité du style de Folman offre en un passage une esthétique du dénie extrêmement parlante (Cette épure bressonienne habite tout le film… un exemple précis me vient à l’esprit : lors de la mort de l’enfant terroriste Folman évite toute la liberté que lui offre l’animation et préfère traiter ça avec l’agencement épuré et signifiant, on voit les tirs, puis un raccord qui nous déconnecte d’une temporalité linéaire nous montre l’enfant mort. Ce choc des images est percutant car il s’associe parfaitement à l’esthétique de la mémoire… ce n’est pas un choix vain, il agence deux images qui ensembles vont créer l’affect. Seule ses deux images comptent dans le souvenir, l’entre deux disparait).
On a donc cette raideur qui va s’atténuer au cours de l’évolution du film. Le personnage va se raccorder progressivement à lui-même et s’humaniser en même temps que les souvenirs vont refaire surface. Le film est le cheminement de ce personnage robotique (dont on à l’impression qu’il vient de naitre avec le film, on ne sent pas une existence au préalable) vers ce dernier plan en animation, sublime, où le personnage est affolé, transpirant, essoufflé, traumatisé par ce qu’il voit… C’est simplement un film sur la résurgence d’un affect refoulé. Voilà la beauté simple de ce film, celle d’incarner les affects avec des procédés simplifiés au maximum, ce qui découle sur une grande justesse.

Certains pourront dire que le défaut du film est de ne pas être politique, ce serait une grosse erreur à mon avis. Folman dit lui-même que ce « phénomène de refoulement fait partie de l’histoire collective israélienne ». Il dit également que « le film ne tente pas ne serait ce que d’esquisser une description de la situation politique du Liban dans toute sa complexité », mais ce parti pris de distance tout en étant au cœur du sujet est déjà politique. Le but est de faire passer l’horreur et l’inutilité d’une telle guerre en montrant ce qu’il en reste… des traumas, simplement des blessures. Une blessure qu’il faut rouvrir pour ne pas oublier et reproduire. Il est donc clair que ce qui intéresse Folman c’est la représentation affective de ce trauma, comment il va réapparaitre. La grande beauté de ce film cerveau vient donc du fait qu’il ne s’agit pas d’un seul et unique cerveau… le personnage central essaye de se raccorder à la douleur collective pour se retrouver. Il va littéralement renaitre comme le début de la sublime séquence du rêve redondant le laisse entendre lorsqu’ils sortent de l’eau et que l’espace se remplit à nouveau de monde. Le raccordement au monde va se faire par l’émergence de se souvenir.

Chaque parcelle de ce film est parlante, intense, en accord parfait avec l’avant et l’après. Tout ce cheminement pourtant alambiquée m’apparait avec une logique irréductible. On a pas de grands personnages associé à une grande fresque, on passe d’un affect à un autre, d’une situation à une autre en un quart de seconde, par ces simples travellings tentés d’onirisme qui nous situe parfaitement au cœur de l’inter zone mentale. Le personnage fait le lien avec l’intériorité meurtrie d’un peuple, d’où l’aspect documentaire du film, qui est essentiel. Le verbe vient commenter ce qu’il reste, c'est-à-dire des souvenirs qui sont altérés par le temps, il ne reste pas d’image « concrètes ». La valse, qui donne le titre au film, est une incarnation parfaite du projet… le souvenir vient rendre l’acte du soldat poétique. La réalité est altérée par la perception. Voilà ce qu’il reste, des affects, des flashs déréalisant l’acte, et non des raisons d’être là.
Il y aurait à dire sur chaque séquence mais je pense que la structure narrative au sens large prime. Ce raccordement à quelque chose de général, cette manière de passer de l’intime au général et vice versa, de voir que tout ça va ensemble. La construction du film est, encore une fois, guidée par les affects, ce qui apporte une sensorialité de chaque plan.

