Svoy sredi chuzhikh, chuzhoy sredi svoikh (
Свой среди чужих, чужой среди своих) en VO.
Un groupe d'anciens camarades, ex-soldats de la Révolution reconvertis dans la Tchéka, est chargé d'assurer la protection d'un train à destination de Moscou. À son bord, 500 000 roubles or pour sauver la Russie de la famine... Je m'imagine parfois Mikhalkov comme la deuxième facette d'un binôme qui, avec Tarkovski, a dégelé le cinéma soviétique dans les années 70. Mais il suffit de voir les premières minutes de ce premier film, sorte de clip chromo affreux sur une chanson pop avec un acteur qui fait le pitre devant la caméra, pour bien se rappeler qu'à la base c'est quand même pas du tout le même terreau
Ce premier long semble exacerber tous les défauts et qualités de Mikhalkov, qu'on pourrait résumer ainsi : force des propositions, vulgarité des effets. Peut-être parce qu'il faut cacher la misère des moyens, le film prend clairement la tangente baroque pour nous faire croire à son western. Structure centrifuge qui nous perd (on ne comprend quasiment rien durant la première demi-heure), mélange de passages couleur et noir&blanc, interprétations hystériques et théâtrales, grand angle fou, toujours un ivrogne ou un gamin qui traîne dans le plan pour faire bordel... On retrouve en cela un peu cette idée de la Russie comme gros et joyeux foutoir, et la fin de la guerre civile a bien plus l'allure d'un carnaval aux positions opportunistes, presque aléatoires, que d'un conflit idéologique en bonne et due forme.
C'est là que le rapport à la révolution (d'ailleurs doucement anachronique : les costumes ou accessoires semblent renvoyer à plusieurs époques, non ?) est plutôt bien trouvé. Il y a bien un aspect "dix petit nègres" (= qui tombera le prochain ?), mais pas de la manière attendue : plutôt que de prendre la forme d'une mission lyrique menée par un groupe décimé jusqu'au dernier survivant, c'est plutôt une chasse interne au traitre, amère et paranoïaque, qui a lieu ici - marquée par le surplace, donnant le sentiment d'une corruption généralisée et épuisante. Comme souvent, la meilleure manière de parler politique sous l'URSS semble être de mettre en scène l'envie de renouer au communisme idéalisé des origines : le but ici, un peu à la manière des westerns spaghettis d'ailleurs, est de d'abord faire un tableau apocalyptique (donc "honnête") du monde, pour mériter la possibilité in fine de manifester sa foi, dans une sorte d'euphorie toute surprise d'y croire à nouveau.
Mikhalkov y réussit plus ou moins bien, selon que le western est servi à la sauce référentielle (distance bouffonne avec musique à la Pécas, y a pas mal de moments douche froide dans le genre), ou qu'il reste la caisse de résonance allusive aux évènements, le genre offrant déjà à la base tous les outils pour raconter cette histoire (puisqu'il s'agit, aux USA comme en Russie, de mettre en scène et de mythifier la fondation d'une nation). Le film navigue donc entre l'ampleur du mythe à créer et le petit malin qui a conscience du collage, entre les moments où l'on peut prendre les visions de Mikhalkov au sérieux (ce décor final immense où l'armée paraît absurde par exemple) et ceux où l'on observe juste le jeune réal montrer les dents (l'artifice, la déclamation, les effets poseurs qui irritent dès le générique, et puis déjà cette auto-mise en scène narcissique bizarroïde).
Concernant le DVD : Potemkine assure comme toujours, la copie est pas ultra-clean et ça pourrait avoir un meilleur piqué, mais le rendu (couleurs, variations de luminosité) est sublime, c'est une ode à la pellicule. Le son a un truc bizarre assez désagréable, un espèce de rendu métallique constant, je sais pas si ça vient d'un mix d'origine rudimentaire ou d'un mauvais traitement.