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 Sujet du message: Re: Devin Faraci
MessagePosté: 08 Avr 2023, 14:46 
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https://www.francetvinfo.fr/economie/me ... 59453.html


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 Sujet du message: Re: Devin Faraci
MessagePosté: 08 Avr 2023, 14:52 
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ça m'étonne pas, ils doivent habiter dans le même quartier, pas loin de chez QGJ.


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 Sujet du message: Re: Devin Faraci
MessagePosté: 08 Avr 2023, 15:36 
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bmntmp a écrit:
ça m'étonne pas, ils doivent habiter dans le même quartier, pas loin de chez QGJ.
Je soupçonne fortement que ce "restaurant du 12eme arrondissement" soit le Square Trousseau.

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 Sujet du message: Re: Devin Faraci
MessagePosté: 11 Avr 2023, 17:19 
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Quelqu'un aurait l'article complet pour le poster ici?
https://www.mediapart.fr/journal/france ... ampaign=67

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 Sujet du message: Re: Devin Faraci
MessagePosté: 11 Avr 2023, 18:31 
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Ah trouvé comment me connecter avec mon compte de la BNF, la requête n'aura pas été pour rien (car trop long et ça pas l'air très intéressant) :

Violences sexuelles : 13 femmes accusent Gérard Depardieu
Au cours d’une enquête de plusieurs mois, Mediapart a recueilli de nombreux témoignages accusant Gérard Depardieu de violences sexuelles, notamment sur le tournage de onze films sortis entre 2004 et 2022. Celui-ci dément tout comportement pénalement répréhensible. Une actrice vient d’adresser son récit à la justice.

Marine Turchi

11 avril 2023 à 17h07



Mise en garde
Cet article fait état de violences sexistes et sexuelles.

« Tu« Tu t’appelles Gérard Depardieu. Tu es mis en examen pour viols et agressions sexuelles. […] Tu dégoûtes, mais le pire, c’est que les Françaises et Français sont encore de ton côté. » Sur son compte Instagram, la réalisatrice Andréa Bescond, très engagée dans la lutte contre les violences sexuelles, a pris l’habitude d’interpeller le grand public sur des affaires #MeToo.

Le 17 novembre 2022, elle a consacré l’une de ses vignettes à la plainte de l’actrice Charlotte Arnould, qui vaut à Gérard Depardieu une mise en examen pour « viols ». Dans les commentaires, suivent des récits directs, parfois précis et datés ; des confidences d’amies ou de collègues. « C’est la seule personnalité publique sur laquelle j’ai reçu autant de témoignages, il y en avait une demi-douzaine, beaucoup d’expériences de plateaux », raconte Andréa Bescond.

Deux ans plus tôt, les récits ont aussi afflué lorsque le collectif « Paye ton tournage » – qui dénonce les violences sexuelles et sexistes dans le cinéma – a publié un appel à témoignages concernant « un acteur très connu », après avoir reçu deux alertes sur Depardieu. « À chaque fois, le mode opératoire était très reconnaissable », se souvient la cofondatrice, Alice Godart.

Illustration 1Agrandir l’image
© Illustration Simon Toupet / Mediapart avec AFP
Mediapart a mené sa propre enquête. Outre la plainte de Charlotte Arnould, nous avons recueilli treize témoignages de femmes affirmant avoir subi des gestes ou propos sexuels inappropriés du célèbre acteur, de gravité différente, sur le tournage de onze films ou séries sortis entre 2004 et 2022 ou dans des lieux extérieurs ; mais aussi les récits de nombreux témoins. Tous ne figurent pas dans notre article.

Trois de ces femmes ont apporté leur témoignage à la justice, mais aucune n’a porté plainte. Les unes ont renoncé, les autres n’y ont même pas songé. En cause, le sentiment que leur parole pèserait peu face au monument du cinéma français. Et qu’elle pourrait même signer la fin de leur carrière.

Au fil des récits, la scène semble se répéter. Elles sont comédiennes, maquilleuses ou techniciennes. Elles affirment avoir subi une main dans leur culotte, à leur entrejambe, à leurs fesses ou bien sur leur poitrine ; des propos sexuels obscènes ; parfois des grognements insistants. Suivis, souvent, de rires sur le plateau. Et cette même phrase, lorsque certaines se sont plaintes : « Oh ça va, c’est Gérard ! »

Au-delà des violences sexuelles et sexistes qu’ils dénoncent, ces récits interrogent la complaisance dont aurait bénéficié le comédien de 74 ans sur les plateaux de cinéma et l’absence de réaction des équipes de production. Sollicité par Mediapart, Gérard Depardieu n’a pas souhaité nous rencontrer ni répondre à nos questions écrites.

Par la voix de ses avocat·es, au sein du cabinet Temime, il « dément formellement l’ensemble des accusations susceptibles de relever de la loi pénale » (lire ici sa réponse intégrale). Lors de ses auditions dans le cadre de l’enquête judiciaire, le comédien s’est défendu d’être « un prédateur ». Il s’est décrit en gentleman aimant « faire la cour », « opposé à toute forme de violence, qu’elle soit verbale, physique ou psychologique » et « extrêmement pudique » sur les questions sexuelles.

Une actrice a saisi la justice en mars
New York, décembre 2014. Dans le cabaret The Box, à Manhattan, Gérard Depardieu tourne Big House (2015), un film à petit budget du réalisateur Jean-Emmanuel Godart, 26 ans, dans lequel il incarne un patron de maison close. Lors d’une scène où il était attablé avec trois figurantes étrangères, qui interprétaient, en robes courtes et porte-jarretelles, ses meneuses de revues, l’acteur français se serait montré « très tactile ».

« Entre les prises, il leur susurrait des choses en français à l’oreille, il essayait de les embrasser dans le cou et de toucher leurs cuisses sous la table. L’une riait de façon nerveuse en lui demandant d’arrêter », rapporte Isabel Butel, l’assistante costumière, qui dit avoir perçu « un malaise, que tout le monde voyait ». Une actrice présente se souvient que « lorsque le réalisateur a dit : “Coupez !”, l’une des figurantes était comme un morceau de bois, elle semblait en souffrance » et « une longue pause » a dû être faite.

Illustration 2Agrandir l’image
Gérard Depardieu dans le film « Big House » réalisé par Jean-Emmanuel Godart en 2015. © Le Z production / Paradoxal Inc / Zadig Productions
Cette figurante, c’est Lyla*, 24 ans à l’époque. « Sans prévenir, Gérard Depardieu a mis sa main sous ma robe, j’ai senti ses doigts essayer de se faufiler pour atteindre ma culotte », affirme-t-elle à Mediapart. Mal à l’aise, elle dit avoir « repoussé sa main ». « Mais il a continué, il est devenu agressif, il a essayé d’écarter ma culotte et de me doigter : j’ai compris qu’il ne jouait pas son personnage. Si je ne l’avais pas arrêté, il aurait réussi », pense-t-elle.

Elle est immédiatement allée se plaindre à la production. Ce qu’atteste l’assistante costumière qui a entendu l’échange et confirme les termes du récit de Lyla. Isabel Butel se remémore avoir été « très choquée » par la réaction globale sur le plateau : « C’était du style : “Oh c’est Gérard, il est un peu taquin.” »

Contactés, le réalisateur, Jean-Emmanuel Godart, et le producteur, David Zerat, n’ont pas répondu. De son côté, une membre de la production confirme à Mediapart avoir été prévenue « que le tournage était interrompu car une figurante disait avoir été victime de Gérard Depardieu ». « Je n’accepterai jamais qu’on puisse dire que c’est peut-être faux. Elle était dans un état de détresse, très choquée, disant aussi que des gens avaient ri. La scène a été remodelée pour qu’elle ne soit plus à côté de Depardieu. »

Le réalisateur se serait ensuite entretenu avec le comédien pour lui dire « à quel point il était content et redevable qu’il soit là, mais qu’il fallait qu’il se tienne, qu’il mettait mal à l’aise [les] figurantes », raconte la costumière, qui a entendu la conversation. L’acteur aurait « marmonné quelque chose sur “ces Américaines, un peu prudes”, tout en rigolant un peu ».

Après la pause, Lyla affirme que Gérard Depardieu s’en serait pris à elle, ce que confirme une actrice qui s’est interposée en demandant de se remettre au travail : « Elle n’avait pas l’air bien. Depardieu lui criait qu’il pouvait avoir qui il voulait et qu’il ne voulait pas d’elle, que c’était un “gros thon”. L’équipe avait des difficultés à gérer Depardieu, qui donnait sa notoriété au film. »

Lyla indique qu’alors qu’elle était « en larmes », elle a reçu peu de soutien. Plusieurs personnes lui auraient même fait savoir que si elle portait plainte, personne « ne témoignerait » : « On m’a répété : “Vous savez qui il est ? Si vous allez au tribunal, vous ne gagnerez jamais, et vous serez considérée comme une fille qui veut se faire de la publicité.” On m’a demandé de respirer, de sourire, et de faire comme si rien n’était arrivé. Comme ma demande de visa de travail venait d’être approuvée et que je devais payer mes frais d’avocat pour cela, j’avais surtout peur d’être “blacklistée” si je quittais le plateau. J’ai décidé de rester. Le lendemain, Depardieu avait oublié qui j’étais. »

Huit ans après, l’actrice garde en mémoire ce tournage qui l’a « traumatisée ». « J’ai été agressée dans un environnement de travail, pas dans un coin isolé, mais sur le plateau. Il y avait tellement de témoins oculaires, y compris le réalisateur, qui était juste devant nous ! Personne n’a rien dit. Même quand je me suis plainte et que je me faisais crier dessus. Un silence de mort. »

Quelques années après le tournage, la comédienne avait consulté une avocate, mais elle n’était pas allée plus loin, pensant que les faits étaient prescrits. En mars, après notre interview, elle a décidé de transmettre son témoignage à la justice française, « pour aider Charlotte Arnould » : « Je veux faire ma part en tant que femme du même secteur et refuser de faire partie du problème en permettant un tel comportement en gardant le silence. »

Depardieu recadré par le réalisateur Fabien Onteniente
Six ans plus tôt, un autre tournage, et des faits similaires remontés à la production. En 2007, le réalisateur Fabien Onteniente tourne une scène de boîte de nuit pour sa comédie, Disco (2008). Quelque 250 figurant·es sont présent·es pour danser autour du patron du club, interprété par Gérard Depardieu. L’une des figurantes, Hélène Darras, alors étudiante en école de théâtre, raconte qu’« entre chaque prise », le comédien l’aurait « prise par la taille » et aurait eu « la main baladeuse », puis qu’il aurait « fini par [lui] mettre la main aux fesses de manière appuyée » en lui proposant « de monter dans sa loge ».

