Forum de FilmDeCulte

Le forum cinéma le plus méchant du net...
Nous sommes le 05 Nov 2024, 07:42

Heures au format UTC + 1 heure




Poster un nouveau sujet Répondre au sujet  [ 31 messages ]  Aller à la page 1, 2, 3  Suivante
Auteur Message
MessagePosté: 13 Mar 2012, 01:18 
Hors ligne
Teacher

Inscription: 13 Mai 2010, 11:50
Messages: 11667
Image

Un groupe d'Européens a échoué à Las Piedras, une misérable bourgade d'Amérique du Sud où règne la misère. Un jour, un puits de pétrole est ravagé par un gigantesque incendie. Une compagnie pétrolière américaine, la SOC, décide d'embaucher quatre hommes afin de convoyer 400 kilos de nitroglycérine, répartis en deux camions, jusqu'au puits de pétrole. Mais les routes sont presque impraticables, et le moindre cahot peut être fatal.


Clouzot confirme son statut de bête ultra-solide du cinéma français, à la fois assurément professionnel (le projet, qui réinvente avec aisance le continent Sud-Américain dans la Provence française, a quand même de la gueule), et traversé d'une exigence artistique ferme. Le mec a une ambition cinématographique évidente, qui le place à mille lieues au-dessus d'une grande partie du ciné français classique. Néanmoins, pour la première fois chez lui, j'y vois pas mal de limites (là où elle n'étaient qu'un arrière-parfum discret et négligeable sur ses autres films).

C'est en fait bizarrement la partie routière qui me déçoit. La très longue introduction est beaucoup plus surprenante et intrigante au final, ne serait-ce que parce qu'elle est anormalement longue, justement. Clouzot nous ballade dans un amas de personnages méprisables et sans dignité, nous plonge dans un bain étouffant de virilité beauf, quelque part entre la charge ultra-machiste et une sorte d'allusion homosexuelle constante, le tout dans un paysage de fin du monde, Babel où tout le monde pourtant se comprend, à la fois nulle part et n'importe quand... Le film parvient discrètement à se créer une diégèse riche, à poser un décor de limbes. Mais surtout, cette première partie, je la trouve paradoxalement beaucoup plus tendue et stressée que la véritable aventure qui va suivre. La scène d'affrontement au bar avec Luigi, par exemple (un des gros morceaux de mise en scène du film) est à couper au couteau.

Le départ nocturne est grand, la suite l'est moins... Dès que les camions sont en marche, le film prend une tournure un peu mécanique, alignant des séquences-bloc comme autant de niveaux, à chacun sa difficulté rencontrée. Ça devrait être ludique et sadique, mais le résultat est bizarrement scolaire. Des séquences impeccables émerge une petite impression de stérilité (le suspense pour le suspense, en vase-clos), pas aidée par l'artificialité de certains obstacles ou rebondissements, qui se voudraient hitchockiens et qui manquent pour ça d'une raison "d'être là" :
je pose un ponton en bois pourri juste au tournant où il faut, juste pour me permettre une scène ; quelques secondes avant l'explosion, je décide d'aller éteindre la mèche ; ou je retourne au village sur les routes de montagne en roulant en zig-zag comme un mongol : ce dernier passage, qui n'a rien d'autre à dire qu'un truc du genre "rhaaaa ma bonne dame c'est l'ironie du destin", fait par exemple partie des choses qui rendent parfois le film très petit, replié sur son savoir-faire (ça me ferait penser à du Coen flemmard, tiens).

C'est pas histoire de renier l'achèvement du truc, mais il est plutôt curieux de voir que dans cette grosse heure qui devrait tout entière être gouvernée par la tension, c'est justement les autres tentatives qui ressortent : la beauté de l'avancée en forêt la nuit, le passage quelque peu irréel autour de la nappe de pétrole, ou encore l'intelligence trop rare du personnage allemand (ce qui fait que le meilleur passage "tendu" est de loin celui du rocher bloquant la route ; pas tant pour la tension, justement, que pour le plaisir de voir enfin l'intelligence d'un personnage à l’œuvre, et la façon dont cela reconfigure les rapports du groupe).

