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MessagePosté: 14 Avr 2022, 15:55 
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Un triangle amoureux inattendu, une tentative de séduction qui tourne mal et une rencontre née d’un malentendu. La trajectoire de trois femmes qui vont devoir faire un choix…

Après son dernier film qui ne m'avait que partiellement convaincu, quel plaisir de retrouver le Hamaguchi qui m'avait fasciné dans Senses. Exit les lourds élans mélodramatiques de la 3ème heure de Drive my car, la parole reprend ici la place prépondérante qu'elle n'aurait jamais du perdre dans son cinéma, une parole qui se délivre sur le temps long, au rythme de la catharsis qui s'opère chez les personnages principaux de ces 3 contes, que l'on ne chahute pas, que l'on laisse courir le temps nécessaire pour que les révélations s'opèrent. J'en étais même à regretter de ne pas comprendre le japonais, pour pouvoir saisir encore mieux la finesse des dialogues en suivant le film les yeux fermés
Ce qui m'aurait surtout permis de me soulager la nuque, douloureuse de devoir faire des va et vient constant entre le haut et le bas de l'écran depuis le maudit 2ème rang où je m'étais installé. Non pas que j'ai pour habitude de m’assoir si près de l'écran, au contraire même, mais je m'y suis propulsé au début du film à cause du couple s'étant assis juste derrière moi, qui voulant profiter à plein du pot de popcorn qu'ils avaient acheté décidèrent de les croquer un à un le plus bruyamment possible - d'un autre côté je reconnais que c'est la meilleure manière d'en profiter. Vivement le retour d'un variant plus virulent du COVID et un nouvel arrêt des ventes de confiseries au cinéma.

Mais bon ça aurait tout de même été dommage, parce que non content de s'affirmer comme maitre dialoguiste, Hamaguchi démontre ici la parfaite maîtrise de sa mise en scène, où pas un placement ne soit millimétré, où chaque mouvement est porteur de sens. Sous la fausse apparence de film austère (très peu de scènes pour chacun des 3 contes, une scène pivot dans chaque d'une bonne vingtaine de minutes, dès lieux clos, parfois très étroits, peu de mouvements), c'est à chaque fois un monde qui nous est révélé, riche du passé et des aspirations de ses protagonistes. Mais plutôt que de trop en parler et mal, je vous invite à regarder l'analyse qu'en ont fait 3 rédacteurs de Critikat, c'est relativement court (30 min) et très éclairant sur ce qui fait la particularité et la richesse du cinéma d'Hamaguchi. Je ne saurais dire mieux que Marin Gérard, l'une de ses principales qualités, particulièrement marquée dans ces Contes, c'est la précision de son cinéma. Aucun gras, aucune parole superflue, rien de ce qui est dans le film n'y est pas strictement nécessaire. A ce point précis qu'on est ici vraiment dans l'épure, le film a ainsi une certaine sécheresse qui limite les emportements (ceux du spectateur en tout cas), ça + ma nuque douloureuse ne m'ont pas permis d'en jouir à plein, mais je le reverrais très certainement à la hausse.



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MessagePosté: 14 Avr 2022, 16:00 
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Merci pour l'émission. Pour ma part à la gare j'hésitais à acheter les Cahiers du cinéma et le début de l'entretien avec Hamaguchi m'a à lui seul convaincu. L'entretien s'est révélé très bon, je conseille. Le gars est modeste et très intéressant. Hâte de voir le film, sans doute demain.


Dernière édition par Baptiste le 14 Avr 2022, 16:01, édité 1 fois.

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MessagePosté: 14 Avr 2022, 16:01 
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Hamaguchi qui fume Hong Sang-soo avec UN zoom par conte.

Comment provoquer Lohmann.


Baptiste a écrit:
Merci pour l'émission.

+1


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MessagePosté: 14 Avr 2022, 16:01 
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J'essaie d'être tolérant au maximum, mais j'avoue que mon voisin et sa barquette de popcorn lors du dernier Matrix a failli me faire péter un câble. Pareil, il les mangeait un à un, la faisant durer largement plus d'une heure 30 - j'ai fait du damage control en me penchant en avant et en appuyer sur mon oreille qui était de son côté.


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MessagePosté: 14 Avr 2022, 16:04 
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Déjà-vu a écrit:
Hamaguchi qui fume Hong Sang-soo avec UN zoom par conte.

Ah ah, zoom qui va bien évidemment de pair avec le court rêve qui suit (précède?). Et sinon j'ai justement trouvé que c'était un poil moins maitrisé que chez HSS, hésitant et tremblotant. Mais la référence est évidente, hors HSS il faut remonter aux années 70 pour retrouver des zooms aussi marqués. Et sinon tu en as pensé quoi?


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MessagePosté: 14 Avr 2022, 16:05 
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bmntmp a écrit:
J'essaie d'être tolérant au maximum, mais j'avoue que mon voisin et sa barquette de popcorn lors du dernier Matrix a failli me faire péter un câble. Pareil, il les mangeait un à un, la faisant durer largement plus d'une heure 30 - j'ai fait du damage control en me penchant en avant et en appuyer sur mon oreille qui était de son côté.