« Je n’ai rien osé dire, j’ai attendu que ça passe. À 26 ans, je ne pouvais pas me mettre à dos les directeurs de casting… Et puis j’ai grandi avec l’idée qu’une comédienne, ça se tait, c’est une muse qui doit plaire. Mais je n’ai jamais voulu voir le film. » L’année dernière, elle a apporté son témoignage à la police pour appuyer celui de Charlotte Arnould : « Je me suis dit que je ne pouvais pas la laisser seule. Le milieu du cinéma est rempli de Gérard, il faut parler. »

L’ancienne comédienne Lise Schreiber se souvient quant à elle que Depardieu demandait à un petit groupe de figurantes dans lequel elle se trouvait « si [elles] suçai[en]t [leur] mec et si [elles] aimai[en]t ça ». « Les filles étaient très mal à l’aise, elles répondaient à peine. Moi, je l’ai regardé de travers. C’était aux yeux de tout le monde, personne ne disait rien… D’un coup, il s’est levé et a dit : “Bon, on tourne pendant que je mouille, avant que ça sèche ?” »

Illustration 3Agrandir l’image
Franck Dubosc et Gérard Depardieu dans le film « Disco » réalisé par Fabien Onteniente en 2008. © Photo Nana Productions / Sipa
Mais c’est un autre incident qui a fait l’objet d’alertes, selon six témoignages recueillis par Mediapart : le comportement de Gérard Depardieu à l’égard d’une jeune figurante étrangère, quelques secondes avant le début d’une scène. Jointe par Mediapart, la comédienne n’a pas souhaité que son nom et les détails de son récit figurent dans notre article. À l’époque, des figurantes la réconfortent et l’équipe « casting » est alertée. Contactée par Mediapart, la directrice de casting « figuration » indique avoir reçu la jeune actrice dans son bureau et avoir ensuite averti le directeur de production et le réalisateur, qui se seraient montrés « blasés, pas étonnés ».

Ses assistantes n’ont pas oublié cet épisode : « Cet incident m’a marquée, j’en ai parlé à pas mal de monde ensuite », raconte l’une, Hélène Raoul. « C’était le branle-bas de combat, la figurante ne voulait plus tourner », se souvient l’autre, Adèle – qui dit avoir elle-même subi « une main aux fesses » de Depardieu, sur un tournage durant lequel elle était assistante à la mise en scène, en 2005.

Je suis allé engueuler Depardieu, je lui ai dit : “Tu ne recommences pas ça, c’est fini ! Tu te comportes bien.”

Le réalisateur Fabien Onteniente
Le comportement de Gérard Depardieu a fait l’objet de remontées à la production sur un autre film de Fabien Onteniente, la comédie Turf (2013). Lors d’une scène à l’hippodrome d’Auteuil, l’acteur, entouré de deux figurantes, aurait eu un comportement inapproprié avec l’une d’elles, selon quatre témoignages recueillis par Mediapart. « Au moment où le metteur en scène a dit : “Action”, il a attrapé une figurante, qui était en jupe, par les fesses. Elle était très mal », témoigne un membre de l’équipe, qui requiert l’anonymat par peur de « représailles professionnelles ».

« La comédienne m’a dit : “C’est infernal, il n’arrête pas de me toucher les fesses” », confirme la directrice de casting, qui a averti le réalisateur et pris une mesure radicale : « Comme je n’étais pas sûre que Gérard s’arrête, pendant la scène, je me suis mise à quatre pattes pour surveiller, en mesurant la distance nécessaire pour qu’il ne puisse pas toucher la figurante avec ses bras. »

Contacté par Mediapart, le réalisateur Fabien Onteniente confirme avoir été alerté par cette directrice de casting du fait que Gérard Depardieu « était lourd avec les filles » sur le tournage de Disco : « J’en ai conclu qu’il avait dû avoir la main baladeuse, vu comme il se comportait quand il attendait les prises, avec ce côté collant ponctué d’un rire très sonore. » Puis sur le film Turf, « deux figurantes » sont venues le voir. « L’une était en pleurs et se plaignait de mains aux fesses. Voir ce visage d’une fille qui venait faire de la figuration et était pleine d’espoir, ça m’a ému et mis hors de moi. Donc je suis allé engueuler Depardieu, j’ai monté le volume, je lui ai dit : “Tu ne recommences pas ça, c’est fini ! Tu te comportes bien”, et ça s’est arrêté net. Il était tout penaud, comme un enfant qui aurait fait une bêtise. » Les directeurs de production de ces deux films n’ont quant à eux aucun souvenir (lire leurs réponses en annexe).

Un même « mode opératoire » dénoncé
Autre exemple, une ancienne stagiaire du tournage du film 36 quai des Orfèvres (2004) – qui a témoigné dans la procédure judiciaire visant l’acteur – affirme à Mediapart avoir « vu Gérard Depardieu mettre sa main dans la culotte de figurantes » – qui « portaient des robes au dos décolleté » – « sans que personne réagisse ».

Les témoignages recueillis par Mediapart décrivent un même « mode opératoire », selon la formule de plusieurs femmes. Le comédien instaurerait d’abord une ambiance sexualisée et malaisante, en tenant de manière permanente des propos sexuels crus, en posant des questions intimes ou sexuelles aux femmes, en faisant des « bruits de porc en rut », des « grognements » et « reniflements », selon de nombreux récits. Avec certaines femmes, il irait plus loin : il leur toucherait les cuisses ou les fesses ou bien mettrait sa main à leur entrejambe ou dans leur culotte. Le plus souvent au vu et au su de tous.

Au fil des récits, les mêmes mots reviennent. « Quand il arrivait sur le tournage, il disait : “Ça sent la chatte ici !” », relate la figurante Graziella Jullian. Une directrice de casting l’a aussi constaté sur deux films : « Il hurlait entre les prises : “La chatte, la chatte, la chatte !” ; “Ta chatte, elle mouille”. »

Élisa, fille d’une connaissance de Depardieu, qui l’a côtoyé « pendant son enfance », se souvient qu’il la « mettait très mal à l’aise ». « Il ne parlait que de sexe, de ce qu’il aimerait faire à telle ou telle femme. À la vue d’une femme, il grognait souvent comme un animal, la dévisageait, disait : “Regarde-moi celle-là”, “grosse cochonne”, “salope”. Il enchaînait les “blagues” sexistes », raconte la jeune femme.

Pendant une semaine, j’ai tenu comme un animal qui se défendait. Chaque soir en rentrant dans ma chambre d’hôtel, je pleurais.

Jeanne*, actrice du film « La Môme »
Mediapart a aussi recueilli le récit de Jeanne*, une ancienne comédienne qui, à 39 ans, l’a côtoyé une semaine sur le tournage de La Môme (2007). En 2018, elle a témoigné dans une procédure prud’homale – toujours en cours –, concernant un autre tournage (lire notre Boîte noire).

Auprès de Mediapart, elle détaille : « Ça commence au départ par un truc goguenard, sympathique, puis il fait des grimaces salaces avec sa langue, des gestes obscènes, tient des propos toujours de l’ordre de “ta chatte”, “tu mouilles”, “je vais te lécher la chatte”, “enlève ton Tampax”. Et d’un coup, il arrive par-derrière et me tripote, sans demander mon avis… »

Dans son attestation transmise à la justice, elle cite plusieurs exemples précis. Comme ce jour où, lors d’une scène de foule, Gérard Depardieu aurait tenté de lui « mettre la main au sexe » et elle l’aurait repoussé « brusquement ». Ou cette autre fois où, accompagné d’un homme qu’il présentait comme le producteur, il l’aurait « attrapée par-derrière en [lui] pétrissant les hanches, le ventre et les seins », ajoutant « en riant » : « Ça te fait quoi de te faire peloter devant un producteur ? » Celui-ci, Alain Goldman, assure n’avoir, « lors de ce tournage », « jamais constaté de comportement déplacé de sa part ou entendu un membre de l’équipe s’[en] plaindre ». Un technicien confirme quant à lui avoir assisté à des « gestes déplacés de M. Depardieu sur cette actrice ».

Jeanne dit avoir eu l’impression d’être « son jouet du moment » : « Si on ne joue pas, c’est qu’on est coincée… Mais sous couvert de jeu, il fait du mal. C’était violent, humiliant, blessant. Pendant une semaine, j’ai tenu comme un animal qui se défendait. J’étais épuisée. Chaque soir en rentrant dans ma chambre d’hôtel, je pleurais. »

Elle explique avoir « géré cela comme [elle a] pu », développant « tous les subterfuges possibles pour détourner son attention et le canaliser ». Si elle a fini par « lui taper sur le bras pour dire stop », elle raconte n’être pas allée davantage « à la confrontation » avec lui, car elle aurait été « perdante » : « Je ne faisais pas le poids. Et puis à l’époque, j’avais besoin de bosser, de manger, alors je me suis tue. »

Son mari, commandant de police, n’a pas oublié ses confidences de l’époque, et « l’émotion qui la gagnait » chaque fois qu’elle abordait le sujet. « Ces agressions restent à ce jour une cicatrice non refermée », atteste-t-il. Aujourd’hui, Jeanne considère qu’elle a eu « de la chance » de rencontrer l’acteur à 40 ans. « À 20 ans, j’aurais été bousillée. »

Je lui enlève une deuxième fois la main et je dis tout fort : “Il y a Gégé qui met sa main dans mon short.”

Sarah Brooks, actrice de la série « Marseille »
20 ans, c’est l’âge qu’avait la comédienne Sarah Brooks lorsqu’elle a croisé la route du célèbre acteur. À l’automne 2015, elle tourne un épisode de Marseille, première série française de Netflix. C’est la première fois qu’elle se retrouve sur un plateau de cinéma. Déjà peu à l’aise dans la tenue dénudée de son personnage de Lolita, elle raconte que lors d’une photo regroupant les comédien·nes, devant le public et l’équipe, Gérard Depardieu lui aurait mis la main dans son mini-short, tout en faisant « un gros grognement bizarre ».

Illustration 4Agrandir l’image
L'actrice Sarah Brooks entourée de Gérard Depardieu et de deux autres comédiens, sur le tournage de la série « Marseille », à l'automne 2015. © Document Mediapart
Elle dit avoir « retiré sa main une première fois », mais il l’aurait remise « dans [sa] culotte », en essayant « de [lui] toucher les fesses ». « Je lui enlève une deuxième fois et je dis tout fort : “Il y a Gégé qui met sa main dans mon short.” Il a répondu : “Bah quoi, je pensais que tu voulais réussir dans le cinéma ?” Tout le monde a ri, du coup il a continué. J’étais super mal, c’était hyper humiliant. » Un comédien présent indique à Mediapart qu’« elle a dit que Depardieu lui avait mis une main au cul » et qu’elle semblait « surprise » et « perdue ». Tout en minimisant : « Même à moi il met des mains au cul. C’est Depardieu… »

Étant donné l’hilarité générale, Sarah Brooks dit n’avoir « même pas essayé d’alerter la production ». Le producteur, Pascal Breton, et le réalisateur, Thomas Gilou, indiquent n’avoir ni assisté, ni été alertés d’un comportement inapproprié de l’acteur.