Au final ça reste très bien, mais derrière la maîtrise non-stop, l'inspiration fait quand même sérieusement du yoyo tout au long des 2h30. Je lui préfère quand même assez nettement Les Diaboliques et Le corbeau, moins refermés sur leur performance, plus riches et plus étranges.


Haut
 Profil  
 
MessagePosté: 13 Mar 2012, 07:24 
Hors ligne
Expert
Avatar de l’utilisateur

Inscription: 19 Mai 2006, 05:40
Messages: 1795
Localisation: Montréal, Québec (Canada)
Moi c'est l'inverse, c'est tout le début que j'ai trouvé assez chiant et longuet. Pour moi, elle ne sert qu'a installer l'intrigue et elle prend trop de temps à le faire. Le seconde partie par contre est vachement puissante et prenante. Oui, le suspense peut paraître banal et mécanique aujourd'hui. Mais c'était clairement avant-gardiste pour l'époque. Et ça ne m'étonne pas qu'on ait pu comparer Spielberg à Clouzot quand il a sorti son DUEL. D'ailleurs, son JAWS m'a fait aussi pensé au SALAIRE DE LA PEUR (pour le côté intimiste et l'aventure mâle).

5/6

_________________
"marre du retour infini de ce topic"


Haut
 Profil  
 
MessagePosté: 13 Mar 2012, 09:02 
Hors ligne
Schtroumpf sodomite
Avatar de l’utilisateur

Inscription: 22 Mar 2006, 22:43
Messages: 24601
Localisation: Arkham Asylum
Tom a écrit:
Clouzot confirme son statut de bête ultra-solide du cinéma français


Là par contre, je vois très bien ce que tu veux dire quand tu parles de solidité !

_________________
N'écoutez pas Film Freak


Haut
 Profil  
 
MessagePosté: 13 Mar 2012, 09:03 
Hors ligne
Schtroumpf sodomite
Avatar de l’utilisateur

Inscription: 22 Mar 2006, 22:43
Messages: 24601
Localisation: Arkham Asylum
David Swinton a écrit:
Oui, le suspense peut paraître banal et mécanique aujourd'hui. Mais c'était clairement avant-gardiste pour l'époque.


Faut pas exagérer non-plus.

_________________
N'écoutez pas Film Freak


Haut
 Profil  
 
MessagePosté: 13 Mar 2012, 10:04 
Hors ligne
Expert
Avatar de l’utilisateur

Inscription: 04 Juil 2005, 14:47
Messages: 3547
Un film qui a quelques faiblesses, le remake de friedkin est meilleur.


Haut
 Profil  
 
MessagePosté: 13 Mar 2012, 18:17 
Hors ligne
Expert
Avatar de l’utilisateur

Inscription: 19 Mai 2006, 05:40
Messages: 1795
Localisation: Montréal, Québec (Canada)
Tetsuo a écrit:
David Swinton a écrit:
Oui, le suspense peut paraître banal et mécanique aujourd'hui. Mais c'était clairement avant-gardiste pour l'époque.


Faut pas exagérer non-plus.


Cette façon de manier le suspense, de le découper, c'était du jamais vu a l'époque (je parle de l’entièreté du cinéma de Clouzot). D'ailleurs Hitchcock en a clairement pris de la graine à la même époque non?

_________________
"marre du retour infini de ce topic"


Haut
 Profil  
 
MessagePosté: 13 Mar 2012, 18:19 
Hors ligne
Expert
Avatar de l’utilisateur

Inscription: 24 Nov 2007, 21:02
Messages: 28350
Localisation: In the Oniric Quest of the Unknown Kadath
Oui une bonne claque quand je l'avais découvert. Toute la partie suspense est admirable, je n'avais aucune idée qu'un tel cinéma français pouvait exister.
Reste qu'effectivement le Friedkin est probablement au dessus. Chef d'oeuvre absolu (à quand le blu-ray ? probablement jamais :( )

_________________
CroqAnimement votre


Haut
 Profil  
 
MessagePosté: 13 Mar 2012, 20:11 
Hors ligne
Teacher

Inscription: 13 Mai 2010, 11:50
Messages: 11667
Quoi pour celui-ci ? Le blu existe, et il est nickel :
http://www.criterion.com/films/370-the-wages-of-fear