J'ai zéro patience et quand les gens me gonflent je ne suis pas très diplomate. J'ai donc rapidement opté pour le changement de place.


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MessagePosté: 14 Avr 2022, 16:07 
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Baptiste a écrit:
Merci pour l'émission. Pour ma part à la gare j'hésitais à acheter les Cahiers du cinéma et le début de l'entretien avec Hamaguchi m'a à lui seul convaincu. L'entretien s'est révélé très bon, je conseille. Le gars est modeste et très intéressant. Hâte de voir le film, sans doute demain.

Émission à voir après le film (même si avant ça permet de se préparer à quoi voir, mais ça évente toutes les surprises).


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MessagePosté: 14 Avr 2022, 16:12 
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Lohmann a écrit:
Déjà-vu a écrit:
Hamaguchi qui fume Hong Sang-soo avec UN zoom par conte.

Ah ah, zoom qui va bien évidemment de pair avec le court rêve qui suit (précède?). Et sinon j'ai justement trouvé que c'était un poil moins maitrisé que chez HSS, hésitant et tremblotant. Mais la référence est évidente, hors HSS il faut remonter aux années 70 pour retrouver des zooms aussi marqués.


J'en ai parlé dans ma critique sur le topic idoine, mais Satyajit Ray est peut-être une référence en la matière. Dans Le Lâche par exemple, le zoom dont j'ai parlé vise aussi à créer plusieurs cadres, sur lequel le cinéaste s'arrête le temps de quelques secondes.


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MessagePosté: 14 Avr 2022, 18:57 
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J'ai quand même trouvé que l'intérêt des trois contes allaient croissant - manière polie de dire que le premier, assez convenu, n'est pas au niveau des deux autres. Le troisième atteint un niveau délicieux de poésie. Comme souvent le bel ouvrage, ça n'a l'air de rien (comprendre : pas d'effets de manche inutiles) parce que c'est complètement maîtrisé. Et après Aristocrats, ça laisse à penser que le cinéma nippon s'attache à contrecarrer l'extrême misogynie de cette société.


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MessagePosté: 14 Avr 2022, 20:13 
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mon préféré de lui, sinon j'ai eu la chance de m'entretenir déjà à trois reprises avec lui, et j'espère même un jour réaliser un travail plus conséquent car on a bien accroché comme on dit

https://www.parismatch.com/Culture/Cine ... II-1597605

https://www.parismatch.com/Culture/Cine ... le-1789524

https://www.parismatch.com/Culture/Cine ... ar-1754109

et en off, la première fois que je l'ai rencontré, nous avons parlé... de Murakami, du fait que son film Asako m'avait rappelé le vertige de certaines nouvelles de Murakami.


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MessagePosté: 18 Avr 2022, 21:00 
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Décidément je trouve le cinéma de Hamaguchi certes intelligent et constamment déstabilisant (une bonne chose), mais il manque quand même cette vibration chaleureuse qui me plaît tant chez Rohmer, l'un de ses modèles.

Cette théâtralité investie dans des lieux du quotidien est redoublée par la froideur et une certaine perversité des personnages. Il y a quelque chose dans la sensibilité de l'écriture qui ne me convient pas tout à fait.

Sur ce film, il est assez compliqué de comprendre si les trois segments mis bout à bout forment une trajectoire, une progression, ou si ce sont simplement trois situations différentes comme autant de variations sur le triangle amoureux. Le second, en faisant fauter la femme mariée, me semble un peu plus grossièrement moraliste que les deux autres.

Je n'ai malheureusement pas grand chose d'autre à en dire pour l'instant. Et ce n'est pas faute d'avoir regardé la discussion de Critikat, intéressante mais qui m'a laissé sur ma faim.


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MessagePosté: 19 Avr 2022, 09:58 
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Baptiste a écrit:
Sur ce film, il est assez compliqué de comprendre si les trois segments mis bout à bout forment une trajectoire, une progression, ou si ce sont simplement trois situations différentes comme autant de variations sur le triangle amoureux.

Rien de tout ça, le triangle amoureux n'est la forme que du premier. Pour le second on est au-delà du triangle (en plus du prof et de son amant il y a également le mari de Nao, c'est donc au minimum un quatuor, sans compter qu'à la fin Sasaki est marié). Et cette figure est évidemment totalement absente du troisième. Sinon il faut les prendre de manière totalement séparés, il n'y a rien qui lie une histoire à l'autre (et comme Marin Gérard le rappelle Hamaguchi avait prévu au départ 7 contes, et il est fort probable qu'il réalise les 4 derniers plus tard).

Baptiste a écrit:
Le second, en faisant fauter la femme mariée, me semble un peu plus grossièrement moraliste que les deux autres.

