Takumi et sa fille Hana vivent dans le village de Mizubiki, près de Tokyo. Comme leurs aînés avant eux, ils mènent une vie modeste en harmonie avec leur environnement. Le projet de construction d’un « camping glamour » dans le parc naturel voisin, offrant aux citadins une échappatoire tout confort vers la nature, va mettre en danger l’équilibre écologique du site et affecter profondément la vie de Takumi et des villageois...Pour qui est familier du cinéma d'Hamaguchi, cinéaste de la parole par excellence, les longues et muettes séquences introductives ont de quoi désarçonner. Pour autant, elles ont aussi pour mérite de nous rappeler à quel point, au-delà de la justesse de son écriture, c'est avant tout un réalisateur à la mise en scène millimétrée, ou rien, de l'angle de prise de vue au placement de ses acteurs dans le cadre n'est laissé au hasard (et systématiquement porteur de sens). Et dès ces premières minutes, Hamaguchi d'utiliser les trois régimes de plans qui auront cours tout au long du film : le point de vue de la nature (parfois menaçante, qui pourrait presque faire penser à celle de
Long Weekend de Colin Eggleston), celui des personnages principaux et celui du spectateur. Parce qu'il n'ambitionne rien de moins que de retranscrire la profonde symbiose de ce petit village avec la nature qui les entoure, une parfaite synthèse du shintoïsme en quelque sorte, et d'embarquer son spectateur avec eux.
La réunion organisée avec les promoteurs du projet de Glamping va rebattre toutes les cartes, et aussi voir l'irruption de cette friction dans les dialogues qui caractérise le mieux le cinéma d'Hamaguchi. D'un côté des villageois qui s'inquiète des répercussions du projet, à la parole directe et précise, aux questions factuelles et raisonnées. De l'autre les deux représentants de l'agence de marketing en charge du projet, à la parole creuse et passablement incompétent. Et c'est probablement là que se tient le nœud sensible du film, ce qui touche profondément Hamaguchi (qui a par le passé rencontrer des victimes de Fukushima et qui accorde dans ses documentaires une large place à leur parole, le seul médium qui leur permette de se reconstruire), cette perte du sens de la parole, utiliser comme pure et unique vecteur promotionnel mais dont le poids et l'engagement est absolument nul (ce que viendra corroborer le PDG plus tard, le but de la rencontre n'est que de s'attirer les bonnes grâces de l’administration qui accordera les subsides, nullement de satisfaire les exigences des villageois). Dans cette optique le personnage le plus trouble est évidemment Takahashi, agent d'acteurs dont il est plusieurs fois permis de douter du degré de sincérité (Tartuffe rapidement démasqué par le propriétaire du restaurant, qui lui fait remarquer que si la seule qualité qu'il trouve à sa soupe c'est qu'elle le réchauffe, dans ce cas ça n'est clairement pas un compliment à son endroit).
A l'instar de son titre, la séquence finale du film est tout autant énigmatique, et laissera le champs libre à de multiples interprétations. J'ai ainsi vu passer sur X que le film scellait ainsi son opposition entre ruralité et citadin (ce qui était par ailleurs une demi-critique, l'auteur en question regrettant le manque de subtilité de cette charge anti-citadin), ce qui personnellement ne me semble pas du tout être le propos du film. Inopinément, et rien dans la filmographie d'Hamaguchi ne prédestinait à ce que je fasse un tel lien, j'ai rapidement penser à
Fort Apache de Ford. Et le fait est qu'en soupesant un peu plus cette incongruité, j'ai effectivement trouvé énormément de liens entre les deux films : le personnage principal évidemment, un père veuf et mutique qui doit élever sa fille seule, une même communauté conservatrice qui se bat contre une certaine forme de modernité et bien sûr une forte dimension sacrificielle.