Dans les témoignages collectés par Mediapart, ce sentiment d’humiliation prédomine. Florence* n’a jamais oublié le tournage de Hello Goodbye (2008). Elle aussi était jeune (24 ans), elle aussi débutait, elle aussi était « fan » de Depardieu. Dès le premier jour, elle déchante. Lorsque le réalisateur la présente à l’acteur le plus connu du cinéma français, celui-ci lui aurait lancé, en jetant un regard sur sa robe bustier : « Aaaah ces petits seins ! », puis il aurait mis sa « main entre [ses] jambes », assure-t-elle. « Ça a fait rigoler autour. Moi, j’étais sans voix, je crois que j’ai réagi totalement bêtement. Je me sentais toute petite. »

Lors de leur scène commune, autour d’une table, il aurait « simulé un acte sexuel, et d’autres choses bêtes qui ne sont pas dans le script et font rire à peu près tout le monde », relate la comédienne. Puis il aurait demandé qu’on scotche son texte sur son visage. « Je refuse, je dis que je peux le porter devant moi. Il répond que, de toute façon, il n’aime pas ma gueule. C’était dur, j’avais très envie de pleurer. »

Il m’a dit : “Je vais te lécher ta petite chatte”, puis il a mis son pied entre mes jambes, essayant d’atteindre ma culotte.

Florence*, actrice du film « Hello Goodbye »
Florence affirme qu’au moment de tourner les plans serrés sur elle, Depardieu serait revenu « en chaussettes », qu’au lieu de dire son texte, il aurait répété : « “Je vais te lécher ta petite chatte”, “T’aimes te faire défoncer la rondelle” », puis qu’il aurait « mis son pied entre [ses] jambes », essayant « d’atteindre [sa] culotte » sous sa « robe bouffante ». « J’ai essayé de tenir. Mais je me sentais salie, totalement humiliée. »

Sur le même tournage, Émilie*, une autre comédienne à l’époque âgée de 22 ans, assure que l’acteur aurait « passé son temps à [lui] lancer des regards insistants, à regarder [ses] cuisses, à faire des grognements d’animal », et qu’il lui aurait dit « quelque chose comme “Je te lécherais bien”, en faisant des gestes salaces de coups de langue ». « Très impressionnée » par Depardieu, et souhaitant rester « très froide et distante », elle dit n’avoir pas répondu, mais soutient que, sur le tournage, ce comportement « inapproprié et graveleux » n’était « pas du tout caché ». En 2018, les deux actrices se sont croisées fortuitement à un anniversaire et se sont confiées l’une à l’autre. « Ça nous a soulagées d’en parler », se souvient Émilie.

Contacté, le réalisateur Graham Guit explique qu’il n’a « pas assisté à de telles scènes » et que « rien ne [lui] a été rapporté pendant le tournage ».

Illustration 5Agrandir l’image
Gérard Depardieu sur le tournage du film « Hello, Goodbye », réalisé par Graham Guit, à Jérusalem en 2007. © Photo Gali Tibbon / AFP
Asymétrie de pouvoir
Un autre élément revient dans les récits : l’asymétrie entre, d’un côté, des femmes souvent jeunes, précaires, débutant leur carrière, et de l’autre, un acteur mondialement connu, dont la seule présence permet parfois de financer le film. « Un métier où les gens se permettent d’agir comme cela, ça n’existe pas… », considère la stagiaire du film 36 quai des Orfèvres, pour qui c’est la « notoriété » de Depardieu qui lui aurait permis « d’agir d’une façon des plus déplacées ».

« Il a un nom, il sait qu’il va impressionner des petites mains qui n’ont pas de pouvoir », estime la maquilleuse Gwenaëlle Courtois, qui se souvient de « la main baladeuse » du comédien « sur [sa] hanche » alors qu’elle le maquillait dans les loges de l’émission « Les Enfants de la télé », dans les studios de La Plaine Saint-Denis, autour de l’année 2000. « J’avais 33 ans, j’étais intermittente, je n’ai rien osé dire. J’étais très gênée, j’ai rougi, il m’impressionnait. »

« On se sent vulnérable. Le fait que ce soit le patron, on n’ose pas dire quelque chose », témoigne Léa*, qui, loin du cinéma, a travaillé entre 2004 et 2016 dans des restaurants détenus par Gérard Depardieu. « J’avais 22 ans quand il m’a prise sous son aile, c’était comme un papa pour moi, je l’idolâtrais », rembobine-t-elle. Au fil des années, son comportement aurait fini par l’atteindre personnellement. Elle affirme que « deux ou trois fois », alors qu’« il passait en fin de journée », il l’aurait « pelotée en arrivant par-derrière ». Qu’un samedi, « en plein rush », alors qu’elle tenait la caisse, il lui aurait tendu un billet de 50 euros « pour [sa] chatte ». Qu’un autre jour, dans l’appartement de fonction, il se serait assis sur le lit en lui disant : « Je te baiserais bien ici mais je suis trop vieux. » Léa dit s’être « sentie salie ». C’est le sentiment dont elle a fait part à des proches, comme en attestent des messages et un témoignage. Mais parce qu’elle a attaqué la société de l’acteur aux prud’hommes, notamment pour contester son licenciement économique, elle n’a « rien osé dire » : « J’avais peur qu’on dise que je voulais me venger. »

C’est ce qu’expriment les femmes dont nous avons recueilli le récit : leur statut ne leur permettait pas de protester. Peur d’être « virée » ou « blacklistée » dans le milieu. Peur qu’« un tournage à plusieurs millions s’arrête à cause d’[elle] ». Peur aussi de batailler seule contre tous. Car la plupart affirment n’avoir pas trouvé de soutien sur le tournage, et avoir eu le sentiment « que tout le monde semblait cautionner ce qui se passait ». Plusieurs de celles qui ont alerté notent d’ailleurs qu’ensuite « il ne s’est rien passé ».

L’absence de réaction sur le tournage
Toutes nous l’ont confié : plus encore que le comportement qu’aurait eu Gérard Depardieu, c’est celui de l’équipe de tournage qui les a choquées. L’absence de réaction, les regards détournés ou au contraire les éclats de rire ; la minimisation des faits qu’elles dénoncent. Et le sentiment de n’avoir pas « été protégées ».

« Des adultes ont laissé un acteur me tripoter les seins devant tout le monde », dénonce la comédienne et scénariste Alysse Hallali. En 2009, âgée de 17 ans, elle incarne la fille de Depardieu dans L’Autre Dumas (2010). Grande fan de l’acteur, et en particulier de Cyrano de Bergerac, qu’elle connaît par cœur, elle ambitionne de lui réciter en coulisses la célèbre « tirade du nez ». Mais la rencontre sera tout autre, d’après son récit. En la voyant arriver vêtue en robe d’époque, il lui aurait lancé : « Alors c’est toi ma fille ? Bah, elle a bien poussé ma fille, regarde, elle a des petits bouts de seins ! » Avant de l’« attraper fermement » contre lui, de « poser sa main sur [son] sein » en le « caressant », affirme-t-elle.

Des adultes ont laissé un acteur me tripoter les seins devant tout le monde.

L’actrice Alysse Hallali, âgée de 17 ans sur le tournage du film « L’Autre Dumas »
Elle dit avoir essayé de se « dégager légèrement plusieurs fois », mais « il résistait ». Puis elle a « cherché du regard un soutien sur le plateau ». En vain. « Je pesais 45 kilos, autant dire un moustique incapable de résister à cette étreinte oppressante. Ça a duré pendant toute la scène, je n’arrivais pas à me concentrer. » Finalement, elle n’a « jamais sorti [ses] répliques de Cyrano. » Contacté, le réalisateur, Safy Nebbou, indique n’avoir « été témoin de rien de particulier » et que « personne ne [lui] a remonté de problèmes ».

Camille G., ancienne auxiliaire de régie, en veut elle aussi avant tout à l’équipe de tournage : « Ce que j’ai mal vécu, c’est l’omerta, le silence autour de tout cela. On se sent très seule. » En 2020, âgée de 25 ans, elle a côtoyé Gérard Depardieu sur le tournage du film Maison de retraite (2022), réalisé par Thomas Gilou et produit par Kev Adams. Elle dit avoir été « coincée » « dans un couloir » par le comédien, qui lui aurait parlé de son « magnifique sourire », des « petits, longs ou gros sexes qui avaient dû passer dans sa bouche », de « la sensualité de ses petits seins fermes et doux » et « de son envie de se frotter à [sa] petite chatte humide ». Elle dit avoir protesté « fermement » mais que, malgré « ce “non” », il aurait « insisté toute la journée en grognant et [la] reniflant à chacun de [ses] passages ». Elle assure avoir demandé « qu’on [la] relève ». En vain.

Une journaliste qui suivait le tournage pour l’émission de TF1 « 50’ Inside » a assisté à l’une de ces scènes. Elle se souvient que l’acteur « a poussé un énorme grognement de bête à deux centimètres de son visage en la regardant dans les yeux », que la régisseuse est « devenue toute rouge, a baissé les yeux », puis lui a confié « qu’elle n’en pouvait plus ». La reporter dit avoir été « choquée » par la réaction globale de l’équipe. « Toute la journée, je n’ai fait qu’entendre “C’est Gérard…” » Contacté, Kev Adams n’a pas répondu. Le réalisateur Thomas Gilou a assuré n’avoir « personnellement pas constaté cela ».

Illustration 6Agrandir l’image
Gérard Depardieu en 2015 pendant le tournage de la série « Marseille ». © Photo Boris Horvat / AFP
Si elle avait porté plainte, Florence l’aurait fait « contre la production », parce qu’elle s’est « sentie en danger ». L’actrice dit avoir tenté de trouver de l’aide sur le tournage. « J’avais vraiment l’impression que ce qu’il se passait était un non-problème, que comme c’était Gérard Depardieu, c’était normal. » Son agent, auquel elle s’en est ouverte, lui aurait rétorqué qu’il fallait qu’elle « se renforce ». Sa mère, à laquelle elle s’est confiée lors de la sortie du film, a minimisé : « Écoute, ça doit être l’humour de Depardieu. » Des années après, lors de la prise de parole d’Adèle Haenel, elle s’est excusée auprès de sa fille. « [Florence] m’avait expliqué que lors d’une réplique qu’elle lui donnait, il avait forcé son pied entre ses cuisses, raconte-t-elle. J’ai honte de l’avoir calmée en donnant des excuses à Depardieu. À l’époque, on fermait un peu les yeux sur ce sujet, alors que c’est un abus de pouvoir. Ma fille était pétrifiée parce que c’était Depardieu. »

Graziella Julian, figurante sur la saison 2 de la série Marseille (2018), a elle aussi été « choquée » par l’absence de réaction : « Tout le monde a vu ce qu’il se passait ! Les gens étaient éclatés de rire, il aurait pu continuer… » Cette femme de 47 ans, modèle publicitaire, raconte qu’entre les prises, Depardieu « [lui] posait des questions sur sa vie sexuelle, lui demandait si elle avait quelqu’un, [lui] disait : “T’en as pas marre de te taper les mêmes paires de couilles toute ta vie ?” ». Puis il aurait « tripoté [ses] cheveux, [ses] collants » et aurait « caressé [sa] cuisse ». « J’ai dit : “Qu’est-ce que vous faites, M. Depardieu ?” Il a répondu : “Oh la la, on s’emporte là, mais je ne fais rien du tout !” »

Jeanne a le même souvenir : « Tout le monde m’a vue me bagarrer, personne n’a bougé. » Ce n’est qu’à son avant-dernier jour de tournage que le réalisateur de La Môme, Olivier Dahan, serait venu la voir. « Il m’a demandé si ça allait, et m’a dit que si j’estimais qu’il allait trop loin, il interviendrait. Mais cela faisait bien longtemps que Depardieu avait dépassé les limites ! » Sollicité par Mediapart, le cinéaste indique n’avoir « pas le moindre souvenir de cela », sans pour autant « remettre en cause ce témoignage ».