Donc ce cheminement vers la fin et l’apparition des images réelles. J’ai lu ici ou là que ce n’était pas logique et que cela niait ce qui avait été présenté plus tôt dans le film. Je me demande comment on peut penser ça alors que c’est justement d’une logique qui me semble particulièrement claire. La mémoire et le trauma on refait surface, les souvenirs ne sont plus altérés et la source du refoulement est visible. L’horreur du passé à refait surface, on atteint une image vraie du fait de ce travail sur la mémoire, la poésie et le lyrisme qui tiennent à distance disparaissent.
On a comparé le film à Redacted. C’est envisageable mais Ari Folman n’impose pas une réflexion sur l’image d’une même tonalité. Le film est beaucoup moins intello on va dire. Chez Folman la déréalisation des images vient du fait qu’elles sont altérées par le mémoire, elles sont trop raccordées aux corps. Chez De Palma on en est trop loin et l’image domine seule le monde. Chez De Palma on finit par des images faussées et masquées par un procédé de travail sur l’image, très simple d’ailleurs (visage masqués, censurés… mais c’est aussi de soldat traumatisé qui sera « immortalisé » par une photo dans un sourire forcé), l’image fausse prédomine. Chez Folman c’est tout l’opposé, on finit sur une image vraie, saine, dure mais saine car elle invoque une vérité. Folman ne critique pas le monde des images, il invoque cette nécessité de ne pas oublier.

Bon j’espère que j’ai réussi à faire comprendre pourquoi j’aime ce film. Désolé pour la longueur, mais ce film me passionne réellement. Il rentre dans une catégorie qui, à mon sens, est le renouveau apporté au cours de cette décennie. Les cinéastes de la construction affective, je pourrais les appeler ainsi.

6/6 donc.

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MessagePosté: 03 Juil 2008, 09:40 
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the black addiction a écrit:

On a comparé le film à Redacted.


Ah tiens ? J'ai beaucoup pensé à De Palma pendant le film, mais plutôt dans cette obsession de faire retour sur une scène originelle, sur l'enquête autour d'une image qui dirait une vérité, pas du tout Redacted donc, l'inverse effectivement.

Je suis plutôt d'accord avec toi dans l'ensemble, sauf sur l'aspect Bressonien. Au contraire je trouve que le film cherche un peu trop le spectaculaire, dynamise à tout bout de champs son montage comme s'il avait peur d'ennuyer son monde. Vers le milieu du film j'ai été gêné par les enchaînements de séquences musicales illustratives, les mouvements 3D un peu systématiques. Typiquement, la scène du gosse au bazooka, avec caméra embarquée sur l'obus, le ralenti... pas très bresson tout ça.
Bon c'est efficace la plupart du temps (l'intro avec les chien est incroyable) et c'est vraiment un reproche mineur.

La c'est un peu spoiler sur ce qui suit.
J'ai été impressionné par le rapport au réel très subtil du film, partir du rêve de quelqu'un d'autre en dessin animé pour finir sur les derniers plans. Et surtout ce contre-champ dont je ne me relève pas, qui relie deux régimes d'images très différents sans aucun problème, transforme un plan de journaliste en vue subjective, c'est risqué sur le papier et incroyablement réussi à l'écran, un geste très fort et très élégant qui suffit à justifier les zooms et gros plan qui suivent (qui d'habitude me paraissent vulgaires). C'est assez puissant et je ne m'attendais pas à ça.

Et j'ai trouvé l'animation très belle, surtout dans la scène récurrente, avec ces personnages qui glissent hors de l'eau, comme flottants. Et dans l'ensemble ça illustre très bien l'ambiance aphasique du film où tout semble flotter dans un rêve, un flou, où les personnages ont du mal à se souvenir et se demande si tout cela est bien arrivé.

5/6

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MessagePosté: 03 Juil 2008, 09:44 
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jiko a écrit:

Je suis plutôt d'accord avec toi dans l'ensemble, sauf sur l'aspect Bressonien. Au contraire je trouve que le film cherche un peu trop le spectaculaire, dynamise à tout bout de champs son montage comme s'il avait peur d'ennuyer son monde. Vers le milieu du film j'ai été gêné par les enchaînements de séquences musicales illustratives, les mouvements 3D un peu systématiques. Typiquement, la scène du gosse au bazooka, avec caméra embarquée sur l'obus, le ralenti... pas très bresson tout ça.
Bon c'est efficace la plupart du temps (l'intro avec les chien est incroyable) et c'est vraiment un reproche mineur.



Oui bien sur, je parlais par moments seulement il me semble. Sinon oui je pense que cette dynamisation systématique dont tu parles aurait pu me déranger si je n'avais pas été totalement dans le film. Cela dit, ça colle aussi avec l'aspect de pulsation de la mémoire. Ce sont ces actes marquants qui officient, et non une ambiance générale qui établirait une représentation réaliste. Je pense vraiment pas que ce soit simplement pour pas ennuyer son monde.

