J'aurais dû détester : c'est français jusqu'au bout des ongles avec cette sociologie de comptoir, une direction d'acteurs rigide et molle (quasiment tout le casting est mauvais, à l'exception de Cremer : mention spéciale aux figurants qui jouent les caïds, qui ressemblent à des BCBG du 16ème), un onirisme et un mysticisme sous acide, et surtout, encore et toujours cette sexualité absolument ridicule, où aucune femme ne peut exister sans être un fantasme sur pattes (ou elle est tentatrice, ou objet de masturbation, ou elle se fait violer, etc. ; le cinéma français a vraiment un gros problème avec le cul, et ce jusqu'à aujourd'hui cf. les personnages féminins à se flinguer du dernier Podalydès.)
Et pourtant...
Déjà, formellement, c'est beau à se damner : peu de réalisateurs ont le sens du cadre de Brisseau, capable de donner à la banlieue la plus crasseuse et l'appartement le plus miteux une dimension quasi élégiaque ; et quel talent dans l'utilisation des formes, des couleurs, des motifs, des lignes. La photo et l'éclairage sont également franchement beaux.
Quant à la noirceur de l'ensemble, si elle peut paraître de prime abord caricaturale, elle sert en fait à construire une imagerie quasi mythique de la banlieue, une prison macabre à ciel ouvert obéissant à ses propres codes, avec une espèce de violence sale qui exclut la loi (joli passage où la voiture de police est rejetée hors les murs). Brisseau parle d'absolu (violence absolue, indifférence absolue, désespoir absolu), et il exécute cet exercice de funambule avec un certain brio.
5/6