Cas sans précédent dans l'Histoire du cinéma, un scénariste embauché en tant qu'acteur dans un second rôle dans l'espoir, avéré vain, qu'il réécrirait le scénario, en écrit et réalise 30 ans plus tard la troisième suite (et sixième film de la franchise).
Le choix de Shane Black pour ressusciter la licence
Predator est d'autant plus étonnant que l'auteur s'est plutôt spécialisé dans l'écriture de polars, souvent d'action. Toutefois, ce serait oublier que son premier scénario, écrit avant
L'Arme fatale mais sorti après, était le méconnu
Monster Squad de Fred Dekker, qui co-signait le script de ce
"Les Goonies x les monstres Universal".
Pour le meilleur et pour le pire, Black retrouve Dekker à l'écriture de cette nouvelle incursion dans l'horreur et cette réunion en dit long à elle seule sur la nature du projet.
En effet, alors que le cinéaste disait vouloir en faire un "événement", avec un budget similaire à celui de son propre
Iron Man 3,
The Predator, aussi fun soit-il, ne propose rien d'aussi intelligent que le précédent blockbuster de Black, un film à la fois estampillé de la marque de son auteur et qui peut se targuer d'être le meilleur Marvel et un des meilleurs film de super-héros.
S'il lance quelques pistes intéressantes,
The Predator semble se satisfaire de n'être qu'une grosse série B.
Dans ma bouche, le terme n'est absolument pas péjoratif mais sert à situer les ambitions et par conséquent les limites du film. D'ailleurs, durant toute la première heure, je me suis régalé (après, je préviens, on est genre 3 sur 50 à rire). Une fois de plus, l'humour cher à Black caractérise le film et sert à nouveau le parti-pris du scénariste, visant toujours plus loin dans la désacralisation de la figure du héros, des
has been de
Kiss Kiss Bang Bang aux détectives ratés de
The Nice Guys en passant par un super-héros handicapé par son alter ego et en proie au stress post-traumatique. Ce qui était jadis une idée novatrice (Martin Riggs veuf et suicidaire dans
L'Arme fatale) est devenu un cliché à tourner en dérision (le fils que Jack Slater n'a pas réussi à sauver dans
Last Action Hero) mais cette notion a continué de travailler Black (l'agent amnésique d'
Au revoir à jamais) jusqu'à exploser dans
The Predator qui remplace les super soldats bodybuildés du film de 1987 et la compilation des "meilleurs tueurs sur Terre" de
Predators par une bande de vétérans tarés et un gamin autiste. Du pur Black qui fait ainsi une entorse aux codes du genre et s'approprie le matériau avec son humour. Le film de John McTiernan s'amusait déjà à déviriliser des parangons de machisme en les rendant totalement impuissants face à la bête et Black creuse à la fois cette idée et sa propre question sur ce qu'est un héros.
De plus, le récit s'amuse à jouer un tant soit peu avec la mythologie, tantôt pour l'étendre en exploitant un détail, tantôt de façon plus iconoclaste.
Montré clairement d'entrée, le Predator passe même par un laboratoire - rien de plus risqué vis-à-vis du mythe que de le foutre sous des néons cliniques et de disserter dessus - mais sans que cela n'enlève jamais rien du
badass de la créature. Joyeusement sanglant, le film regorge d'ailleurs de petites idées jouissives dans les scènes où le Predator s'attaque aux humains.
Toutefois, le film abandonne toute réflexion à mi-chemin. Il décide par exemple de ne presque rien faire de ce personnage d'enfant, une donnée devenue invariable dans les scénarios de Black depuis
Le Dernier samaritain, à l'exception de
Kiss Kiss Bang Bang. Comme presque tous les autistes de fiction, c'est un savant qui apprend ici la langue des extra-terrestres tel un Rain Man mais alors que le rapport au langage est une thématique récurrente de l’œuvre de McTiernan, le film ne s'en sert que comme raccourci scénaristique.
Apparemment, le troisième acte se déroulait initialement en plein jour et suite aux projections-test, il n'a été intégralement retourné que pour situer l'action de nuit, mais on en vient à se demander si d'autres choses n'ont pas disparu en route tant cette deuxième moitié de film ne sait plus quoi faire à part clore une intrigue relativement basique dans un climax fonctionnel. On sait d'ailleurs qu'un personnage de général interprété par Edward James Olmos a été entièrement coupé au montage et les premières séquences du film paraissent également se précipiter.
Réalisant que tout le monde avait remarqué qu'il situait toujours ses films à Noël, une période d'exacerbation des émotions, positives comme négatives, et donc de réflexion selon l'auteur, Black a voulu changer et décide de situer l'action de
The Predator durant Halloween. Un choix plutôt représentatif de sa démarche au final qui semble être "on va se déguiser et on va faire des farces et s'amuser". Cela a le mérite de marcher un temps au moins.