Утомлённые солнцем en VO.
Août 1936. Le colonel Sergueï Kotov, héros de la Révolution bolchévique, passe un jour de congé dans une vieille datcha, avec sa fille, sa femme, et le reste de la famille de celle-ci. Un peu avant midi, un jeune homme s'invite dans la maison - un jeune homme dont on était sans nouvelles depuis 13 ans.A part le récent
12, je n'ai pour repère dans la filmo de Mikhalkov que l'excellent
Partition inachevée pour piano mécanique, sorti 17 ans plus tôt. Et c'est assez terrible de mettre en parallèle deux films qui invitent tant à la comparaison, tant les ressemblances sont criantes (le suivi d'une journée dans une maison d'aristocrate à la campagne, la famille pittoresque et ses joutes verbales bordéliques, le retour d'un ancien amour perturbateur, les tensions sociales et historiques qui couvent en sourdine sous les échanges cordiaux, etc).
Le regard analytique et acide (bien que déjà très lyrique) du film de 76 s'est miré dans
Soleil trompeur en pathétisme démonstratif et lourdeau, mené par un éloge embarrassant pour le bon quotidien de la famille qu'on nous vend au chaos chaleureux façon Kusturica, alternant entre le potache vulgaire et de moments spleeneux assez fabriqués (le passage en barque...). La façon complaisante dont Mikhalkov se met lui-même en scène dans l'ouverture résume assez bien ce que cet ensemble a d'indigeste (le soldat béat d'admiration devant le réal-acteur tout puissant, l'imagerie campagnarde façon "Russie immortelle", le fracas pathétique des chars coursant le gamin) - sans compter le symbolisme ultra-pompier, qui atteint des sommets de mauvais goût (la boule de feu dégueu, le portrait de Staline ré-étalé 1500 fois dans le final).
Alors certes, on peut considérer que l'hystérie irritante de cette peinture est "volontaire", vu que c'est tout l'enjeu du film de remettre ce quotidien en cause. Je suis pas sûr que ce soit le cas, mais le glissement est indéniablement efficace : cette façon de décanter un drame du bordel omniprésent, de faire poindre une ligne tragique de l’entrelacs narratif (très dense), cela fonctionne très bien. Il y a surtout un talent à filmer le dérèglement : le passage du verre d'eau, le conte, tout le ballet avant d'entrer dans la voiture... Une capacité à inquiéter et à remettre en perspective le fatras nostalgique qui fait la matière première du film. L'écart créé par la petite fille avec une situation sans cesse plus grave, et la nécessité de préserver l'insouciance de ce quotidien pour elle, crée une tension facile mais bien foutue, et assez émouvante. Là-dessus le film est réussi.
Cette mélancolie dorée qui ratisse large reste aussi, d'une certaine manière, l'un des outils de l’ambiguïté du film : encore une fois, on a bien du mal à sentir où Mikhalkov se situe vraiment, et c'est tant mieux. L'idéal communiste est une idée fuyante qui peine à concrètement s'incarner, se mêlant au regret de la vie d'aristocrate, fondant à travers la figure de Staline. Malgré l'extrême lourdeur démonstrative du film, qui le condamne trop souvent au ratage j'en ai bien peur, la nostalgie ambiante ne semble pas pointer vers une direction précise, justement parce que la spécificité de l'époque intéresse moins que le quotidien éternel et doré qu'elle vient bousculer. Mikhalkov semble en gros d'abord occupé à se poser dans la continuation naturelle d'une culture, en faisant perdurer l'esprit de la littérature nationale par exemple, pour regarder d'un même œil défiler les différentes strates de l'Histoire, comme perché plus haut que cela, la question de "l'âme russe" semblant dépasser ces aléas politiques (laissés hors-champ) d'un bout à l'autre du film.
Ceux que ça intéresse, y a déjà des discussions sur le film dans
le topic de l'épisode 2.