Forum de FilmDeCulte

Schlikov est employé chauffeur de taxi à Moscou, homme simple attaché aux valeurs du travail manuel, tandis que Liocha est un artiste saxophoniste qui « parle avec Dieu », vit en débauché et méprise le travail manuel. Deux mondes que tout oppose et qui, habituellement, s'ignorent.

Premier Lounguine que je vois, ce cinéaste étant inexplicablement resté à mes yeux comme un académique sous-sous-sous-tous les autres cinéastes russes connus. Sans doute la réception tiède d'un de ses films à l'époque (Luna Park ?), sur laquelle j'étais resté... Bref, c'est très vivant, ça bouge dans tous les sens, j'adore cette façon de ne rien s'empêcher, ne rien s'interdir, par exemple un plan en plongé dans une chambre qui ne sert pas à grand chose, qui dure 2 secondes, et qui a dû rallonger le tournage d'une demi-journée. Les collisions multiples de ces deux mondes, l'ancien et le nouveau, sont touchantes, ces deux personnages déracinés, en perdition, se tournant autour comme des fauves en cage, pointant vers une fin amère. C'est un peu long, par moments, c'est pas d'une folle profondeur non plus, mais jamais vraiment ennuyeux. Il faut que je vois ce Luna Park, du coup. Et Un nouveau russe.
4/6

_________________
Que lire cet hiver ?
Bien sûr, nous eûmes des orages, 168 pages, 14.00€ (Commander)
La Vie brève de Jan Palach, 192 pages, 16.50€ (Commander)

Les archétypes et les interactions décrites dans le film constituent un genre en soi : la confrontation du type blue collar et de l'artiste bohème. On pense à Joe de John Avildsen, Un Monde sans pitié, Les Apprentis, etc. Le saxophone rappelle Extérieur nuit et Marche à l'ombre, la manière dont la musique est filmée est meilleure, pas du tout décorative en revanche.
Le contexte est particulier : la fin de la perestroika, des appartements, des dépôts, locaux ou paysages en tout genre délabrés, l'alcool coule à flots dans une succession de scènes de beuverie versant abondamment dans les clichés sur les us et coutumes d'une part de la population russe. On pense à du German survitaminé pour la manière dont la caméra se faufile un peu partout (variété des angles qu'évoque Cosmo) à travers une série de tableaux hystérico-apocalyptiques. La relation un peu sado-masochiste entre les deux protagonistes, traitée sur le ton de la comédie, n'est pas dénué d'intérêt dans la manière dont elle suggère une forme d'interchangeabilité entre les deux, une propension à l'excès mais tout ce qui est excessif est insignifiant n'est-ce pas ? Pas mal quand même.

(Le saxophoniste Hal Singer joue son propre rôle. Comme le rapporte un internaute sur imdb, il est l'un des survivants d'un pogrom anti-noir ayant eu lieu à Tulsa en 1921, décédé il y a deux ans en France, à Chatou).