Il ne faut pas faire de Rohmer une influence trop importante pour Hamaguchi, son cinéma est totalement dépourvu de moralisme. Leur rapport à la parole me semble d'ailleurs assez différent, chez Hamaguchi elle a valeur de révélateur, c'est elle qui permet à l'action de progresser, aux désirs d’émerger, aux souvenirs de ressurgir. Autant que de Rohmer, son cinéma est également sous une certaine influence de Kurosawa (il me fait penser à Ruiz aussi), tant il semble constamment peupler de fantômes (ce qui est particulièrement évident dans Asako I&II).


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MessagePosté: 19 Avr 2022, 15:22 
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Lohmann a écrit:
Ah ah, zoom qui va bien évidemment de pair avec le court rêve qui suit (précède?).

Oui c'est dans la continuité, ce qui fait qu'on imagine les acteurs faire le tour du bar/restaurant pour revenir à leurs places en passant derrière la caméra, mais il y a un zoom par conte, dans le deuxième c'est au moment de l'envoi du mail, dans le troisième je ne m'en souviens pas.

Citation:
Et sinon j'ai justement trouvé que c'était un poil moins maitrisé que chez HSS, hésitant et tremblotant. Mais la référence est évidente, hors HSS il faut remonter aux années 70 pour retrouver des zooms aussi marqués.

Il m'a semblé aussi que c'était évident mais j'aimerais en être sûr, en revanche je ne trouve pas que ce soit maîtrisé chez HSS donc il n'y a pas de débat (voilà de quoi te hérisser le poil).

Citation:
Et sinon tu en as pensé quoi?

J'ai trouvé ça très bien, tu n'as étonnamment pas parlé de l'érotisme de la lecture du livre, après avoir revu Persona récemment (le monologue de Bibi Andersson sur un souvenir de jeunesse), ça m'a rappelé à quel point ça peut être fort au cinéma sans passer par les images.

boultan a écrit:
J'ai quand même trouvé que l'intérêt des trois contes allaient croissant - manière polie de dire que le premier, assez convenu, n'est pas au niveau des deux autres.

Je suis d'accord.


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MessagePosté: 19 Avr 2022, 15:28 
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Déjà-vu a écrit:
J'ai trouvé ça très bien, tu n'as étonnamment pas parlé de l'érotisme de la lecture du livre, après avoir revu Persona récemment (le monologue de Bibi Andersson sur un souvenir de jeunesse), ça m'a rappelé à quel point ça peut être fort au cinéma sans passer par les images.

Je n'ai en fait pas parlé de grand chose, mais oui lecture délicieuse, il faudrait que je revois La Lectrice de Deville tiens, dont je garde un très bon souvenir.


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MessagePosté: 20 Avr 2022, 09:24 
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Lohmann a écrit:
Exit les lourds élans mélodramatiques de la 3ème heure de Drive my car, la parole reprend ici la place prépondérante qu'elle n'aurait jamais du perdre dans son cinéma, une parole qui se délivre sur le temps long, au rythme de la catharsis qui s'opère chez les personnages principaux de ces 3 contes,


Du mal à comprendre, la parole n'a jamais quitté son cinéma et c'est bien la parole qui joue un rôle de catharsis dans Drive my car. Elle est même centrale au film et problématisé dans le personnage de la femme sourde-muette, comment la parole existe sans qu'elle puisse s'exprimer par le son ?

Sinon j'ai beaucoup aimé ce film, dans la lignée du cinéma de Hamaguchi que l'on commence déjà à connaître mais avec quelque chose de plus petit et faussement humble par rapport à Drive my car. Ce qui est fascinant quand on regarde son cinéma c'est sa gestion du temps. De Senses qui s'étalait sur 4h à ce "film à sketchs", en passant par cet étrange Asako coupé en deux. On sent chez lui un tel plaisir à filmer ces personnages, ces discussions, cette parole qui va être l'ingrédient unique de la dramaturgie, que ça en devient contagieux.

Ce qui m'a surpris également c'est la modernité du film. Alors que Senses m'avait passablement ennuyé et énervé par son attachement aux valeurs traditionnels japonaises avec ces couples qui se parlent pas, ces femmes soumises et ces hommes transparents, ici ce n'est pas du tout le cas. Ca parle de cul, ça parle d'homosexualité (sujet quasiment absent de la culture populaire japonaise il me semble), les femmes sont fortes et maîtresses de leurs corps et de leurs sentiments etc... Ca m'a agréablement surpris tant dans le cinéma japonais d'auteur c'est finalement assez rare (vu récemment le dernier Kawase et on ose à peine parler sexualité).

Tout est évidemment très précis dans le film, la mise en scène très HSS épouse parfaitement les ondoiements de cette parole libératrice. A ce titre le deuxième segment (peut-être le meilleur, même si je n'aime pas trop l'espèce de blague finale) est une merveille. La scène de la lecture est incroyable (renvoyant d'ailleurs à la scène - soporifique - de lecture de Senses). J'ai trouvé ça d'une sensualité et d'une beauté assez saisissante, avec trois fois rien. Le personnage féminin passe de nympho pénible et bouleversante femme qui exulte de sensualité. C'est de la dentelle. Et la fin est magnifique, cet élan soudain, ce hug si simple et si beau, j'en ai chialé.

4.5-5/6

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