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MessagePosté: 28 Nov 2022, 16:11 
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Dans un village iranien proche de la frontière, un metteur en scène est témoin d’une histoire d’amour tandis qu’il en filme une autre. La tradition et la politique auront-elles raison des deux ?

Dernier Panahi pour les 6 prochaines années, à moins qu'il ne trouve un magnifique subterfuge pour tourner dans la Prison d'Evin ou qu'il ait droit à une remise de peine. On reste dans la lignée des précédents Taxi Téhéran et Trois Visages, entre tournage clandestin et auto-fiction, ou dans le parallèle entre traditions séculaires obscurantistes et contemporanéité d'un régime castrateur. On retrouve épisodiquement ce ton à la fois tendre et corrosif sur ses compatriotes (son hôte et sa famille en particulier), mais on voit aussi un Panahi plus touché que par le passé par sa condition de réalisateur interdit de filmé. Comme si après tant d'années il s'était lassé du jeu du chah et de la souris qu'il entretient avec les autorités iraniennes. Ou comme s'il était profondément désabusé. S'ensuit une gravité supplémentaire où Panahi a parfois la main un peu lourde (je ne suis pas particulièrement convaincu par le tournage en Turquie, encore moins par sa conclusion), mais comme les précédents son film reste un passionnant matériau théorique sur le sens des images, l'intrication du réel dans la fiction (ou l'inverse) et de la responsabilité du metteur en scène. La scène finale, prémonitoire, laisse la gorge nouée.


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MessagePosté: 28 Nov 2022, 16:24 
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Antichrist
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J'ai beaucoup moins aimé que les précédents, mais c'est impossible de le juger... Et oui la fin fait mal. Tu avais vu le dernier Rasoulof ?


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MessagePosté: 28 Nov 2022, 16:29 
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Karloff a écrit:
J'ai beaucoup moins aimé que les précédents, mais c'est impossible de le juger... Et oui la fin fait mal. Tu avais vu le dernier Rasoulof ?

Le diable n'existe pas ? Pour le coup je trouve que Rasoulof (dans celui-ci ou le précédent) à la main TRÈS lourde, c'est pas trop ma came.


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MessagePosté: 28 Nov 2022, 16:29 
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Robot in Disguise
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Il a récupéré les rushes et il a fait le final cut du premier coup ?

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Liam Engle: réalisateur et scénariste
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MessagePosté: 28 Nov 2022, 16:31 
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Qui-Gon Jinn a écrit:
Il a récupéré les rushes et il a fait le final cut du premier coup ?

J'imagine qu'il a terminé le film avant d'être envoyé à Evin, mais je ne me suis pas penché sur la question.


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MessagePosté: 28 Nov 2022, 16:38 
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Tu n'as pas saisi la blague.

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MessagePosté: 28 Nov 2022, 16:40 
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Film Freak a écrit:
Tu n'as pas saisi la blague.

:|


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MessagePosté: 28 Nov 2022, 16:49 
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Lohmann a écrit:
:|

Qu'avais-tu voté ?


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MessagePosté: 28 Nov 2022, 17:05 
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Déjà-vu a écrit:
Lohmann a écrit:
:|

Qu'avais-tu voté ?

Non mais là je n’ai même pas la blague.


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MessagePosté: 28 Nov 2022, 17:06 
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Au sondage des jeux de maux


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MessagePosté: 28 Nov 2022, 17:12 
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Déjà-vu a écrit:
Au sondage des jeux de maux

Tu sais très bien que je suis de ton côté.


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MessagePosté: 28 Nov 2022, 17:13 
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MessagePosté: 29 Nov 2022, 11:20 
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Une petite remarque en préambule : quel pays paradoxal que l'Iran. Depuis sa condamnation à 6 ans de prison et 20 ans d'interdiction de filmer en 2010, Jafar Pahahi a réalisé cinq films, avant de se faire vraiment arrêter et conduire en prison en juillet dernier, après des années d'assignation à résidence et de liberté surveillée.

