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MessagePosté: 29 Aoû 2015, 11:04 
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Nous sommes en 2000, dans le Shanxi. La Chine ente à l'OMC, est nominée pour les J.O. de 2008, fait un incident diplomatique avec les Américains pour avoir intercepté un de leur avion radar, une sorte de sous-culture techno-gabber touche les villes de Province. Par ailleurs des usines explosent déjà et la télé d'état commente d'un ton goguenard l'auto-imolations d'adeptes du Falun-Gong. Tout cela passe à la télé mais deux jeunes de 19 ans ne voient pas la couleur de toute cette frénésie, et glandent, entre salles de billard, chômage, boîtes, mobylettes, parents fatigués ou veules et petites combines. Il s'agît du taciturne et timide Bin Bin, dont la mère, ouvrière textile, est membre de Falun Gong mais voudrait l'envoyer à l'armée, et du plus rebelle Xiao Ji, qui vit avec un père au chômage. Xiao Ji tombe amoureux de Qiao Qiao, une danseuse pour évènements publicitaires qui est en fait la favorite d'un chef mafieux et proxénète.

Formellement c'est le meilleur Jia Zanghke que j'ai vu. La situation est plutôt démonstrative, mais il y a une énergie et une ampleur dans la mise en scène qui parvient à la faire passer comme immédiate et réelle, on est plus proche des meilleurs films néo-réalistes italiens que des Dardenne. On sent une ambiguïté chez Zanghke: en même temps qu'il montre l'inhumanité et le nihilisme de la croissance, qu'il lie aliénation et acculturation, il éprouve une nostalgie radicale envers le temps qui passe et le monde phénoménal dans lequel le système politique prend place , il s'identifie complètement à la conscience que la jeunesse a elle-même de l'éphémère. On a vu ensuite que c'est justement cette nostalgie (plutôt que le discours "social") qui donnait au cinéma de Jhia Zanghke sa touche réaliste (par la suite, plus le thème de l’acculturation et de l'injustice économique était un thème autonome, plus son cinéma devenait scénarisé et métaphorique). Une ambiguïté plus gênante: dans les bonus (une interview avec Bonnaud), il dit très clairement son intention de faire un film sur une génération plus jeune que celle de "Platform", "qui vient après l'échec de l'économie planifiée" et n'est pas la sienne, mais il dit ensuite "cette génération a toutes les opportunités pour réussir, notamment technologiquement, mais n'en fait rien". Il transfère peut-être un peu vite un jugement sur le système vers les hommes qui doivent s'y mouvoir, même si c'est peut-être par là qu'il échappe aux bons sentiments et à l'édifiant. C'est comme s'il attaquait l'aspect objectif de son propre film (les deux ados venant d'un milieu plus pauvre et plus atomisé que celui de "Platform", et essayant quand-même de s'en sortir), voire même faisait de l'altruisme quelque chose qui doit être jugé en terme de réussite et d'échec, de compréhension d'une intention qui lui préexiste, vu l'intrigue
(ce qui fait plonger un des personnages, c'est qu'il s'endette pour acheter un des premiers téléphones portables à sa copine, qui part étudier à Pékin, même si l'intention est alors ambigüe car il veut créer un sentiment de redevabilité chez elle sans la revoir)
. Peut-être qu'il faut alors comprendre la stylisation et l'aspect un peu lourdement dramatique de ses films récents comme un biais pour ne pas juger trop vite ses propres personnages.

Sinon il y a un petit caméo ironique de Jia Zanghke dans le film que Jafar Panahi a sûrement vu, car c'est un peu la même situation que "Taxi Téhéran" et une citation marrante de "Pulp Fiction" (avec lequel le film n'est pas sans rapport, finalement).


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