Très content que tu ais aimé en tous cas. :wink:

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MessagePosté: 03 Juil 2008, 10:50 
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the black addiction a écrit:
Bon j’ai trouvé ça tellement extraordinaire que je ne sais par où commencer.

Voilà un film d’une intensité particulière et assez inédite du fait de la nouveauté du dispositif mis en place par Ari Folman. Un onirisme aux touches lyriques qui vient souvent être contrecarré par le verbe, par les discours qui servent le processus de résurgence de la mémoire. Et cette confrontation offre à mes yeux (et mes sens) une intensité inédite dans le sens où un élément nous empêche d’atteindre ce qu’un premier est en train de nous faire atteindre.

Tout le paradoxe du dispositif du documentaire animé se trouve là : Le choix de l’animation comme une possibilité absolue de se démarquer de la réalité, qui vient se conjuguer avec ces déclarations. Au fur et à mesure que le film avance, les discours accompagneront des choses plus concrètes, on passe avec les protagonistes d’une description fantasmatique et distancée à un raccordement au fait réel du jour du massacre. Si ce procédé est intelligent c’est parce qu’il colle au sujet de la réhabilitation d’un drame oublié et refoulé. La contenance du récit se modifie au détour d’une mémoire grandissante.

D’ailleurs une des forces du film est d’apporter cet aspect évolutif à tous les éléments de la matière du film. Du récit à l’animation des personnages. Un début quasiment bressonien dans l’aspect figé et raide qu’apporte l’animation, les expressions sont absentes et c’est ce manque qui apporte l’effet désiré, l’idée du refoulement est déjà présente. L’aspect bressonien va encore plus loin car il se radicalise dans l’opposition entre l’acte et le verbe… le personnage affirme ne pas se poser de question sur le passé et une ellipse plus tard les interrogations débutent. La simplicité du style de Folman offre en un passage une esthétique du dénie extrêmement parlante (Cette épure bressonienne habite tout le film… un exemple précis me vient à l’esprit : lors de la mort de l’enfant terroriste Folman évite toute la liberté que lui offre l’animation et préfère traiter ça avec l’agencement épuré et signifiant, on voit les tirs, puis un raccord qui nous déconnecte d’une temporalité linéaire nous montre l’enfant mort. Ce choc des images est percutant car il s’associe parfaitement à l’esthétique de la mémoire… ce n’est pas un choix vain, il agence deux images qui ensembles vont créer l’affect. Seule ses deux images comptent dans le souvenir, l’entre deux disparait).
On a donc cette raideur qui va s’atténuer au cours de l’évolution du film. Le personnage va se raccorder progressivement à lui-même et s’humaniser en même temps que les souvenirs vont refaire surface. Le film est le cheminement de ce personnage robotique (dont on à l’impression qu’il vient de naitre avec le film, on ne sent pas une existence au préalable) vers ce dernier plan en animation, sublime, où le personnage est affolé, transpirant, essoufflé, traumatisé par ce qu’il voit… C’est simplement un film sur la résurgence d’un affect refoulé. Voilà la beauté simple de ce film, celle d’incarner les affects avec des procédés simplifiés au maximum, ce qui découle sur une grande justesse.

Certains pourront dire que le défaut du film est de ne pas être politique, ce serait une grosse erreur à mon avis. Folman dit lui-même que ce « phénomène de refoulement fait partie de l’histoire collective israélienne ». Il dit également que « le film ne tente pas ne serait ce que d’esquisser une description de la situation politique du Liban dans toute sa complexité », mais ce parti pris de distance tout en étant au cœur du sujet est déjà politique. Le but est de faire passer l’horreur et l’inutilité d’une telle guerre en montrant ce qu’il en reste… des traumas, simplement des blessures. Une blessure qu’il faut rouvrir pour ne pas oublier et reproduire. Il est donc clair que ce qui intéresse Folman c’est la représentation affective de ce trauma, comment il va réapparaitre. La grande beauté de ce film cerveau vient donc du fait qu’il ne s’agit pas d’un seul et unique cerveau… le personnage central essaye de se raccorder à la douleur collective pour se retrouver. Il va littéralement renaitre comme le début de la sublime séquence du rêve redondant le laisse entendre lorsqu’ils sortent de l’eau et que l’espace se remplit à nouveau de monde. Le raccordement au monde va se faire par l’émergence de se souvenir.

