Un sous-marin soviétique s'approche un peu trop des côtes américaines du côté de Cape Codd, sans motif précis, le capitaine est un peu en mode Costa Concordia et souhaite simplement voir à quoi ressemble un bout des USA. Une bagarre pour son contrôle éclate entre le capitaine et le second, Rozanov, plus lucide et énergique. Ils finissent par s'échouer au large d'un hameau d'une petite île de le Nouvelle Angleterre. Un groupe de sept hommes, mené par Rozanov, débarque, avec l'idée de trouver un bateau pour dégager le sous-marin, le plus discrètement possible pour éviter l'engrenage. Ils sont près de la maison des Whittaker, une famille d'Américains, plutôt démocrates certes, très moyens, avec un fils de 9 ans précoce et patriote. C'est plutôt rapé pour la discrétion. Rozanov et son second Kolchin sont contraints de prendre la famille en otage, pendant que le reste du groupe progresse dans l'île
Très bonne surprise. L'intrigue pourrait faire penser à du Jean-Marie Poiré à l'américaine, mais ce n'est pas tout à fait cela, plus complexe, nuancé et subversif. Le film se positionne à la limite du crédible. Une des bonnes idées du fillm est de prendre des acteurs americains russophones tout en faisant plutôt une satire de la mentalité américaine, encore parlante de nos jours (le fiston de la famille que l'on sent plus réactionnaire et nationaliste que le père, le flic usé et alcoolique qui doit s'opposer à la création d'une milice patriotique d'anciens combattants, exploitant de façon populiste les fondamentaux americains de 1776, l'assistant du sheriff débonnaire qui les suit parce que
we've got to be organized mais pour faire quoi ? Jewison est à gauche politiquement, perçoit une forme de proto-trumpisme dès les années 1960).
L'humour tient du slapstick mais la situation idéologique malgré tout l'objet d'une crainte. Les Russes du film sont valorisés, mais avec l'idée assez fine qu'ils sont fascinés par leur propre notion du rêve américain qui reste vague
L'enjeu du film est d'éviter la conflit, pas de réduire leur altérité. La scène de la prise d'otage est potentiellement inquiétante, malgré l'humour (parce que Jewison est un très bon metteur en scène et trouve le bon rythme), on est dans une situation, une manière de filmer les lieux qui rappelle Funny Game d'Haneke, le film pourrait basculer à tout moment dans l'horreur. De même, les scènes sur l'hystérie qui gagne la petite ville paraissent une relecture de certains Romero ou Carpenter, qui n'avaient pourtant encore rien tournés.
Le seul élément comique tient dans le fait que tous les personnages en position de le faire ont peur de tuer : il exercent un rôle d'autorité, soir d'agresseur soit de défense, sans le désirer : l'ordre et le nationalisme fonctionnent des deux côté comme une contrainte (allant des personnes âgées et des jeunes vers les personnes de 40 ans), et la comédie est le refus de s'y laisser réduire. C'est la figure de l'enfant qui la déjoue
, menacé par la loi auquel il est le seul à croire.
Formellement ce n'est pas Antonioni mais ce n'est pas mal, il y a une forte personnalité, pas encore Nouvel Hollywood, mais qui ne déjà relève plus du cinéma hollywoodien classique, peut-être le sens du ridicule d'Altman avec la générosité politique d'Arthur Penn !et une esprit assez proche de certains Billy Wilder sur le même thème comme One, Two, Three, derrière tout cela il y a aussi To be or not To be de Lubitsch, et le comique fonctionne mieux que 1941 de Spielberg). Il y a des superbes plans (ce break Ford qui contient une dizaines de soldats en noir qui tombe en panne sur une plage déserte, presque du Anton Corbijn), le generique est aussi osé avec cette incrustation a la fois musicale et visuelle du marteau et de la faucille sur le drapeau americains, et un trucage sur l'oeil du periscope dilué dans le noir de l'image.
Le film est très bien joué, excellents Carl Reiner, Brian Keith et Alan Atkin, même Eva Mary-Saint instille une fatigue discrète dans son rôle de femme "idéale", jolie, lisse et effacée. Il y a évidemment un point de vue sur la biographie et leur situation dans l'histoire américaine des acteurs en recourant à la langue russe.
Après tout Lee Strasberg est né dans ce qui est aujourd'hui l' Ukraine hum...