Pour Jeanne, l’équipe est, d’une certaine manière, « dix fois plus responsable que Depardieu » : « Ce qui est terrible, ce n’est pas lui, ce sont ceux qui le laissent agir. » Comme d’autres, elle a constaté la peur des comédien·nes et technicien·nes d’alerter ou de protester. « Pourtant, si tous se levaient et s’arrêtaient de travailler en disant : “On ne peut pas accepter cela !”, ils auraient un pouvoir extraordinaire… »

La « peur » de dénoncer ces comportements
Plusieurs témoins de ce comportement concèdent avoir été choqués mais n’avoir pas su quoi faire. « Je me suis dit : mais personne ne va rien dire ? Et en même temps, moi-même, je ne suis pas allée voir la production. On était très conditionnées, il n’y avait pas encore eu #MeToo et puis, on était sidérées… », raconte Lise Schreiber, figurante sur le film Disco. Isabel Butel, la costumière du film Big House, se souvient d’avoir « culpabilisé après », de s’être « demandé ce qu’[elle] aurai[t] pu dire et faire à [son] échelle ». « Cet homme nous place en otage de ces scènes. »

La notoriété de l’acteur et son pouvoir ont été au cœur de notre enquête. Durant nos entretiens, plusieurs personnes ont eu le sentiment qu’il était « intouchable ». C’est ce qui a longuement fait hésiter certain·es à nous parler. Sarah Brooks raconte sa « peur de ne pas être écoutée et de ne plus travailler » : « Parce que moi je ne suis personne face au monstre du cinéma français. » Florence, qui, fin 2019, avait rédigé un projet de mail pour Mediapart, avant de renoncer à l’envoyer, explique qu’« en France, pour se permettre de dire les choses, il faudrait être au-dessus des personnes que vous accusez ». « Je suis une actrice qui travaille, mais en dents de scie. Le cinéma français est un petit milieu. Parler, c’est se mettre en difficulté. »

C’est ce qui en a dissuadé d’autres de s’exprimer, ou les a poussé·es à renoncer après avoir accepté. Comme cette actrice, redoutant une plainte en diffamation de Depardieu. Ou ce comédien – qui dit avoir été témoin du comportement de Gérard Depardieu sur un tournage – qui, à la dernière minute, s’est pourtant ravisé pour ne pas « accabler » l’acteur : « Il s’agit d’une bombe médiatique, je ne veux pas en faire partie. »

« Les gens ont peur », considère une directrice de casting. Lorsqu’elle a dit à des collègues et proches qu’elle allait répondre à nos questions, les réactions ont été unanimes : « Mais t’es dingue ? » « Le cinéma est un monde qui a le culte du secret et donc du silence, ce n’est pas du tout naturel de dénoncer ce type de comportement, on doit toujours se taire, il y a beaucoup d’autocensure », déplore-t-elle.

Difficile en tout cas d’ignorer que le comportement de Gérard Depardieu pose question. Certaines mises en cause sont déjà publiques, comme en témoignent des vidéos, articles ou livres (lire notre article).

Plusieurs femmes assurent que l’attitude de Gérard Depardieu faisait parfois l’objet de mises en garde informelles. Alysse Hallali raconte par exemple qu’en arrivant sur le tournage, lorsqu’elle a demandé à une habilleuse « comment était Depardieu », celle-ci lui aurait répondu « qu’il était sympa mais qu’il avait les mains très baladeuses et faisait des remarques sexuelles ». Et que lorsqu’elle a raconté son histoire « à des gens du métier », ils auraient rétorqué : « Ah oui, mais Depardieu… » « Tout le monde le sait, tout le monde s’en fiche, tout le monde le tolère », estime-t-elle.

Graziella Jullian dit aussi avoir « toujours su qu’il pouvait se passer des choses », car elle avait eu « des échos sur plusieurs tournages » : « On disait qu’il débordait avec les femmes. » Jeanne soutient que, lors d’une lecture, la production aurait prévenu que le comédien « touchait les femmes ». Quatre autres femmes nous ont rapporté les mêmes avertissements.

Pour cette enquête, neuf des vingt réalisateurs et producteurs sollicités n’ont pas répondu. Les onze autres – à l’exception de Fabien Onteniente – affirment n’avoir rien vu ou rien su (lire leurs réponses en annexe). Plusieurs mentionnent uniquement des propos « grossiers » ou « graveleux » du comédien. À l’image d’Emmanuel Jacquelin, directeur de production de la saison 1 de Marseille, qui déclare ne pas avoir été alerté et n’avoir rien constaté sur le plateau, si ce n’est « des propos déplacés et vulgaires » du comédien. Il indique cependant à Mediapart que bien après le tournage, « une actrice s’est plainte ». Ce que confirme le producteur, Pascal Breton : « Elle a saisi le conseil de prud’hommes, elle a été déboutée de l’ensemble de ses demandes et a fait appel. »

Marine Turchi


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 Sujet du message: Re: Devin Faraci
MessagePosté: 11 Avr 2023, 18:44 
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J’appelle Tetsuo à la barre.

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Que lire cet hiver ?
Bien sûr, nous eûmes des orages, 168 pages, 14.00€ (Commander)
La Vie brève de Jan Palach, 192 pages, 16.50€ (Commander)


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 Sujet du message: Re: Devin Faraci
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Je regarde sans doute trop de films mais je suis étonné que personne à ce jour n'ait essayé de le piéger en dissimulant un micro voire une caméra.

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 Sujet du message: Re: Devin Faraci
MessagePosté: 11 Avr 2023, 19:44 
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Il y a pas des caméras et des micros déjà à la base sur les plateaux ? (tout comme dans sa maison, les policiers ont eu accès aux bandes, certes légèrement lacunaires, des caméras de surveillance si mes souvenirs sont bons)


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 Sujet du message: Re: Devin Faraci
MessagePosté: 26 Juil 2023, 15:24 
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Un peu de suivi sur Spacey:

Procès de Kevin Spacey à Londres : l’acteur reconnu non coupable d’agressions sexuelles
Le jury s’était retiré lundi pour délibérer dans le procès à Londres visant la star américaine Kevin Spacey. Il a été relaxé pour les chefs d’accusations d’agressions sexuelles par quatre hommes entre 2001 et 2013, qui lui avaient valu d’être mis au ban d’Hollywood.

Dans le camp de Kevin Spacey c’est le soulagement. L’acteur a été reconnu non coupable d’agressions sexuelles. Le jury s’est prononcé sur neuf charges retenues contre l’acteur pour des faits d’agressions sexuelles. Douze avaient été retenues avant le procès, mais une a été ajoutée et quatre abandonnées durant les débats.


https://www.leparisien.fr/faits-divers/ ... SYQZBM.php

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 Sujet du message: Re: Devin Faraci
MessagePosté: 26 Juil 2023, 15:36 
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Est il blanchi ou relaxé faute de preuves ?
N'avait il pas été au relaxé à Hollywood?

Va t'on encore le considérer comme un violeur ou ce procès va t'il redorer son blason?


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 Sujet du message: Re: Devin Faraci
MessagePosté: 26 Juil 2023, 16:05 
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Mr Degryse a écrit:
N'avait il pas été au relaxé à Hollywood?
Oui, pour une autre accusation.

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 Sujet du message: Re: Devin Faraci
MessagePosté: 26 Juil 2023, 18:22 
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Quand il va revenir dans un film de Singer, on va voir flou.

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 Sujet du message: Re: Devin Faraci
MessagePosté: 27 Juil 2023, 13:47 
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Cadeau, deux articles, pour la parité :

Nicolas Bedos visé par une enquête pour « viol » et « agression sexuelle »

Selon nos informations, l’enquête préliminaire à l’encontre du réalisateur a été ouverte le 5 juillet par le parquet de Paris. Sollicité, Nicolas Bedos, qui bénéficie de la présomption d’innocence, n’a pas souhaité faire de commentaire. Quatre femmes témoignent dans Mediapart.

Marine Turchi

18 juillet 2023 à 15h50

SelonSelon nos informations, le parquet de Paris a ouvert, le 5 juillet, une enquête préliminaire pour « viol » et « agression sexuelle » concernant le réalisateur Nicolas Bedos. Confiée au 1er district de police judiciaire (DPJ), cette enquête recouvre, de même source, trois procédures : l’une pour « viol et agression sexuelle », les deux autres pour « agression sexuelle ». Elle a été déclenchée par la réception par le parquet, fin juin, du signalement de plusieurs femmes. L’une d’elles a été entendue par les enquêteurs le 4 juillet, une deuxième doit l’être le 21 juillet.

Sollicité par Mediapart le 12 juillet via son avocate, Me Julia Minkowski, le cinéaste de 44 ans, qui bénéficie de la présomption d’innocence, n’a pas souhaité faire de commentaire (lire la réponse intégrale de son avocate en Boîte noire).
Illustration 1
Nicolas Bedos à Paris en 2022. © Photo Julien de Rosa / AFP

À ces procédures s’ajoute le fait que Nicolas Bedos est renvoyé en février 2024 devant le tribunal correctionnel pour « agression sexuelle en état d’ivresse », après le dépôt d’une plainte le 12 juin dernier. Une jeune femme de 25 ans l’accuse de l’avoir touchée au niveau des parties intimes, par-dessus son jean, dans la nuit du 1er au 2 juin, dans une boîte de nuit à Paris, selon son récit aux enquêteurs, rapporté par le site Actu17 et l’Agence France-Presse (AFP).

La plaignante a précisé qu’elle ne connaissait pas Nicolas Bedos lorsqu’il s’est dirigé vers elle, qu’elle l’aurait « repoussé » quand il aurait, « sans s’exprimer », « tendu sa main au niveau de [sa] culotte », puis qu’elle lui aurait lancé : « Va te faire soigner ! » Un vigile aurait ensuite conduit Nicolas Bedos hors de l’établissement. Dans cette affaire, le cinéaste bénéficie également de la présomption d’innocence.

L’avocate du réalisateur indique à Mediapart que, dans ce dossier, « Monsieur Bedos s’est longuement expliqué auprès des policiers et réserve sa parole à l’institution judiciaire. Comme [elle l’a] déjà exprimé, il n’a pas remis en doute la parole de la plaignante auprès de laquelle il s’est d’ailleurs directement excusé ». À l’AFP, le 22 juin, Me Minkowski avait indiqué que son client n’avait « pas le souvenir » d’un tel geste, qui n’avait « pu être qu’accidentel sous l’effet de l’ébriété ».