Chaque parcelle de ce film est parlante, intense, en accord parfait avec l’avant et l’après. Tout ce cheminement pourtant alambiquée m’apparait avec une logique irréductible. On a pas de grands personnages associé à une grande fresque, on passe d’un affect à un autre, d’une situation à une autre en un quart de seconde, par ces simples travellings tentés d’onirisme qui nous situe parfaitement au cœur de l’inter zone mentale. Le personnage fait le lien avec l’intériorité meurtrie d’un peuple, d’où l’aspect documentaire du film, qui est essentiel. Le verbe vient commenter ce qu’il reste, c'est-à-dire des souvenirs qui sont altérés par le temps, il ne reste pas d’image « concrètes ». La valse, qui donne le titre au film, est une incarnation parfaite du projet… le souvenir vient rendre l’acte du soldat poétique. La réalité est altérée par la perception. Voilà ce qu’il reste, des affects, des flashs déréalisant l’acte, et non des raisons d’être là.
Il y aurait à dire sur chaque séquence mais je pense que la structure narrative au sens large prime. Ce raccordement à quelque chose de général, cette manière de passer de l’intime au général et vice versa, de voir que tout ça va ensemble. La construction du film est, encore une fois, guidée par les affects, ce qui apporte une sensorialité de chaque plan.

Donc ce cheminement vers la fin et l’apparition des images réelles. J’ai lu ici ou là que ce n’était pas logique et que cela niait ce qui avait été présenté plus tôt dans le film. Je me demande comment on peut penser ça alors que c’est justement d’une logique qui me semble particulièrement claire. La mémoire et le trauma on refait surface, les souvenirs ne sont plus altérés et la source du refoulement est visible. L’horreur du passé à refait surface, on atteint une image vraie du fait de ce travail sur la mémoire, la poésie et le lyrisme qui tiennent à distance disparaissent.
On a comparé le film à Redacted. C’est envisageable mais Ari Folman n’impose pas une réflexion sur l’image d’une même tonalité. Le film est beaucoup moins intello on va dire. Chez Folman la déréalisation des images vient du fait qu’elles sont altérées par le mémoire, elles sont trop raccordées aux corps. Chez De Palma on en est trop loin et l’image domine seule le monde. Chez De Palma on finit par des images faussées et masquées par un procédé de travail sur l’image, très simple d’ailleurs (visage masqués, censurés… mais c’est aussi de soldat traumatisé qui sera « immortalisé » par une photo dans un sourire forcé), l’image fausse prédomine. Chez Folman c’est tout l’opposé, on finit sur une image vraie, saine, dure mais saine car elle invoque une vérité. Folman ne critique pas le monde des images, il invoque cette nécessité de ne pas oublier.

Bon j’espère que j’ai réussi à faire comprendre pourquoi j’aime ce film. Désolé pour la longueur, mais ce film me passionne réellement. Il rentre dans une catégorie qui, à mon sens, est le renouveau apporté au cours de cette décennie. Les cinéastes de la construction affective, je pourrais les appeler ainsi.

6/6 donc.


Ah ben voilà, là du coup je suis tout à fait d'accord avec toi.

Pas grand chose à ajouter à tout ce qui a été dit : c'est un film essentiel, sincère, profondément émouvant. Voili voilou... :?


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MessagePosté: 04 Juil 2008, 08:17 
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Un autre élément sympa que quelqu'un me signale en ce qui concerne le rapport avec Bresson. On retrouve une Sonate de Schubert (je me souviens plus du nom) que s'avère être également présente dans Au Hasard Balthazar.

J'aurai le triomphe modeste. :)

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karateced Voir le dernier message

Aucun nouveau message non-lu dans ce sujet. Le Roi et le clown (Lee Jun-ik - 2008)

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Karloff

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Karloff Voir le dernier message

Aucun nouveau message non-lu dans ce sujet. Dream (Kim Ki-Duk - 2008)

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Mr.Orange Voir le dernier message

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xTom Voir le dernier message

Aucun nouveau message non-lu dans ce sujet. Eagle Eye (D.J. Caruso, 2008)

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Mufti

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Janet Voir le dernier message

Aucun nouveau message non-lu dans ce sujet. Appaloosa (Ed Harris, 2008)

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Jericho Cane

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Arnotte Voir le dernier message

 


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