Haut
 Profil  
 
MessagePosté: 13 Mar 2012, 20:16 
Hors ligne
Vaut mieux l'avoir en journal
Avatar de l’utilisateur

Inscription: 04 Juil 2005, 15:21
Messages: 22882
Localisation: Paris
Art Core a écrit:
Oui une bonne claque quand je l'avais découvert. Toute la partie suspense est admirable, je n'avais aucune idée qu'un tel cinéma français pouvait exister.
Reste qu'effectivement le Friedkin est probablement au dessus. Chef d'oeuvre absolu (à quand le blu-ray ? probablement jamais :( )


A vrai dire, je trouve les deux tellement différents. Le premier me semble incroyable de puissance et de maîtrise (comme toi j'en étais presque surpris que ça puisse exister en France à cette époque, un truc pareil, je m'attendais à un vieux coucou gentiment naïf - premier Clouzot que je voyais) alors que l'autre est, avec quelques autres films de l'époque (on pense à Aguirre par exemple) une espèce de vision de l'enfer. Ma sensibilité me rapproche du Friedkin, peut-être. En fait j'aimerais vraiment les revoir tous les deux.

_________________
Que lire cet hiver ?
Bien sûr, nous eûmes des orages, 168 pages, 14.00€ (Commander)
La Vie brève de Jan Palach, 192 pages, 16.50€ (Commander)


Haut
 Profil  
 
MessagePosté: 13 Mar 2012, 20:21 
En ligne
Expert
Avatar de l’utilisateur

Inscription: 18 Aoû 2005, 21:23
Messages: 3426
Tom a écrit:
Quoi pour celui-ci ? Le blu existe, et il est nickel :
http://www.criterion.com/films/370-the-wages-of-fear

Tout le monde n'est pas dézoné, jeune homme. ;)


Haut
 Profil  
 
MessagePosté: 13 Mar 2012, 20:23 
Hors ligne
Teacher

Inscription: 13 Mai 2010, 11:50
Messages: 11667
Genre je l'ai acheté :D

Sinon, pour le côté "je croyais pas ça possible en France", sans pour autant être une caricature du ciné US, c'est clair que c'est un truc que j'admire chez Clouzot, comme chez Melville après lui d'ailleurs.


Haut
 Profil  
 
MessagePosté: 13 Mar 2012, 21:03 
Hors ligne
Expert
Avatar de l’utilisateur

Inscription: 24 Nov 2007, 21:02
Messages: 28350
Localisation: In the Oniric Quest of the Unknown Kadath
Pour le Blu je parlais de Sorcerer qu'on ne verra sans doute jamais sur le support.

_________________
CroqAnimement votre


Haut
 Profil  
 
MessagePosté: 13 Mar 2012, 21:58 
Hors ligne
Putain, sérieux mec
Avatar de l’utilisateur

Inscription: 24 Juin 2009, 12:09
Messages: 5643
Tetsuo a écrit:
Tom a écrit:
Clouzot confirme son statut de bête ultra-solide du cinéma français


Là par contre, je vois très bien ce que tu veux dire quand tu parles de solidité !


Grave, revu il y a quelques mois avec le daron, je l'avais pas vu depuis genre mes 16 ans. J'ai été étonné de voir la maitrise du truc, tout fonctionne, et le début surtout, je l'aime beaucoup, c'est ce que j'ai trouvé le plus "avant gardiste" finalement.

Ouais, 6/6

_________________
Image


Haut
 Profil  
 
MessagePosté: 14 Mar 2012, 00:41 
En ligne
Expert
Avatar de l’utilisateur

Inscription: 18 Aoû 2005, 21:23
Messages: 3426
Art Core a écrit:
Pour le Blu je parlais de Sorcerer qu'on ne verra sans doute jamais sur le support.

Moi j'y crois !
Entre 2 séances de ré-étalonnage de French Connection, je suis sûr que Bill trouvera un jour le temps de casser les couilles d'Universal et/ou Paramount pour que ça sorte.
A ma connaissance il a même déjà bossé sur des bonus.