« Accidentel ». Le mot a fait réagir quatre femmes, qui ont décidé de confier leurs récits à Mediapart. Parmi elles, deux femmes qui ont adressé un signalement à la justice, fin juin.
« D’un coup, son visage avait changé »

À Mediapart, Chloé* explique être « allée témoigner pour dire que ce n’est certainement pas un accident ». Le 27 juin, elle a adressé un courrier à la procureure de la République de Paris. « Cette nouvelle [de la garde à vue de Nicolas Bedos – ndlr] me donne la force de vous écrire. À la fin des années 1990, il m’a agressée sexuellement et physiquement dans des circonstances de travail et d’amitié, indique-t-elle dans son signalement, consulté par Mediapart. […] Toutes ces années, j’ai espéré qu’une femme plus courageuse que moi porte plainte, il semble que cela soit arrivé. »

Cette comédienne et scénariste de 50 ans avait déjà livré son récit à Mediapart en novembre 2019, après la prise de parole d’Adèle Haenel dans notre journal. L’histoire qu’elle raconte remonte à 1999. Elle a alors 26 ans, travaille comme serveuse, tout en développant sa carrière artistique. Nicolas Bedos a 20 ans mais officie déjà depuis deux ans comme conseiller au sein de la cellule « Canal Plus Idée », pour laquelle il est chargé de dégoter de jeunes auteur·es et comédien·nes pour la chaîne.

Chloé explique l’avoir rencontré avec Isabelle*, une amie actrice avec laquelle elle collabore. Celle-ci se rappelle que lors de ce rendez-vous, Nicolas Bedos aurait « jeté son dévolu » sur Chloé. Il lui fait passer des essais, une « forme de relation amicale » s’instaure, malgré un caractère qu’elle ressent comme « odieux » et des « attitudes parfois violentes », indique Chloé, qui est alors persuadée qu’il peut l’« aider dans le boulot ». Mais professionnellement, « rien de concret » n’en ressort.

Un soir, elle dit avoir accepté de l’accompagner à une soirée chez des amis à lui, puis chez ses parents, à Neuilly (Hauts-de-Seine), où il habite alors. Elle ne voit alors « pas le problème » car il lui aurait affirmé que « ses parents et sa sœur dormaient » dans l’appartement.

Il m’a attrapée à la gorge, plaquée contre le mur et m’a dit : “Tu te prends pour qui, t’es pas Catherine Deneuve !”

Le récit de Chloé

Mais arrivée à son domicile, ce serait « parti en vrille », prétend-elle. Selon son récit, il aurait insisté pour qu’elle vienne « dans sa chambre ». Elle affirme avoir alors « ramassé [ses] affaires en disant qu’[elle] allai[t] partir », mais il l’aurait « attrapée à la gorge, plaquée contre le mur » en lançant une phrase qu’elle n’a pas oubliée : « Tu te prends pour qui, t’es pas Catherine Deneuve ! »

Elle raconte avoir eu brutalement « super peur ». « D’un coup, son visage avait changé, il y avait un mépris dans sa voix, du dégoût presque, j’étais dans un état de terreur, incapable d’articuler un mot », assure-t-elle. De la suite, elle ne se souvient que de trois choses, dit-elle. Le fait qu’elle se serait « laissé faire pour monter dans sa chambre » parce qu’elle avait « hyper honte » – il était « minuit passé » et elle était « chez lui », elle a pensé que « c’était de sa faute ». Puis un « souvenir physique » : elle dit avoir « eu mal alors qu’il [la] pénétrait ». Enfin, elle se revoit en pleine nuit, dans un taxi qui avait accepté de la raccompagner gratuitement, l’apercevant en détresse. « J’ai pleuré tout le long du chemin, sans dire un mot. »

À partir de là, elle n’a rien dit à personne. Ou plutôt elle a raconté « la première moitié de l’histoire, celle qui était honorable pour [elle] ». À son amie Isabelle, à laquelle elle s’est confiée le surlendemain, elle a affirmé qu’elle s’était débattue et avait réussi à partir. Parce qu’elle avait « tellement honte », dit-elle. Mais aussi parce que, « vingt ans avant #MeToo et dix ans avant King Kong Théorie [essai dans lequel Virginie Despentes relate le viol qu’elle a subi – ndlr] », elle est persuadée que son récit complet aurait été inaudible : « On m’aurait dit que je ne l’avais pas volé, que j’avais accepté de monter chez lui. »

Isabelle se souvient très bien des confidences de Chloé à l’époque – dont elle a confirmé les termes à Mediapart –, mais surtout de « sa peur » et de sa « colère ». « Elle disait que c’était un malade. Vu l’état dans lequel elle était, j’ai pensé qu’il nous manquait une partie de l’histoire. »

Au fil des années, Chloé n’en a pas non plus parlé à ses compagnons successifs. Tout juste savent-ils qu’elle a eu une « mauvaise expérience » avec Nicolas Bedos. En 2011, lors d’un mariage où le réalisateur était présent, elle avait simplement glissé à son compagnon : « Je ne suis pas confortable avec ce mec, reste avec moi. »

Elle dit avoir « mis du temps à mettre les bons mots sur cet événement ». « Je ne voulais pas que ça me soit arrivé. Pour moi, le viol, c’était Guy Georges [violeur en série – ndlr], ça n’arrivait pas avec des gens qu’on connaissait. »

Questionné par Mediapart sur ce récit, Nicolas Bedos n’a pas souhaité faire de commentaire.

Il faudra plusieurs déclics pour que Chloé surmonte sa « honte » et sa « culpabilité », dit-elle. En 2009, Marion*, une amie proche de Nicolas Bedos à laquelle elle fait simplement part, de manière évasive, d’une « expérience douloureuse » avec le cinéaste, lui rétorque : « Ça ne m’étonne pas… » « Ça m’a soulagée, je me suis dit que ce n’était pas de ma faute. » En 2017, l’onde de choc #MeToo est une prise de conscience supplémentaire. « Je me suis mise à lire plein de récits, mais à chaque affaire qui sortait, ça me remettait une douille, je me disais “voilà, ça c’est des personnes courageuses”. »
Illustration 2
Nicolas Bedos lors de la soirée du prix de Flore à Paris en novembre 2019. © Photo Jerome Domine / Abaca

Dans la foulée, un événement la plonge dans la colère : la tribune de Nicolas Bedos dans le HuffPost. Tout en critiquant les « dérives liberticides » du mouvement qui nourrirait une « guerre des sexes », le cinéaste écrit : « Ni l’argent ni le pouvoir ne permet d’abuser du corps de quiconque sur cette terre. Un monde libre, c’est un monde où les femmes sauront que les hommes sauront qu’en tentant d’abuser d’elles ils seront punis. Un monde libre, c’est ce monde où les femmes devraient pouvoir refuser n’importe quelle proposition graveleuse sans que leur carrière professionnelle puisse en être affectée. » « Là, ça m’a fait vriller. J’ai commencé à devenir enragée », se remémore Chloé.

D’autant que la même année, elle apprend que le cinéaste s’en serait pris à leur amie commune, Marion. Celle-ci se confie à elle en 2017.
« J’ai eu peur de celui que je considérais comme un ami »

À la différence de Chloé, Marion a rencontré Nicolas Bedos dans le cadre privé, lorsqu’elle était adolescente. En août 2016, alors qu’elle est invitée trois jours dans la maison louée pour l’été par le réalisateur et sa compagne de l’époque, il aurait eu « à [son] égard un comportement déplacé et violent », a-t-elle indiqué le 28 juin au parquet de Paris dans sa lettre.

Elle prétend qu’« en fin de soirée », le 18 août 2016, Nicolas Bedos aurait « essayé de [l’]embrasser de force » dans une pièce où elle se trouvait « seule avec lui ». Elle dit l’avoir « d’abord repoussé gentiment », car ils étaient « amis de longue date ». Mais son regard aurait « alors changé », il serait « devenu agressif », « [l’]empêchant de sortir » de la pièce « en [la] tenant fermement par les épaules et en continuant à essayer de [l’]embrasser », affirme-t-elle dans son courrier. Elle assure que « ce n’est qu’en le repoussant violemment » qu’elle aurait « pu sortir ». « Et ce jour-là, j’ai eu peur de celui que je considérais comme un ami », conclut-elle dans son courrier.

À Mediapart, elle explique que, sur le moment, elle n’a rien dit aux autres personnes présentes, sachant que « ça allait faire un drame ». En rentrant à Paris, elle se confie à son compagnon, puis à des amies – trois nous l’ont confirmé. Sollicité par Mediapart, son compagnon se souvient qu’elle était à la fois « furieuse » et « choquée qu’il s’en soit pris à elle », et il affirme avoir par la suite confronté Nicolas Bedos, qui lui aurait assuré n’en avoir aucun souvenir.

Marion aussi explique avoir, à Paris, en 2017, confronté le cinéaste, « directement par texto », et mis fin à leur amitié. « Son excuse a été l’alcool, il ne se souvenait de rien… […] Pour moi, cela relève plus du modus operandi que de “l’excuse” », estime-t-elle dans sa lettre à la procureure. Elle n’a pas conservé ces « longs échanges de SMS », mais deux de ses amies qui les ont lus à l’époque nous ont confirmé leur existence et leur contenu.

Si elle a décidé, un an après, de le mettre face aux faits par SMS, c’est parce qu’elle affirme avoir été, lors d’une soirée à Paris, « témoin d’un comportement violent et humiliant » qu’il aurait eu à l’égard d’une jeune femme qui l’accompagnait – et dont elle ne connaît pas l’identité. Elle assure lui avoir indiqué par SMS qu’elle l’avait « vu trop longtemps agir comme cela avec des femmes et qu’[elle] n’arrivai[t] plus à [se] taire, que ce qu’il s’était passé cet été à [son] égard était la goutte d’eau ».

Le 22 juin dernier, lorsque la presse s’est fait l’écho de la garde à vue la veille de Nicolas Bedos pour « agression sexuelle », Chloé et Marion se sont immédiatement téléphoné. Pour elles, c’était évident : il fallait témoigner pour appuyer le récit de la plaignante. Quelques jours plus tard, elles ont chacune adressé leur récit à la justice.

Dans sa lettre au parquet, Marion a précisé que cet épisode ne l’avait « pas traumatisée » mais qu’elle se devait « de parler aujourd’hui car [elle] sai[t] que d’autres femmes sont victimes de sa violence et de l’objectivation qu’il fait des femmes, se croyant avec elles tout permis ». « Trop longtemps je n’ai rien dit », regrette-t-elle dans son courrier. « Rien ne justifiait qu’on se taise, d’une certaine manière on a été complices, ou en tout cas lâches », explique-t-elle à Mediapart.

Questionné par Mediapart sur ce récit, Nicolas Bedos n’a pas souhaité faire de commentaire.
Des témoignages similaires à celui de la plaignante

Mediapart a recueilli d’autres témoignages, qui n’ont, eux, fait l’objet d’aucune plainte ou signalement, mais qui présentent des similitudes avec celui de la plaignante.

