1941-1945 :
Empire of the Sun (1987)
1944/1953? :
The Aventures of Tintin: The Secret of the Unicorn (2011)
1957 :
Indiana Jones and the Kingdom of the Crystal Skull (2008)
J'avais oublié que le premier plan d'
Empire du Soleil était une flopée de cercueils sur l'eau et que le premier est même fendu, laissant voir le cadavre en dessous.
This ain't your usual Spielberg, fellas. En tout cas, ça ne l'est pas en 1987 quand Spielberg réalise son deuxième drame historique et son premier film "sérieux" abordant cette guerre qui l'obsède. Il a beau adopter le point de vue d'un enfant, comme si cela lui était tout de même nécessaire pour se "lancer", le film n'a jamais peur d'aller dans le macabre. Mais reste magique.
En somme, le film raconte la même chose qu'
E.T.. Dans ce dernier, le protagoniste va passer à l'âge adulte et accepter le départ de son père par le biais de l'acceptation du départ de l'extra-terrestre avec lequel il a noué une relation symbiotique. Ici, la fin de l'innocence s'incarne non plus à travers une amitié SF mais via la guerre, bien réelle, et donc la mort.
Le camp de prisonniers qui viennent de la haute société, les charismatiques profiteurs de guerre, le mariage du sexe et de la mort...y a déjà du
Schindler dans
Empire du Soleil. Mais on est encore dans la fiction (même s'il s'agit d'autofiction, à la base, dans le roman de Ballard), à mi-chemin entre
E.T. et
La Liste de Schindler donc. J'adore l'espèce de relecture d'
Oliver Twist en film d'apprentissage sur le trouble identitaire vécu par un enfant en temps de guerre, petit bourgeois anglais, vivant en Chine, passionné par les avions japonais, attiré par les filous américains. Dix-sept ans avant le Viktor Navorski du
Terminal, Jaime était déjà un citoyen de nulle part, un apatride dont le foyer est une prison.
Tout comme Elliot, Jaime souffre d'une séparation et se lie avec des figures paternelles alternatives en guise de substitut mais à l'inverse d'Elliot, Jaime ne s'est pas trouvé au cours de l'aventure. Il s'est perdu. Heureusement, contrairement à Elliot, il retrouve ses parents. Et c'est seulement quand il les retrouve, et qu'ils l'appellent par son prénom, qu'ils les reconnaît et que le "Jim Graham" inventé par Basie peut mourir, comme le symbolise ce dernier plan en écho au premier, montrant la valise trimballée tout le long du film, flotter sur la même rivière que les cercueils du début.
Là où le film se distingue d'
E.T., c'est aussi dans son rejet du divin. Pour un croyant comme Spielberg, c'est un film étonnamment athée. Outre que Jaime se revendique comme tel au début, lorsqu'il croit voir l'âme de Mrs. Victor s'élever au ciel à la fin, c'est en réalité la bombe A. Adieu l'innocence de la foi.
Et ça nous mène directement à
Indiana Jones et le Royaume du Crâne de Cristal.
Ou l'histoire d'un vieux héros qui cherche sa place dans le monde. On le sort d'un coffre où il était enfermé, il pénètre un décor de famille idéale où il est totalement intrus...
Il se retrouve face au champignon atomique, horreur bien réelle à l'opposé du surnaturel...
Ce n'est pas un hasard si, dès le départ, la science(-fiction) concrète se substitue au fantastique (l'alien - pardon, l'être inter-dimensionnel - est montré d'entrée), et n'a de cesse de demander si Jones n'est pas dépassé par ce nouveau monde. Le plan du départ de la soucoupe à la fin du film fait directement écho à celui du champignon atomique.
C'est simple : entre le troisième et le quatrième film, il y a eu la guerre.
Ça c'est dans la diégèse mais dans le monde réel aussi 19 ans se sont écoulés et il y a aussi eu la guerre pour Spielberg. Ou plutôt les films de guerre.
Le cinéaste avait dit qu'il lui était impossible de réutiliser les nazis comme antagonistes pour Indiana Jones après avoir fait
La Liste de Schindler.
Quelle est la place pour Jones dans ce monde d'après guerre? Aujourd'hui froide, elle le prive même de foyer, son propre gouvernement remettant en question son patriotisme, sa loyauté et donc son appartenance au pays. Il avait déjà perdu sa mère quand il était jeune, il a maintenant également perdu son père, retrouvé après des années d'éloignement.
Invoqué par Oppenheimer, le "Destroyer of Worlds" est désormais réel, ce n'est plus Krishna mais la bombe atomique. Les aliens aussi sont réels. Jones, orphelin, n'a plus rien à quoi se raccrocher.
Jusqu'à ce qu'il se trouve une famille.
En retrouvant Marion, en se découvrant un fils, Jones a enfin une raison de
"stick around" pour répondre à la question de son fils. Comme dit Avner dans
Munich, son foyer, cette notion à laquelle aspirent tous les personnages de Spielberg, ce n'est plus une terre mais sa famille.