Dès les premières images, avec cette sortie hors de Turquie et de l'écran du Mac jusqu'à un petit village frontalier iranien, de la fiction à la réalité, j'apprécie la matière du film et la manière dont Pahani la malaxe, son petit appartement spartiate aux deux portes donnant d'une part sur un autre escalier et de l'autre sur une terrasse dominant le village, cette espèce de trépidation qui règne, rythmé par la captation des images et la couleur des tenues. Ce début culmine et se termine par une scène nocturne de toute beauté à la frontière irano-turque où le personnage de Pahani choisit de faire marche arrière.
Puis très vite arrive la situation, à mi-chemin entre la situation à la Une Séparation, une scène originelle qui met en branle toute une série de conséquences, et la situation à la Blow Up, où il est question d'une image manquante. En parallèle, on assiste au tournage d'une fiction, qui se confond avec la réalité, sur des iraniens bloqués en Turquie désirant fuir en Europe et en France. Les acteurs de cette fiction jouent leur propre rôle, celui d'Iraniens ayant fui en attente de faux passeports. Le reste du film est filmé encore avec une grande intelligence, un sens consommé de l'espace mais que raconte le film finalement ?
Ne met-il pas en scène une énième fois le fossé qui s'est creusé entre le citadin et les villageois et leurs traditions archaïques ? Ce film, que l'on connaît, donne lieu à un discours poignant qui illustre un mécanisme connu, ce sont ceux qui s'estiment lésés par l'arbitraire desdites traditions qui sont à la fois le plus en colère et finalement les plus protecteurs vis-à-vis d'elles.
Mais il y a comme quelque chose qui manque de ce qui ne serait que juste un film sur ça. On sent le constat simple et facile. Le sentiment du personnage de Pahani, qui choisit de ne pas fuir, et dont le fils répétait à l'identique l'esprit dans une interview donnée au New York Times que j'avais citée ici-même en mai dernier :


Citation:
Like the young man in “Hit the Road,” have you considered leaving Iran?

This is the general situation of all Iranians, and especially Iranian youth. We are stuck in complete despair. No matter how hard you try to be positive and go on fighting, we feel completely trapped. The only possible option is this dream, sometimes reality, of fleeing. Many of my friends have come to this conclusion. I have considered it, of course. The problem is that since cinema is my passion and only way of expression, I cannot make films elsewhere. I can only make films about people that I know intimately, people whose relationships I know.


Encore une fois, on parle d'un pays où tous les gens éduqués, modernes, surtout les femmes veulent se barrer et où les expatriés s'interdisent de rentrer soit parce qu'ils sont gays, parce qu'ils ont pas envie de payer un bakchich pour éviter le service militaire ou par simple dégoût. Il y a deux ans j'avais vu un film du petit-fils d'Ebrahim Golestan (l'acolyte à distance de Godard lors de ses dernières apparitions filmées), sur un couple de Téhéran qui allait dans des montagnes perdues pour distribuer de l'argent à des bouseux en échange de services incongrus. Je me souviens plus ce qui s'y passait mais je me souviens que le couple y était insupportable et sans qu'on sache vraiment si c'était fait exprès ou pas. Et encore une fois cette dichotomie citadins sophistiqués/bouseux arriérés avec une capacité d'auto-analyse finalement réduite. Film dont le côté déplaisant (volontairement) n'est pas inintéressant néanmoins.


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MessagePosté: 13 Déc 2022, 19:21 
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J'ai eu le chance de le voir il y a trois jours et le long-métrage m'a soufflé. C'est un grand film, à n'en point douter, d'une force révolutionnaire peu commune. Cette intelligence de Panahi vers la subversion tranquille, c'est quand même assez ahurissant. Tout tombe à point, tout sonne juste, dans la critique du statu quo iranien, et en miroir, du statu quo européen. J'en ai fait une analyse sur ma chaîne si cela vous intéresse.

Analyse et critique du dernier long-métrage de Jafar Panahi, manifeste révolutionnaire pour une socialisation de l'image, contre les dérives arbitraires de la parole d'État.

https://www.youtube.com/watch?v=Ym_XziYcmzg

EXTRAIT:

Le cinéma du faux, surtout quand il s’agit des grosses productions orientalisantes, est une gangrène historiographique, bien souvent issue des lectures libérales du proche et moyen orient. Il sait que son succès n’est pas toujours désintéressé, et que la censure et la propagande font tout aussi partie de l’Occident, dans une forme plus discrète, mais tout aussi pernicieuse. L’insincérité, celle de son mari, qui finira de mener Zara au suicide, et de ses lamentations de quoi graver le précepte du cinéaste, et peut-être de tout bon cinéaste: Elle a supporté la torture, l’exil, mais elle n’aura jamais supporté le mensonge.

_________________
Ma chaîne Youtube de critique et d'analyse cinématographique :
https://www.youtube.com/channel/UCP9XfP ... YJAazYqAig