Leslie Masson, une ancienne mannequin, rapporte le « comportement scandaleux » qu’aurait eu à son égard Nicolas Bedos en 2010, lorsqu’elle avait 23 ans. Elle affirme que le réalisateur, qu’elle ne connaissait pas, serait d’abord venu la « draguer six ou sept fois », de manière « insistante » en étant « alcoolisé », au bar Le Mauri7 puis au Baron, une célèbre boîte de nuit parisienne aujourd’hui fermée, alors qu’elle l’avait « rejeté » en expliquant qu’elle n’était « pas intéressée ».

Au Baron, il aurait « essayé de [lui] toucher l’entrejambe », selon son récit ; elle l’aurait « repoussé » et il lui aurait plusieurs fois lancé : « Allez, viens me sucer dans les chiottes, sois mignonne. » « J’ai refusé, il m’a craché au visage », assure-t-elle. Elle ajoute que le cinéaste, tout en sollicitant des faveurs sexuelles, aurait multiplié les propos « méchants » et « dénigrants ».

Elle prétend que le vigile de la boîte de nuit – que Mediapart n’a pas été en mesure de retrouver, le club ayant fermé depuis – lui aurait expliqué qu’il s’agissait d’« un habitué », qu’il pouvait être « lourd » et que « s’il [l’]embêtait trop », il fallait « venir le voir ». Selon elle, il aurait glissé à Nicolas Bedos « de se calmer », avant de le « virer de la boîte » après l’incident.

Le 23 juin, en apprenant la garde à vue du cinéaste, Leslie Masson a évoqué ces faits présumés dans une courte publication sur son compte Instagram. Si elle n’a « pas du tout été traumatisée », nous précise-t-elle, elle souhaite raconter son histoire « pour qu’on ne banalise plus ce genre d’attitude », et pour rappeler que « ce n’est pas parce qu’on est alcoolisé qu’on a le droit de se comporter comme ça ».

Julie* avait elle aussi 23 ans lorsqu’elle a croisé Nicolas Bedos dans une autre boîte de nuit mythique parisienne, le Montana, dans le quartier huppé de Saint-Germain-des-Prés. Elle aussi a été « remuée » lorsqu’elle a entendu l’avocate du cinéaste parler d’un comportement « accidentel ». Car elle dit avoir elle-même constaté un comportement « problématique avec les femmes » du cinéaste dans ce club qu’elle a fréquenté assidûment entre 2011 et 2014.

Plusieurs fois, Nicolas Bedos serait venu l’aborder. Lors d’une soirée, il aurait « davantage insisté ». « Il s’est assis à côté de moi, il était ivre mort, il a commencé à me parler et s’est rapidement énervé car j’étais totalement laconique et désintéressée, affirme-t-elle. Il me disait : “Tu sais pas qui je suis ? Mon père, c’est Guy Bedos.” » Ça m’a marquée car c’était vraiment ridicule. »

Elle assure avoir « coupé court » et être « partie sur la piste de danse », mais, selon son récit, il l’aurait suivie, se serait « agenouillé sur le sol devant [elle] », aurait « soulevé [sa] jambe en tenant [son] pied » et lui aurait « léché le pied » – elle portait des talons ouverts. « Ça m’a choquée et dégoutée à l’époque. Je l’ai repoussé et je suis partie. »

Ce qui n’aurait pas empêché Nicolas Bedos de l’aborder à nouveau lors d’une autre soirée, assure-t-elle. Alors qu’elle quittait le club avec des amies vers 6 heures du matin, il se serait « incrusté dans le groupe », en lançant : « Venez, on prend une chambre d’hôtel ensemble et on s’amuse. » Elle dit l’avoir « ignoré ». Sa meilleure amie Claire confirme à Mediapart ses confidences, faites lors d’un de leurs « débriefs de soirée le lendemain ».

Les faits que Julie dénonce « ne sont pas aussi graves qu’une agression sexuelle », insiste-t-elle, mais ils en diraient, selon elle, « long sur la personne, qui semble avoir un souci avec les femmes, et depuis longtemps ».

Questionné par Mediapart sur ces récits, Nicolas Bedos n’a pas souhaité faire de commentaire.

Lorsqu’elles ont découvert dans la presse la plainte pour « agression sexuelle », ces quatre femmes n’ont pas été « étonnées », nous ont-elles dit d’emblée, mais au contraire « surprises » qu’il soit « jusqu’à présent passé entre les mailles du filet », insiste Marion. « Je me suis toujours dit qu’il y aurait des choses sur lui, quand j’ai vu l’article, je me suis dit “enfin !” », raconte Julie.

Un autre mot revient dans la bouche des femmes et témoins interviewés : un sentiment d’« impunité ». Toutes estiment que le cinéaste césarisé, issu d’un « milieu privilégié » – il est né à Neuilly-sur-Seine, est le fils du célèbre humoriste Guy Bedos et a côtoyé des personnalités du show-biz dès son enfance –, a profité de sa position de pouvoir. « Je supporte mal l’idée qu’il continue d’user de ses méthodes avec toute l’impunité des gens dits connus », a déclaré Chloé dans sa lettre à la procureure de la République.

De son côté, le réalisateur a souvent mis ses excès sur le compte de ses « problèmes avec l’alcool », qui l’ont poussé, a-t-il dit dans de nombreuses interviews, à en faire « des caisses la nuit » au Baron, à faire « des trucs qui n’étaient pas [lui], c’était le goret, l’animal » : « insult[er] un mec que je trouvais très sympa » ; dire « “grosse pute” à une amie », ou encore avoir, « à 3 heures du matin, des comportements lourdingues », a-t-il énuméré au magazine Vogue en 2019.

C’est aussi la ligne de défense qu’il a adoptée face à la plainte pour « agression sexuelle » déposée en juin – dans laquelle il bénéficie de la présomption d’innocence. Dans les dossiers judiciaires, l’état d’ébriété n’est en tout cas pas une circonstance atténuante, mais aggravante.
Taxé de sexisme et de misogynie

Durant notre enquête, plusieurs personnes nous ont assuré que Nicolas Bedos aurait la réputation, au sein du monde du cinéma, d’avoir un « comportement problématique » à l’égard des femmes.

Le réalisateur est aussi connu pour ses réactions agressives lorsqu’un propos lui déplaît. Plusieurs internautes ont publié des messages privés virulents ou insultants reçus de ses comptes sur les réseaux sociaux après avoir émis un avis sur lui ou sur ses films. Mediapart a aussi eu connaissance de messages véhéments adressés à des journalistes dont les articles lui avaient déplu.

En 2011, il avait menacé par SMS un journaliste de Technikart après la couverture que lui avait consacrée le magazine : « Ça fait longtemps que j’ai décidé de gifler ta petite trogne d’aigri, ça va te faire réfléchir avant de prendre ta plume comme tu chies. » Questionné sur ce message par le magazine, il avait reconnu être « ce type qui écrit des textos comme ça potentiellement », mais avait justifié : « Je ne comprends pas pourquoi certains auraient le droit d’écrire des choses fausses, injustes, dégueulasses pour satisfaire leur bile et pourquoi il faudrait fermer sa gueule et accepter la claque. »

Dans les articles, interviews, vidéos concernant le cinéaste, les exemples de propos virulents à l’égard de femmes en particulier ne manquent pas. En 2011, dans l’émission littéraire « Au Field de la nuit » sur TF1, Nicolas Bedos s’en prend à Mathilde Warnier, une étudiante qui critique son livre. « Tu vas pas me faire chier avec tes questions de merde, tu vas prendre ton micro, tu vas te le mettre dans le cul et tu fous le camp. [C’est ta façon] de la ramener, parce que t’as envie de faire de la télé, comme toutes les putes », lui répond-il.

La même année, il raille, dans une chronique acerbe, publiée dans Marianne, « les huit années qu’il a fallu » à l’écrivaine Tristane Banon « pour porter plainte » contre Dominique Strauss-Kahn pour « tentative de viol », la qualifiant de « retardataire lacrymale » et de « romancière convalescente moins bonne que Torreton dans le rôle de la victime ». Puis sur RMC, moquant à nouveau sa plainte tardive, il déclare : « À un moment donné, si elle se déshabille aussi lentement, c’est une incitation au viol. »

En juin 2017, une allusion à son comportement figurait dans une chanson d'une humoriste diffusée sur France inter, et dédiée à son ex-compagnon qui l’avait quittée : « Ça aurait pu être bien pire / Oui c’est vrai que j’aurais pu tomber sur Nicolas Bedos ou [nom d’un célèbre chanteur – ndlr]. »
Porte-voix des critiques de #MeToo

Ces dernières années, le réalisateur est devenu un porte-voix de ceux qui critiquent ardemment #MeToo. Tout en assurant que « les bienfaits de la libération de la parole sont incontestables », le cinéaste voit dans ce mouvement un « système nauséabond », une « curée moyenâgeuse », où une « meute » réclame chaque jour « son lot d’accusations », « puis hop, les médias improvisent un procès expéditif et, dans la foulée, c’est la mise au pilori ».

Du mot-dièse #MeToo découleraient selon lui « des dérapages liberticides, le côté délation, le lynchage, l’absence totale de nuance chez certains, la confusion entre la drague et l’agression, la passion et le harcèlement », un « retour en arrière sur d’autres combats comme la présomption d’innocence, le droit à l’oubli ».

C’est un virage sociétal global que critique Nicolas Bedos, qui se revendique « de l’ancien monde ». « On est dans une époque bizarre. On ne peut plus rouler vite, voir tel truc, on a des restaurants qui sont quasiment des sectes où il faut manger des radis », expliquait-il en 2019 dans Technikart.

Sur France Inter, exprimant encore sa nostalgie d’« une époque beaucoup plus transgressive », il avait déclaré : « Parce que le monde dans lequel on vit là, où un cinéaste-producteur va s’excuser de ses infidélités sur une chaîne d’info, il n’est pas particulièrement cool. » L’allusion concernait Luc Besson, qui venait de se défendre sur BFMTV des accusations de « violences sexuelles » le visant en plaidant la relation extraconjugale (il a, depuis, bénéficié d’un non-lieu).
Illustration 4
Bertrand Blier, Jean Dujardin, Roman Polanski et Nicolas Bedos arrivant à l'avant-première du film « Le Daim », le 18 juin 2019. Photo postée sur le compte Instagram de Jean Dujardin, avec la légende « Hier soir avec les patrons ! ».

En juin 2019, certains ont vu un bras d’honneur à #MeToo dans l’arrivée à une avant-première de Nicolas Bedos au bras de Roman Polanski – accusé par six adolescentes de viol ou d’agression sexuelle au fil des années, et condamné en 1977 pour une relation sexuelle avec une fillette de 13 ans.

Questionné lors de l’attribution du César de la meilleure réalisation à Roman Polanski, en 2020, il avait répondu que c’était « aux femmes de parler » : « Je tais ma voix de mâle blanc dominant, comme on dit de façon discutable. Ce serait malvenu et sans doute illégitime maintenant. Après, je pense qu’il y aura beaucoup à dire sur tout cela… » (voir la vidéo de sa réaction intégrale).