Alors vos marmottes numériques, vos frigos qui rebondissent, vos incrustations malheureuses et vos Shia LaBeouf qui font Tarzan, ils pèsent pas lourd dans un film aussi riche et beau et fun.
Vous remarquerez que, bien que je l'ai placé entre
Empire du Soleil et
Indiana Jones et le Royaume du Crâne de Cristal, je n'ai pas parlé de
Tintin. C'est parce que, si je l'ai bien regardé entre ces deux films, son intemporalité le rend complètement intrus où que ce soit en fait.
Je l'évoquais déjà plus haut dans ce topic, quand j'annonçais ma rétro chrono :
Film Freak a écrit:
Tintin est le seul dont la date est vraiment pas claire :
Citation:
In the beginning of the movie, a newspaper stating that Tintin uncovered a tribe of gangsters in Africa has the date Wednesday, January 29th, 1930. The book on which the movie is based places the story in 1943. Right after the agent is killed at Tintin's frontdoor, we see some Citroën 2CV's parked outside, and when Tintin looks at the bloodstained newspaper, we see it is dated December 12th, 1944, but the 2CV is produced between 1948 and 1990. When the detectives leave Tintin's place, you see a yellow Renault 4cv parked at the other side of the street. This car was first introduced at the 33rd Paris Motor Show on October 3rd, 1946. In The Art of The Adventures of Tintin, a book which chronicles the making of the film, Weta Digital VFX Art Director Kim Sinclair was quoted:
"It was decided to set the film in 1949 but we cheated a little because no new cars were being developed during the war. We really wanted to use vehicles like 2CV Citroëns and all the cool cars seen in the original books. So the year 1953 became the absolute cut off point for objects and vehicles. Past 1953 and it starts looking like the 1950s and not like the source books anymore."
Je l'ai donc placé là où cela me semblait le plus juste, notamment pour ne pas faire intrus dans le groupe WWII.
Parce que c'est l'intérêt de cet exercice, accentuer les concordances entre les films, voir comment ils peuvent se nourrir les uns les autres visionné ainsi. Et ça a déjà commencé à porter ses fruits pour un nerd comme moi...
Le film n'est pas juste hors-temps mais tout simplement hors-réalité.
Ce n'est pas le monde réel. Ça se passe en 1944 - on est obligé, par défaut, de se fier à la date du journal - mais il n'y a aucun signe de la guerre. Et puis ils ont tous des gueules à la Hergé quoi.
La
performance capture souligne ce parti-pris. Comme je l'écrivais dans ma critique à l'époque, on est quasiment dans de la peinture hyper-réaliste et l'esthétique du film laisse l'impression d'être dans un rêve.
Aujourd'hui, je préciserais que ce rêve, c'est celui de Spielberg.
Je me suis à nouveau fait la réflexion quand j'ai vu le teaser de
Ready Player One la première fois : l'animation photoréaliste est probablement ce qu'on peut avoir de plus pur comme manifestation de l'imagination de Spielberg. Le fléau de tout réalisateur, tout artiste en fait, est de réussir à obtenir après tournage et montage et post-production un résultat le plus proche possible de ce qu'il avait en tête et j'ai l'impression que le procédé adopté sur ces deux films permet précisément cela à Spielberg. Nul doute que Kaminski a apporté son expertise sur
Tintin mais c'est Spielberg lui-même qui est crédité comme "lighting consultant" et il dit qu'il ne s'est jamais senti aussi proche d'un peintre que sur ce film.
Par conséquent, je lui trouve une qualité proprement fascinante. Ce n'est évidemment pas le film "le plus Spielberg", le plus représentatif, le plus personnel et encore moins son meilleur film, mais c'est sans aucun doute celui où il se lâche le plus, où il laisse le plus libre cours à son imagination, où
"anything goes", comme en témoignent ces transitions abusées ou ce célèbre plan-séquence de la poursuite de Bagghar.
En un sens,
Tintin c'est l'expression sans filtre du ça de Spielberg.
Si je m'en réfère à la définition de Wikipédia (tut-tut les rageux) : "Conceptuellement, le Ça représente la partie pulsionnelle de la psyché humaine, il ne connaît ni normes (interdits ou exigences), ni réalité (temps ou espace) et n'est régi que par le seul principe de plaisir, satisfaction immédiate et inconditionnelle de besoins biologiques."
That's a bingo.S'il partage évidemment des points communs avec les autres Spielberg, et s'avère le premier de cette nouvelle vague de films où Spielberg parle directement de son rôle de story-teller (Spielberg EST Tintin, adulte-enfant "toujours à la recherche d'une bonne histoire", obligé d'être constamment en mouvement, vecteur aidant les autres à se développer, en l'occurrence Haddock qui regagne son identité et son foyer),
Tintin est unique dans sa filmo.