Haut
 Profil  
 
MessagePosté: 14 Mar 2012, 09:05 
Hors ligne
Schtroumpf sodomite
Avatar de l’utilisateur

Inscription: 22 Mar 2006, 22:43
Messages: 24601
Localisation: Arkham Asylum
David Swinton a écrit:
Cette façon de manier le suspense, de le découper, c'était du jamais vu a l'époque (je parle de l’entièreté du cinéma de Clouzot). D'ailleurs Hitchcock en a clairement pris de la graine à la même époque non?


Non. La méthode Hitchcock s'est rodée avec ses thrillers anglais des années 30 et ses films hollywoodiens des années 40. En 53, il atteignait le sommet de son art et de son inspiration et il n'avait de leçon à recevoir de personne et certainement pas de Clouzot (dont c'est, en effet, l'un des films les impressionnant, mais de là à parler d'avant-garde, faut pas déconner. D'ailleurs il s'est totalement crouté quand il a tenté de se lancer dans l'avant-garde le père Henri-Georges...).

_________________
N'écoutez pas Film Freak


Haut
 Profil  
 
Afficher les messages postés depuis:  Trier par  
Poster un nouveau sujet Répondre au sujet  [ 31 messages ]  Aller à la page 1, 2, 3  Suivante

Heures au format UTC + 1 heure


Articles en relation
 Sujets   Auteur   Réponses   Vus   Dernier message 
Aucun nouveau message non-lu dans ce sujet. La vérité (Henri-Georges Clouzot - 1960)

FingersCrossed

0

201

09 Avr 2024, 23:48

FingersCrossed Voir le dernier message

Aucun nouveau message non-lu dans ce sujet. Le Corbeau (Henri-Georges Clouzot - 1943)

Nijal

10

1982

27 Mar 2010, 12:43

Noony Voir le dernier message

Aucun nouveau message non-lu dans ce sujet. Les Diaboliques (Henri-Georges Clouzot, 1955)

[ Aller à la pageAller à la page: 1, 2 ]

Mickey Willis

29

3869

25 Nov 2009, 09:09

skip mccoy Voir le dernier message

Aucun nouveau message non-lu dans ce sujet. Quai des orfèvres (Henri-Georges Clouzot, 1947)

Cosmo

4

1543

11 Mar 2010, 14:20

Cosmo Voir le dernier message

Aucun nouveau message non-lu dans ce sujet. Le mystère Picasso (Henri-Georges Clouzot, 1955)

Abyssin

1

1032

12 Mai 2019, 12:58

Qui-Gon Jinn Voir le dernier message

Aucun nouveau message non-lu dans ce sujet. L'enfer d'Henri-Georges Clouzot (Bromberg/Medrea - 2009)

DPSR

10

1828

18 Juil 2014, 18:30

Mr Chow Voir le dernier message

Aucun nouveau message non-lu dans ce sujet. L'Enfer d'Henri-Georges Clouzot (Serge Bromberg, 2009)

Jericho Cane

2

1218

26 Mai 2009, 11:33

Jericho Cane Voir le dernier message

Aucun nouveau message non-lu dans ce sujet. Le Voyage de la peur (Ida Lupino, 1953)

Art Core

0

426

25 Jan 2023, 12:53

Art Core Voir le dernier message

Aucun nouveau message non-lu dans ce sujet. Peur sur la ville (Henri Verneuil - 1975)

Qui-Gon Jinn

1

736

09 Mar 2021, 19:18

Bêtcépouhr Lahvi Voir le dernier message

Aucun nouveau message non-lu dans ce sujet. Bigamie (Ida Lupino, 1953)

Mr Chow

3

1467

06 Juin 2023, 10:57

KillMunster Voir le dernier message

 


Qui est en ligne

Utilisateurs parcourant ce forum: Aucun utilisateur enregistré et 19 invités


Vous ne pouvez pas poster de nouveaux sujets
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets
Vous ne pouvez pas éditer vos messages
Vous ne pouvez pas supprimer vos messages

Rechercher:
Aller à:  
Powered by phpBB® Forum Software © phpBB Group
Traduction par: phpBB-fr.com
phpBB SEO
Hébergement mutualisé : Avenue Du Web