Quelques années plus tôt, en 2011, Nicolas Bedos avait dit sa « peur » face à la tournure prise, selon lui, par les affaires Bertrand Cantat (condamné pour le meurtre de sa compagne Marie Trintignant) et Dominique Strauss-Kahn (DSK, accusé de « viol » et de « tentative de viol » par deux femmes sans être poursuivi, dans un cas en raison de la prescription), qui seraient devenues « presque le procès de la passion, de l’excès, de la folie amoureuse », « de l’infidélité ». « Que [Dominique Strauss-Kahn] soit allé dans des chambres d’hôtel, qu’il ait fait n’importe quoi, c’est pas notre histoire, ça ne nous regarde pas ! » Voici l’extrait complet :

Ces sorties dans les médias ou sur les réseaux sociaux, mais aussi certains de ses films (ici, là ou encore là), lui valent d’être régulièrement taxé de sexisme et de misogynie. « À tort », selon lui. « Ça m’excite que certaines femmes me voient comme misogyne, tout en espérant que d’autres auront compris à quel point c’est faux », expliquait-il au magazine Elle en 2013.

Au fil des interviews ces dernières années, le réalisateur a reconnu « des outrances » et un comportement parfois « méchant » (émission « Thé ou café », 2017), des « tendances à la domination » et des « réflexes un peu castrateurs » (Madame Figaro, 2020), mais aussi une introspection post-#MeToo : « Cette affaire #MeToo a été l’occasion pour moi comme pour des amis de nous interroger sur certaines de nos remarques, sur le curseur » (Vogue, 2019).

Au magazine féminin américain, il a déclaré avoir « senti que [lui], avec [son] image de séducteur, de pseudo-bellâtre, [il] étai[t] dans le collimateur de certaines femmes ». Tout en dénonçant, là encore, une confusion : « Le donjuanisme et l’agression sexuelle sont des choses différentes. Et on a même le droit d’être un connard, comme d’être une connasse. » En février 2024, c’est en tout cas d’une plainte pour « agression sexuelle » que devra se défendre Nicolas Bedos devant le tribunal correctionnel de Paris.


Et le deuxième :

Film « Le Retour » de Catherine Corsini : une enquête préliminaire est ouverte

Selon nos informations, le parquet de Paris a ouvert une enquête après une plainte pour « agression sexuelle ». Un rapport officiel confirme plusieurs faits problématiques qui auraient eu lieu sur le tournage du film, sorti le 12 juillet. Y compris des agissements de la réalisatrice Catherine Corsini « susceptibles de relever de la définition du harcèlement ».

Valentine Oberti et Christelle Murhula

27 juillet 2023 à 13h15

Quatre adolescentes sur une plage de Corse, en short et maillot de bain, au soleil couchant. Leurs sourires disent l’insouciance et la légèreté de l’été. Rien dans l’affiche du film Le Retour, de Catherine Corsini, en salles depuis le 12 juillet, ne permet de deviner les difficultés qui ont émaillé le tournage. Depuis plusieurs mois, la réalisatrice marquée à gauche affronte une polémique après les révélations, faites par Le Parisien et Libération, de violences verbales, d’une plainte pour « agression sexuelle » à l’égard d’un coach présent sur le tournage et d’une scène de sexe simulée impliquant une actrice mineure, non déclarée à la commission des enfants du spectacle.

Contacté par Mediapart, le parquet de Paris confirme avoir ouvert une enquête préliminaire après une plainte pour « agression sexuelle » et saisi la brigade des mineurs. Par ailleurs, il indique à Mediapart avoir ouvert, après un signalement du Centre national du cinéma (CNC), « une procédure [...] pour faire préciser les éléments portés à la connaissance de la justice, dénonçant un contexte sexualisé lors d’un tournage avec des acteurs adolescents, ainsi que la compétence éventuelle du parquet de Paris pour poursuivre les investigations ».
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La réalisatrice Catherine Corsini et la productrice Élisabeth Perez au Festival de Cannes 2023. © Loïc Venance / AFP

Mediapart retrace l’histoire de ce tournage et révèle de nouveaux témoignages et documents, notamment émanant du CCHSCT Cinéma (Comité central d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail de la production cinématographique), une instance officielle gérée conjointement par les syndicats et les organisations patronales du secteur, qui veille à la prévention des risques professionnels dans le cinéma.

Ces éléments confirment plusieurs signalements pour « agression sexuelle », mais aussi la mauvaise ambiance de travail sur le tournage du Retour, avec des « colères », des « emportements » et des « cris » de la part de Catherine Corsini. L’inspection du travail s’est déplacée sur le tournage.

La réalisatrice et la productrice, elles, se défendent. Le face-à-face illustre en partie un conflit de générations et un désaccord profond sur l’industrie du cinéma.
Deux alertes pour « agression sexuelle »

À l’automne dernier, le tournage du Retour est encore en cours lorsque le CCHSCT décide de déclencher une enquête, en raison de « plusieurs remontées d’informations faisant état de situations de travail susceptibles d’avoir un effet sur l’état de santé des salariés ». Mediapart a pu consulter le compte rendu d’une réunion présentant les conclusions du rapport.

Ce document pointe d’abord deux signalements décrivant des faits pouvant être considérés comme des violences sexuelles. Le premier concerne une actrice mineure, E*, âgée de 15 ans au moment du tournage, lors d’une scène nocturne. « Une jeune actrice de moins de 16 ans se plaint que le cascadeur en charge d’organiser l’action lui ait mis les mains sur le bas de son dos, à plusieurs reprises, et une fois la main sur sa fesse », peut-on lire dans le compte rendu du CCHSCT.

L’autre cas est antérieur au tournage et remonte à juillet 2022. À cette époque, c’est une aspirante actrice, Marion*, qui est choisie pour tenir le rôle de Jessica, personnage principal. Elle effectue une semaine de préparation durant le mois d’août. Lors d’une répétition, le coach jeu l’aurait agressée sexuellement. Elle confie à Mediapart : « Sans prévenir, il m’a prise par les hanches, a collé son corps au mien, notamment son sexe, à mes hanches et mon sexe. Il a fait des mouvements de va-et-vient et s’est frotté contre moi, tout en me poussant et en m’attrapant les bras. Il a fini par me lâcher en riant. » Selon des échanges de messages vocaux que nous avons pu écouter, une actrice, témoin de la scène, décrit ce geste comme celui d’un « frotteur du métro ».

Dans les deux cas, les mis en cause nient les faits. Contactés par Mediapart, ils n’ont pas donné suite. Dans le cas d’E*, la scène en question montre son personnage poursuivi par plusieurs jeunes hommes dans les rues de Calvi. Le CCHSCT n’a pas directement auditionné le cascadeur, mais note que le compte rendu d’entretien (mené par la production) fait état « d’une prise de conscience ».

La production, elle, a à chaque fois procédé à une enquête interne et conclu à la non-nécessité de prendre des sanctions. Pour le cascadeur, les « sept » témoins interrogés « n’ont pas vu de geste déplacé ou délictueux », précise la productrice Élisabeth Perez à Mediapart (voir ses réponses complètes, ainsi que celles de Catherine Corsini, dans les annexes de cet article).

« Je n’ai plus mis en présence E* et le cascadeur, comme le veut la procédure », précise-t-elle. Au CCHSCT, la productrice et la directrice de production affirment que « les gestes avaient pu être interprétés comme déplacés » par l’actrice alors qu’ils « n’étaient pas intentionnellement inappropriés mais liés à l’exercice de sa pratique dans la scène ».

Même approche pour Marion : l’enquête interne de la production a conclu, d’après le rapport, que « ce geste était peut-être maladroit ; il pouvait prêter à confusion et il aurait pu être mieux expliqué avant d’être effectué ; mais ce geste était strictement lié à un exercice de jeu pour montrer un pas de danse sans aucune intention d’agresser ».
Plainte déposée

Mais Marion n’en est pas restée là. Car après cet épisode, la jeune comédienne estime que son quotidien lors du pré-tournage change du tout au tout. « Catherine [Corsini] a commencé à m’engueuler à cause de mon jeu. Tout ce que je faisais était mal. » Quelques jours plus tard, la cinéaste la convoque dans les bureaux de Chaz Productions, en présence d’Élisabeth Perez. Elle met fin à leur collaboration, avec effet immédiat.

Selon l’aspirante actrice, son limogeage est dû à la dénonciation du coach. D’après la réalisatrice, Marion avait un problème de jeu : « J’ai senti un blocage sur les émotions. […] Nous manquions de temps pour la faire progresser », explique-t-elle. Elle dément catégoriquement toute autre motivation : « Je n’aurais pas sacrifié une actrice à laquelle je tenais pour garder un coach. »

L’équipe de Chaz Productions tente alors de faire signer à Marion un protocole d’accord, dans lequel 2 500 euros de dommages-intérêts lui sont proposés « pour la dédommager des répétitions et du préjudice moral de ne pas l’engager ». « Un usage dans la profession », quand aucun contrat n’a encore été établi, précise la production.

En échange, l’aspirante actrice s’engage à ne « rédiger aucune attestation ou témoignage visant à être produit en justice contre la société ou un ou une de ses associés », à « n’avoir aucun propos visant à dénigrer le film et à divulguer des informations sur sa préparation » ou encore à « n’avoir aucun propos diffamatoire concernant la personne de Catherine Corsini, notamment sur les réseaux sociaux ».

Marion n’a jamais signé ce document. Le 3 octobre 2022, elle a déposé une plainte pour « agression sexuelle » au parquet de Paris, lequel a ouvert une enquête préliminaire. Le dossier de Marion a été confié à la brigade de protection des mineurs, bien que la jeune femme ait été majeure au moment des faits.
« Une erreur administrative »

Une scène de masturbation simulée, avec E*, 15 ans, et l’acteur Harold Orsini, inquiète aussi les partenaires du film. Toute scène jouée par un·e mineur·e doit être déclarée à la commission des enfants du spectacle. Or cette scène ne figure pas dans le scénario transmis avant le tournage, à l’été 2022.

D’après nos informations, au même moment, deux scénarios circulaient : l’un avec la scène de masturbation, l’autre, transmis à la commission des enfants du spectacle, sans. Ce que confirme le CNC à Mediapart : « Quand nous avons accordé l’avance sur recettes au mois de juillet [2022], la scène de masturbation figurait dans le scénario. Elle y était donc avant présentation du dossier à la commission. » D’après le CNC, la production « n’a pas nié ». « Selon elle, les intentions artistiques ont varié. »
Illustration 2
L'équipe du film « Le Retour » monte les marches au Festival de Cannes 2023. © Valéry Hache / AFP

La réalisatrice Catherine Corsini explique à Mediapart que la version jouée a été décidée en fin de tournage, « face à l’intelligence de jeu des deux jeunes acteurs ». « Je n’ai pas écrit la scène, je la leur ai expliquée oralement. [...] J’ai dit qu’il n’y aurait aucun contact inapproprié entre eux, et qu’ils seraient essentiellement filmés sur les visages », détaille-t-elle. Le jeune garçon portait une coque de protection. Une doublure main avait été prévue pour les scènes dans lesquelles on voit la main sur l’entrejambe.

