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MessagePosté: 21 Mar 2020, 18:42 
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Dans une île qui n'est jamais nommée (mais qui semble être la Corse), le Docteur Valerio (George Marchal, très bon) se distingue en soignant en priorité paysans et ouvriers pauvres. Il n'est pas tout à faut intégré dans la bourgeoisie locale. Sa femme, belle et délaissée , se languit, accablée par le chaleur et le désoeuvrement . Elle décide de se séparer temporairement de son mari et de partir rejoindre son père à Nice. Le Docteur Valerio tire une partie de son prestige (et de sa conscience politique) du fait qu'il a participé à la campagne d'Italie avec les troupes gaullistes, ce qui le protége de la partie la plus visible des médisances locales. L'île est économiquement sous la coupe de Gorzone, un magnat qui possède la plupart des industries et des terres, dur et cynique.
Valerio est depuis la guerre proche de Sandro (Gianni Esposito), métayer d'un des vignobles de Gorzone, mal logé, et dont la femme est gravement malade et alitée. Devant la veiller en parmanence, il risque de perdre sa place.
Un fait divers sordide (un inceste entre un grand-père et une enfant d'une dizaine d'année dans la campagne) amène Valerio à connaître une belle Italienne, Clara, qui semble être une riche veuve dont les raisons de la présence sur l'île sont un peu mystérieuses. Une liaison se noue entre les deux. Mais l'île est un petit milieu où tout le monde se connaît.





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Film assez singulier pour du Buñuel (dont je crois qu'il s'agît du premier film français pour la période d'après-guerre). Le film respecte conventions du film qualité française et du policier pour les subvertir vers quelque-chose qui est clairement une métaphore de la résistance au franquisme et de l'occupation en France. On est dans un climat moral et politique qui rappelle beaucoup La Peste de Camus, assez représentatif de la littérature existentialiste proche du PCF, mais elle-même non communiste; de l'époque. Mais cela passe, et évite le didactisme, car la mise en scène fait preuve de beaucoup de sobriété et de concision (j'aime beaucoup la traque finale nocturne), et l'interprétation très bonne (Gerges Marchal est très convaincant, oscillant entre premier rôle positif et quelque-chose de plus opaque). Le film fait penser à certaisn Renoir (notamment Le Crime de Monsieur Lange) tout en annonçant beaucoup le ton des premiers Chabrol, mais avec quelque chose de moins édifiant (même si le christianisme est là-aussi central), plus "à gauche" finalement.
Malgré la sobriété de ton et le respect des conventions du genre policier, il y a des touches d'humour incongrues qui rappellent que l'on est bien chez Buñuel : la photo du Christ-pylône électique que Valério affiche comme une image pieuse dans son hall, ou bien l'inspecteur de police moralement plus que sinueux (et qui a un côté très police de Vichy) qui se met à déclamer du Claudel pendant ses enquêtes -(l'acteur qui le joue Julien Bertheau, était d'ailleurs ironiquement de la création des grandes pièces de Claudel).
Et surtout la manière dont est filmée l'inceste , et le caractère à la fois absurde et moralement exemplaire du personnage de Lucia Bosé (que faisait-elle là et quelle rôle a-t-elle joué dans l'incident? Pourquoi possède-t-elle des peintures lestes mais discrete chez elle). C'est comme s'il y avait chez Buñuel à la fois une opposition et une complémentarité entre la notion d'engagement sartrien, morale, par rapport à laquelle la justification ontologique fonctionne comme une contrainte logique, et un imaginaire plus souterrain, dans lequel les personnages semblent émaner des lieux (les maisons sont superbement filmées), être rêvés et fantasmés par eux. La sexualité relève finalement de cet imaginaire, à cette dépendance au lieu matériel qui a les apparences de la faute, mais ne l'est pas tout à fait. Cette passivité existentielle échappe à la culpabilité en terminant toutes les métaphores qui lui sont adressées, en les absorbant sans les transmettre).
Petites réticences sur le personnage de Lucia Bosé, dont le jeu en français est un peu maladroit, mais c'est mieux que de l'avoir doublée, et on sent qu'elle comprend et défend le sens poltique du film (la même année, elle jouait un personnage proche dans Mort d'un Cycliste de Bardem, cela n'était certainement pas quelqu'un de politiquement bête).
Par ailleurs le film arrive à intégrer plusieurs classes sociales dans un même récit et à créer une dialectique entre elles (il échappe en cela aux limites de la qualité française), et le regard sur la Corse de Buñuel (qui rappelle celui qu'il avait porté sur la région de Las Hurdes 20 ans plus tôt), région peu filmée au cinéma français, est très intéressant.