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MessagePosté: 31 Déc 2022, 20:06 
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Il est difficile d'en parler, et j'en ai même un peu honte, mais c'est un très bon film, très riche . La communauté du village existe plus que dans Trois Visage et dans le film de son fils, jumeau de celui-ci, avec un regard fin sur le fait que ses habitants, aussi conservateurs soient-ils, sont eux-aussi pris dans une forme de suspicion et de contrôle.
Il est loin d'être un film de circonstance : sous le coup de la situation politique, Panahi reprend et enrichit les situations de ses premiers films (la fuite impossible du Cercle qui contamine ici le film dans le film, le cinéma dans le film et le thème de l'acteur-réalisateur "proxy" et de la fausse blessure du Miroir) , mais ce qui était malgré tout ludique et ironique dans ses films précédents est ici marqué par une très grande noirceur et une forme moins métaphorique, plus littérale. Ce désespoir est compréhensible vu la situation de Panahi, mais il est malgré tout esthétiquement paradoxal (et le film l'assume) au vu de la dimension populiste du film, dans la mesure où tout le monde subit la même contrainte, les villageois machistes comme les intellectuels de Téhéran. Le film aide assurément à comprendre la situation iranienne. On n'arrive plus à distinguer la fuite du suicide.
Le personnage de Nasrin Sotoudeh  (avocate réellement condamnée qui apparaisait dans Taxi) est ici transposé en actrice physiquement proche, érotisée et rajeunie, mais touchée ici par la torture jusqu'au suicide. On s'attendrait à ce que le poids de l'oppression entrave les métamorphoses de la fiction, rende le film opaque, or tout est ici transparent, franc. On continue à se perdre dans des méandres du récit dans le récit, touffus, que tout le monde est néanmoins en mesure d'expliquer à chaque moment. Ce récit; qu'il soit celui des origines des rituels villageois ou celui du film dans le film, est à la fois commun à tous et impuissant.
Traditionnel ou bien lié au dispositif de Panahi, le récit est en fait le risque politique et la part d'insubordination que cette communauté conservatrice accepte d'assumer*, et son évidence n'empêche pas l' impression de tristesse et de désespoir. La mort est présente, la terreur politique est invisible mais familière ; et elle ressemble trop bien aux formes d'une sorte de dépression permanente. C'est un univers où tout le monde est compris par son voisin, voire pardonné par lui car tout le monde court le même risque, dès lors qu'il apparaît sur l'image, par son voisin mais sans espoir de pouvoir s'oublier.

* cela transparait dans la belle scène du serment, ou Panahi comparait devant une assemblée villageoise, qui le somme de remettre les images d'un adultère potentiel qu'il n'a pas filmé (mais son logeur à qui il avait confié la caméra par jeu et par calcul, peut-être, la vraie faute était de laisser filmer celui-ci, de le piéger dans un dispositif dont lui-même n'est pas le maître). Panahi reproche aux villageois le caractère archaïque et machiste de leur coutume matrimoniale, où tout est décidé dès l'origine, et où les rituels visent à faire justifier l'impossibilité du libre-arbitre (mais aussi, et peut-être plus exactement, à consoler celui-ci). Chaque habitant est le destinataire incrédule et unique des mythes et récits villageois, le moment où l'arbitraire essaye de se justifier lui-même le transforme en spectateur et même en juge, il peut contester la véracité des récits mythique (qui correspondent ici à un intérêt social objectif), mais non leur valeur . Dans ce système l'implication de l'autre dans tout ce qui va contre l'ordre établi fonctionne comme un secret et un non-dit, ce qui ne doit être révélé qu'à la fin.. Mais la confrontation potentiellement porteuse de ressentiment et de malentendus sociaux entre les villageois et l'intellectuel de Téhéran, est atténués par le fait que les villageois incitent Pahani à s'exprimer en langue azerie (dont il dit qu'il la pratique avec sa mère, mais pas avec ses frères), pour rappeller que les villageois et Panahi ont en commun le fait d'être issus de minorités ethniques, d'être culturellement, dès l'origine, sur une frontière. Mais cette compréhension se lie amèrement à la culpabilité de Panahi à la fin du film.
Il survit au film et à la menace d'emprisonnement car il désire seulement regarder cette frontière, comme un lieu lui-même originaire, par lui-même habitable, plutôt que la franchir. Il n'y pas de continuité entre le risque de subversion amené par son regard de cinéaste, sur le réel et celui de l'exil politique (qui démontre que l'identité iranienne peut survivre dans un autre régime), Panahi se heurte à deux murs, celui du régime et celui de la répression qu'il subit, tellement personnalisée et individualisée qu'elle empêche une forme de solidarité efficace avec ceux qui la subissent sous une forme différente, le régime peut bien lui accorder la solitude de l'artiste, tant qu'il est lui-même déçu par sa propre oeuvre. La mort de l'autre (le couple adultère qui désire lui s'en affranchir réellement) surgit alors immanquablement sur le trajet de son propre retour.

Commme bmmntmp l'a dit le film dans le film, volontairement caricatural et inabouti, ressemble beaucoup aux situation de couple films d'Asghar Farhadi (qui a pu filmer à l'étranger, et semble avoir moins subi la répression que Panahi et Rasoulof). Il y a peut-être une forme de critique plus ou moins sévère et implicite de la situation politique de celui-ci (même si Un Héros a lui-aussi une grande force politique, ce n'est pas non plus un cinéma aux ordres du régime) ?

_________________
Sur un secrétaire, j'avise deux statuettes de chevaux : minuscules petites têtes sur des corps puissants et ballonés de percherons. Sont-ils africains ? Étrusques ?
- Ce sont des fromages. On me les envoie de Calabre.


Jean-Paul Sartre


Dernière édition par Vieux-Gontrand le 02 Jan 2023, 15:54, édité 6 fois.

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