Mais aux yeux du CNC, l’infraction est caractérisée : en novembre 2022, il décide de supprimer l’avance sur recettes du long métrage (680 000 euros), comme l’a révélé Libération. Une sanction « hallucinante », selon Élisabeth Perez, qui conteste avoir intentionnellement omis de déclarer la scène. Depuis, le CNC a accepté de diviser l’amende par deux, la ramenant à 330 000 euros.
« Ambiance horrible », « chaotique »

L’autre problème que pointe le CCHSCT concerne l’ambiance de travail sur le tournage du Retour. Le délégué du comité pointe des « comportements inappropriés (colères, emportements, cris [...] proférés par la réalisatrice) ». Il dit en avoir « constaté la réalité auprès de tous les salariés entendus » – quinze en tout, dont la productrice et la réalisatrice. Selon lui, les agissements de Catherine Corsini sont « susceptibles de relever de la définition du harcèlement ; ils sont répétés, dégradent les conditions de travail, sont déstabilisants et susceptibles de compromettre l’avenir professionnel ».

« Lorsque j’ai appris à une consœur que j’allais travailler sur le prochain film de Catherine Corsini, elle m’a dit : “Attention, tu vas travailler avec un tyran” », confie un technicien à Mediapart, sous couvert d’anonymat, par peur de représailles ou d’un « blacklistage » dans un milieu précaire où la parole peut coûter cher. Comme lui, la dizaine de personnes interrogées décrit un tournage particulièrement difficile, en Corse, de septembre à novembre 2022, avec une « ambiance horrible », « chaotique », ou encore « toxique ». « Je me rendais sur le tournage avec la boule au ventre, en me disant que cette fois-ci cela pouvait être mon tour », confie Léa*, une autre technicienne, à Mediapart.

Devant le CCHSCT, Catherine Corsini et Élisabeth Perez ont assumé « la pression inhérente à la fabrication d’un film d’auteur et [le] caractère de la réalisatrice ». « Pour la réalisatrice, il s’agit d’une stratégie destinée à obtenir, de la part des acteurs, le résultat souhaité. Consciente de l’impact de ses emportements, elle s’en excuse régulièrement auprès des personnes visées. Une partie des personnes entendues reconnaît qu’il n’y a pas d’intention humiliante ou malveillante. Les collaborateurs les plus expérimentés disent poser des limites, voire développer une certaine connivence avec l’intéressée », peut-on lire dans le compte rendu.

Jointe par Mediapart, Catherine Corsini esquisse un mea culpa : « Je suis vive, intense, et parfois je m’emporte. Un tournage, c’est une pression de tous les instants. Je suis tout à fait prête à me remettre en question, dans la mesure où la manière de travailler émotionnelle qui est la mienne peut heurter certaines personnes. » Puis elle fait marche arrière : « La plupart des collaborateurs du film travaillent avec moi depuis plusieurs films. Croyez-vous sincèrement qu’ils m’accompagneraient si j’étais un tyran ? »

Sa productrice Élisabeth Perez montre quant à elle les quatorze messages de soutien de membres de l’équipe, des acteurs à la directrice de casting, en passant par la cheffe coiffeuse et la scripte. Ces témoignages parlent d’une réalisatrice « généreuse », d’un climat de « confiance réciproque », de « bienveillance ».
Des départs en série

Selon des informations recueillies par Mediapart, la réalisatrice aurait eu plusieurs gestes brutaux à l’égard de membres de l’équipe du film. La seconde assistante réalisatrice aurait été la cible de nombreuses « soufflantes », selon plusieurs témoins. Durant la deuxième semaine de tournage, Catherine Corsini aurait « crié » sur cette même assistante en public, en « disant qu’elle était une merde, qu’elle ne servait à rien, et qu’il ne fallait plus rien lui confier », d’après Claude*, témoin de la scène.

Selon plusieurs autres témoins, la technicienne a quitté le plateau en pleurs. Le lendemain, Catherine Corsini l’appelle afin de lui présenter ses excuses. Mais elle démissionne la semaine suivante. « Il me semble qu’elle vivait mal ce tournage pour une raison intime et personnelle. Nous avons subi cette situation et il a fallu lui trouver une remplaçante en 24 heures », justifie de son côté Élisabeth Perez.

Ce départ est le premier d’une série. Quelques semaines avant la fin du tournage, un responsable de casting, chargé de repérer des figurant·es, a lui aussi claqué la porte. En cause : une séquence tournée sur la plage qui ne convient pas à Catherine Corsini. « Elle hurlait, répétait qu’on était nuls, qu’elle ne savait pas ce que l’on foutait là », se souvient Gabriel*, figurant sur place.

Le directeur de casting aurait à ce moment déjà été « exclu du plateau par la directrice de production, à cause des excès de colère de Catherine Corsini », rapporte Christian*, témoin de la scène. Le directeur de casting finit par démissionner quelques jours plus tard et, d’après nos informations, a été arrêté par un médecin pour épuisement professionnel.

Une troisième technicienne a quitté le tournage avant sa fin, après une dispute avec la cheffe opératrice, mais la production assure que son départ est sans lien avec cette querelle. L’inspection du travail de Corse est avertie et se rend sur le tournage, notamment après un accident de voiture impliquant des figurants. Contactée, l’inspection du travail n’a pas retourné nos appels. D’après la productrice, « aucune irrégularité ou infraction au Code du travail » n’a été détectée.
Un conflit entre générations ?

Des techniciens décrivent les conflits présents sur le tournage comme un conflit entre générations. D’un côté, une jeunesse soucieuse du respect du droit du travail. De l’autre, une génération plus âgée, avec des postes plus importants, pour laquelle l’art est la priorité, quel qu’en soit le prix.

Le 2 novembre 2022, à l’issue du tournage, Catherine Corsini le disait elle-même dans les colonnes de Corse-Matin : « Je trouve que la nouvelle génération n’a plus la même énergie, la même envie que les “anciens” avec qui j’ai l’habitude de travailler. [...] Et puis je trouve que les jeunes ne sont plus assez “punk” [rires] mais plutôt à cheval sur des principes ou des horaires. Quand on choisit de travailler sur un film d’auteur, c’est un luxe et surtout un combat. On doit y croire et ne rien lâcher ! »

Il y a certainement autant de films que de façon de les faire, pour autant il y a des façons qui n’ont pas leur place sur un lieu de travail.

Extrait d’un texte lu par une partie de l’équipe devant la réalisatrice et la productrice

Cette différence d’approche s’est invitée à la cantine du tournage. Deux semaines avant sa fin, alors que l’ensemble de l’équipe est présente, dix-huit membres se décident à lire un texte durant la pause déjeuner, devant Élisabeth Perez et Catherine Corsini. Parmi eux, des techniciens, mais aussi les actrices Lomane de Dietrich et Suzy Bemba. Dans ce texte auquel Mediapart a eu accès, ils et elles évoquent « un climat présentant de nombreuses violences verbales, souvent non soulignées et face auxquelles [ils et elles ne sont] pas tous et toutes en mesure de répondre ».

« Il y a certainement autant de films que de façon de les faire, pour autant il y a des façons qui n’ont pas leur place sur un lieu de travail. C’est pourquoi les sentiments qui nous habitent aujourd’hui sont partagés entre la gêne, la déception et la tristesse quant à tous ces événements », dit le texte.

De cette scène, la réalisatrice et la productrice ressortent « sidérées », prises de « totale incompréhension et de vertige », décrivent-elles à Mediapart. Catherine Corsini et Élisabeth Perez accusent alors les auteurs et autrices du texte de vouloir « tuer le film », selon plusieurs témoins. « Catherine Corsini disait à Suzy et Lomane qu’elles l’avaient trahie, et qu’elle n’avait plus aucun désir de les filmer », rapporte Claude.

Selon nos informations, Lomane de Dietrich a vu ses dernières scènes supprimées. Suzy Bemba également, à l’exception d’une, tournée à Paris quelques semaines plus tard, indispensable à la narration du long métrage. Mais promis, là non plus, ce n’est pas une sanction, assure Catherine Corsini : « J’étais complètement cassée, Élisabeth Perez aussi. J’ai décidé de ne pas faire d’heures supplémentaires et d’alléger le tournage au maximum pour tenir jusqu’à la fin. »
« Persécutées et harcelées »

Depuis, la réalisatrice et sa productrice confient être sous traitement, se sentent « persécutées et harcelées », pointent des « rumeurs » qui circuleraient dans le milieu. Un mail anonyme consulté par Mediapart a bien été envoyé à des festivals et instances régionales. « Nous réfléchissons toujours à porter plainte. L’acharnement de certains est sans limites », dénonce la productrice.

La réalisatrice, qui n’a jamais caché son engagement féministe, estimait aussi auprès du journal Le Monde que les faits reprochés relèvent d’un « fond de misogynie ». Une défense que déplore Valérie Lépine-Karnik, présidente du CCHSCT : « Je réponds sur le terrain du respect de la loi, des conditions de travail et en particulier de la protection des acteurs et actrices mineurs. » Elle se félicite que l’enquête du comité ait pu avoir lieu : « C’est la première fois qu’une investigation de ce type est menée par le CCHSCT. »

Dans les mois qui ont suivi le tournage, beaucoup de membres de l’équipe ont hésité ou refusé de témoigner auprès de Mediapart. D’abord à cause de la notoriété de la réalisatrice, dont le travail et l’engagement féministe ont été maintes fois salués, au sein d’un cinéma français encore largement masculin.

« Les gens ont peur », selon Sophie Lainé-Diodovic, directrice de casting et membre du Collectif 50/50, qui a été alerté dès le mois d’octobre de nombreux incidents ayant existé sur le tournage du Retour. « Aujourd’hui, les techniciens et acteurs ne veulent plus être témoins ni victimes d’agissements désagréables. Mais le rapport de force dans le cinéma français est tel que tout est conditionné par la peur, notamment de la plainte pour diffamation ou du blacklistage. Donc le système reste tel qu’il est », affirme-t-elle.

Elle en veut pour preuve ce qui s’est passé au Festival de Cannes cette année. Le Retour a failli n’être pas sélectionné, avant d’être repêché in extremis par le délégué général Thierry Frémaux. « Pile dix ans après la polémique autour des conditions de tournage de La Vie d’Adèle [d’Abdellatif Kechiche], rien n’a changé, déplore Sophie Lainé-Diodovic. Au Festival de Cannes, les violences, qu’elles soient sexuelles ou morales, sont des sujets très minoritaires, les dominants sont encore très majoritaires. On a le droit d’être une femme si on se comporte comme un homme. »

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 Sujet du message: Re: Devin Faraci
MessagePosté: 27 Juil 2023, 14:55 
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Quelle aubaine pour les journalistes ce nouveau marronnier, quand même.


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 Sujet du message: Re: Devin Faraci
MessagePosté: 27 Juil 2023, 15:06 
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Qualifier de marronnier des articles sur des faits graves, ça en dit long sur le monde...

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