Pas un chef-d'oeuvre (le récit est mené de manière un peu lâche), mais un très bon film, qui passe encore bien l'épreuve des années. L'aspect qui rappelle "la Peste" (la maladie et le confinement jouent un rôle important dans le film) fait que le film a des résonnances particulières avec le climat actuel.

4.5/6

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Jean-Paul Sartre


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MessagePosté: 21 Mar 2020, 21:44 
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Cela s'appelle FERME TA GUEULE ET DÉGAGE PUTAIN

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MessagePosté: 21 Mar 2020, 21:55 
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Le Cow-boy a écrit:
Cela s'appelle FERME TA GUEULE ET DÉGAGE PUTAIN

On en peut plus du confinement Cowboy?


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MessagePosté: 21 Mar 2020, 21:58 
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Con-finement plutôt/

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MessagePosté: 14 Juil 2022, 12:03 
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Bonne critique, merci. J'ai revu ce film hier, je l'avais vu il y a très longtemps, et je ne me souvenais pas qu'il était aussi beau, traitant en finesse un scénario assez plat au départ, faisant vibrer des personnages qui avaient tout pour être falots, leur donnant une aura et une sensualité particulière, aussi bien les protagonistes (Georges Marchal et Lucia Bosè, lumineuse) que les seconds rôles, classiques ignobles bourgeois buñueliens, ou paysans corses évoquant des personnages de Giono, ou encore ces merveilleux figurants du chef d'oeuvre de Pietro Germi, In nome della legge.
Les métaphores buñueliennes sont rares, mais éclatantes. Outre celle du Christ poteau électrique, maintes fois citée, le traitement de la parade séductrice et de la consommation sexuelle du couple Marchal-Bosè, une très haute plongée sur la plage, qui fait paraître les amoureux au milieu du plan comme des insectes dansants, suivie du plan ras du sol d'une vaguelette qui se termine en écume sur le sable, est l'une des visions les plus puissamment poétiques du maestro.
D'accord avec le critique sur le côté pré-chabrolien (lequel aurait pu difficilement renier son influence buñuelienne). Pas d'accord sur le bémol à propos de Lucia Bosè, dont le côté décalé et la beauté pure ramène à la fascination érotique de l'Âge d'or. Sa présence est essentielle ici, comme les décors et les personnages accessoires (les chats, les enfants).
En le revoyant, il me semble que c'est un film majeur, très sous-estimé par les buñuelologues, qui passe les images et les obsessions avec subtilité et sans aucun de ces effets-massues (jubilatoires) dont le maître était friand dans nombre de ses films cultes.


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MessagePosté: 14 Juil 2022, 16:10 
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Bonjour.
Merci pour le retour. Où avez-vous pu le voir ? Je l'avais trouvé sur Scalisto (qui a fermé, heureusement en un sens, et entretemps je n'ai plus le fichier) et le DVD est épuisé.

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MessagePosté: 14 Juil 2022, 21:13 
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Le film est dispo sur le site d'Arte jusqu'au 17 juillet
https://www.arte.tv/fr/videos/102963-00 ... -l-aurore/

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CroqAnimement votre


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MessagePosté: 14 Juil 2022, 21:16 
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Ha ok, visible en Belgique donc (pas toujours le cas des autres services VOD)

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MessagePosté: 14 Juil 2022, 21:51 
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Le Cow-boy a écrit:
Cela s'appelle FERME TA GUEULE ET DÉGAGE PUTAIN

LOL. Ça a bien vieilli.


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MessagePosté: 14 Juil 2022, 22:19 
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Contrairement à vous visiblement

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MessagePosté: 15 Juil 2022, 07:56 
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MessagePosté: 15 Juil 2022, 11:56 
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Déjà-vu a écrit:
Le Cow-boy a écrit:
Cela s'appelle FERME TA GUEULE ET DÉGAGE PUTAIN

LOL. Ça a bien vieilli.


C’est franchement la honte d’écrire un message pareil surtout. Ou alors il faut consulter.


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MessagePosté: 15 Juil 2022, 13:57 
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À peine, une petite séance de The Greatest Showman et il est guéri.


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