Dans une petite ville du Mississippi, un crime vient d'être commis. L'adjoint du shérif arrête un inconnu assis dans le hall de la gare. Il est directement accusé du meurtre : il est Noir et a beaucoup d'argent sur lui. Après vérification de son identité, il s'avère que cet homme est Virgil Tibbs, un policier, membre de la brigade criminelle de Philadelphie. Son supérieur lui ordonne alors de rester à Sparta et de collaborer avec le shérif Gillepsie pour retrouver le meurtrier en question. Ah ouais, Oscar du meilleur film, carrément...
Après, le film est bien, vraiment.
SPOILERS
Au sujet du
Kid de Cincinnati, auquel je reprochais qu'il ne se passait rien, quelqu'un m'a répondu
"pur film d'ambiance". Je ne sais pas si c'était vraiment le but mais à mes yeux, ça ne prenait pas. Ici, c'est le cas. Toute l'intro (passé un générique sur une chanson de Ray Charles écrite pour le film et dont le ton me paraît hors sujet) prend son temps pour poser son décor, ce sud des Etats-Unis que tu sens poisseux, à la fois dans le temps qu'il fait, reflété par la sueur constante sur le visage des personnages (ou alors l'ai-je imaginé?), et dans le contexte, encore bien raciste. Le noir a beau être gradé et en costard, tu sens qu'il est pas à l'abri.
Dans un premier temps, c'est un régal de le voir prendre le dessus sur tous ces gens qui le voient comme un criminel ou un sous-homme, culminant dans cette scène où un riche suspect le gifle et se prend instantanément une gifle identique de sa part en retour. C'est pas de la Blaxploitation mais c'est limite
Django Unchained avant l'heure. C'était une première pour un film mainstream US à l'époque et ça sent encore. La vengeance est palpable. Mais, et c'est là que le film m'a vraiment surpris, ça donne lieu à deux superbes moments : le fameux riche qui se met à pleurer une fois les flics partis, tu sens vraiment l'humiliation, et surtout la réplique du shérif blanc au flic noir - Poitier et Steiger sont très bien en proto-dynamique de
buddy movie - lorsque ce dernier insiste pour continuer l'enquête après cette rébellion qui le met en danger,
"You're just like us."C'est en constatant sa pugnacité dans ce qu'elle peut avoir de plus petitement personnel que le blanc réalise que les noirs sont comme eux, qu'ils peuvent faire montre de cette même mesquinerie on ne peut plus humaine. Et en même temps, ça transporte le film au-delà d'une simple question de racisme, il s'agit plus largement d'une opposition entre héritiers des Yankees et des Confédérés (le noir vient de New York alors que les racistes qui le pourchassent ont tous des caisses avec le drapeau confédéré en guise de plaque d'immatriculation) et plus largement encore d'une lutte de classes (le flic éduqué condescendant vs les pieds nickelés de la police locale, la victime est un riche investisseur venu d'ailleurs, le shérif est du sud mais nouveau en ville).
Même si la résolution de l'enquête peut présenter un caractère un peu décevant, elle est porteuse de sens dans sa révélation que les préjugés, d'un camp comme d'un autre, brouillent les esprits. Et l'écriture parvient habilement à tourner ça de manière à ce que ça fasse pas d'équivalence morale malhonnête.