L'expédition menée par sir Barton parti à la recherche de la tombe de Gengis Khan, tombe entre les mains du redoutable docteur Fu Manchu qui a pour dessein de s'emparer de l'épée et du masque d'or pour dominer l'Asie.Synopsis plutôt timoré, puisqu'il ne s'agit pas seulement pour Fu Manchu de dominer l'Asie, mais le monde.
Je suis très fan des romans de Sax Rohmer, série commencée en 1911 et qui continua jusqu'à la mort de l'auteur à la fin des années 50. Les trois premiers notamment sont des bijoux de suspens et d'effroi, débordant de mystère et de paranoïa, écrits dans un style incisif propice à diverses formes de tension toutes d'une grande modernité. Un héros déterminé, flanqué d'un médecin qui tombe des nues. Un antagoniste incroyable, à l'intellect et à la crauté sans limites, menaçant au-delà de toute proportion. Des meurtres impossibles à élucider par la police, commis avec des méthodes exotiques. La menace de l'anéantissement de la civlisation occidentale par un vaste complot tentaculaire. Ces histoires préfigurent, sans pour autant faire office de brouillons, l'oeuvre de Ian Fleming et feraient d'excellents films d'époque remplis d'épouvante, même si bien sûr le racisme décomplexé en mode "péril jaune" les disqualifie d'office de toute forme de réhabilitation.
Le film de Charles Brabin, en 68 minutes, propose une relecture qui paraît d'abord planplan dans son exposition, puis va graduellement prendre un virage ouvertement
camp. Pour faire simple, il s'agit d'une sorte de laboratoire formel et tonal de tout ce qui va se retrouver par la suite dans les James Bond et les Indiana Jones (et même
Big Trouble in Little China). Quête d'artefact, assassinats, leurres, catpures, tortures, contrôle mental, chantages, infiltrations, sacrifices humains... Tout y est, balancé sans aucune mesure, prêt à être récupéré par la suite et mis à profit par les progrès technologiques qui permirent une mise en scène moins figée.
L'oeuvre adaptée étant fort représentative du racisme anti-asiatique, on le retrouve aussi ici, tout aussi décomplexé. Boris Karloff est excellent, matriciel dans sa veulerie obséquieuse et sa mégalomanie (Fu Manchu est docteur en philosophie ET en droit ET en médecine) constitutives du Génie du Mal™. Mais voilà, paye ton maquillage pour les yeux bridés. Et s'il n'y avait que ça ! Son projet de domination du monde se base aussi sur la mobilisation de l'Orient au sens large, et l'annonce de son projet se fait devant un parterre de dignitaires enturbanés qui boivent ses paroles et sourient à ses exhorations grandremplacistes :
"Yes, this is only the beginning! I will wipe out your whole accursed white race!" ou encore
"Would you all have maidens like this for your wives? Then conquer and breed! Kill the white man and take his women!", répliques écartées de certaines éditions physiques (mention spéciale à la plainte formulée par une association de représentants d'Américains d'origine japonaise suite à la resortie du film aux années 70, qui fournit au passage un meilleur pitch que celui cité plus haut : "
Fu Manchu is an ugly, evil homosexual with five-inch fingernails while his daughter is a sadistic sex fiend" :
OUI.).
Curiosité pour le moins troublante, à la fois très arriérée et très en avance sur son temps.