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MessagePosté: 20 Mar 2022, 22:56 
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Julie se démène seule pour élever ses deux enfants à la campagne et garder son travail dans un palace parisien. Quand elle obtient enfin un entretien pour un poste correspondant à ses aspirations, une grève générale éclate, paralysant les transports. C’est tout le fragile équilibre de Julie qui vacille.

Charge mentale: The Motion Picture

Au début on dirait un film fin 90-début 2000: le monde du travail aliénant à la Laurent Cantet/Jean-Marc Moutout + Paris paralysé par la grève à la NADIA ET LES HIPPOPOTAMES. Cette impression est d'ailleurs accentuée par une photo très douce et pastel, très 35mm.
Cependant, c'est un film bien d'aujourd'hui: pour montrer le rythme effréné et implacable de la vie de Julie, Eric Gravel adopte presque les codes des très à la mode films de boucle temporelle. Le tout sur une musique éléctro sourdement propulsive type Rone, et puis avec une mise en scène qui colle aux basques de Calamy: il ne manque plus que le 4/3 pour être dans le parfait académisme de l'époque.

Mais Gravel opte pour un scope des plus classiques, et ce faisant il éloigne son film de la pose. Aussi simple et dépouillé dans la mise en scène qu'il est rythmé dans le récit, ce que le film perd en imagination visuelle (énormément de champ-contrechamps très basiques) il le gagne en honnêteté. Il faut dire qu'il est bien aidé par une Laure Calamy une fois de plus épatante, vraiment une de nos meilleures actrices.

En assumant son parti-pris effréné jusqu'au bout, Gravel fait monter la tension et le stress. Certes c'est mono-thématique et toujours sur le même registre, mais ça marche. Dans la seconde partie du deuxième acte, la plupart des récits s'embourbent et on s'ennuie: ici ce passage correspond au week-end, seul moment de relâchement, et là où dans un film normal j'aurai eu qu'une envie, celle de voir le récit redémarrer, ici j'en étais à craindre le retour de Julie au travail le lendemain.

Cet entonnoir est tel qu'on finit par se demander quelle sera l'issue.
Sur la fin, on est à ça de basculer dans le suicide (le son du train qui arrive) ou le film de fait divers à la A PERDRE LA RAISON. Et pour le coup la conclusion, véritable eucatastrophe tolkienienne, pourrait sonner faux à certains, mais fait figure de délivrance douce-amère.

Bref, j'ai bien apprécié tout du long, tout en me disant qu'une partie du Forum risquait d'allumer le film.

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Liam Engle: réalisateur et scénariste
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MessagePosté: 21 Mar 2022, 11:37 
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Ca a l'air d'être encore dans cette mouvance (ou ce que j'appelle, ce nouvel académisme) Dardenne/urgence/gros plan/le social comme un thriller, initié par Xavier Legrand et vu récemment dans Un monde ou L'évènement.

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MessagePosté: 21 Mar 2022, 11:52 
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D'accord avec QGJ, c'est vraiment réussi: le "parti-pitch" tient la route et arrive à être un vrai témoin de notre époque (ce manque de temps), en plus de montrer à quel point ça peut être galère d'être une mère célibataire. Le rythme, la tension, c'est bien maîtrisé sans être poseur ou artificiel et malgré le côté un poil "enfermé dans son dispisitif", le film est sincère, authentique. Mais il ne serait rien sans Laure Calamy, une fois de plus formidable dans un rôle taillé pour elle. Je l'aime. Super aussi que le film ne se positionne pas pour ou anti grève, le discours politique est vraiment dans la représentation de ce corps broyé par la machine néo-libéralo-caputaliste qui impose un rythme d'enfer à qui veut "rester dans la course".
J'aime beaucoup la toute fin, aussi, à la fois cruelle, implacable, évidente, en guise de point final d'un discours.

4/6

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Ed Wood:"What do you know? Haven't you heard of suspension of disbelief?"


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MessagePosté: 21 Mar 2022, 15:15 
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Film qui en fait trop principalement à cause de sa musique, du coup on ne s'étonnera pas qu'ils le vendent comme un thriller, à savoir le thriller du métro-boulot-dodo que tout le monde connaît, certes dans un contexte de grève. Heureusement que le film décélère et devient plus supportable, Laure Calamy effectivement une fois de plus impeccable, c'est globalement très bien joué de toute façon.

On est censé comprendre quoi de ses visions ensommeillées à la plage ? Simple métaphore lourdingue du surmenage avec une vague qui la submerge ou vrai trauma et cause éventuelle de la séparation d'avec son mari ?


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MessagePosté: 21 Mar 2022, 15:47 
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Déjà-vu a écrit:
On est censé comprendre quoi de ses visions ensommeillées à la plage ? Simple métaphore lourdingue du surmenage avec une vague qui la submerge ou vrai trauma et cause éventuelle de la séparation d'avec son mari ?

Tain je n'ai pas de souvenir de ça... (vu il y a quelque temps déjà)

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MessagePosté: 21 Mar 2022, 17:12 
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Déjà-vu a écrit:
On est censé comprendre quoi de ses visions ensommeillées à la plage ? Simple métaphore lourdingue du surmenage avec une vague qui la submerge ou vrai trauma et cause éventuelle de la séparation d'avec son mari ?

Je penche soit pour un épisode qui pourrait être l'origine de la séparation, soit une expérience qu'elle aurait elle même vécue (enfant ?)


Film que j'ai trouvé globalement inutile, l'exemple type (que j'ai l'impression de voir pulluler ces temps ci, je ne citerai pas de titres de peur de me faire écharper) du film qui n'est politique que par prétexte (parce qu'il faut tout de même donner au spectateur un semblant de fond, quand bien même le réalisateur ne se préoccupe que de la forme). Son seul but c'est de nous faire ressentir l'état d'épuisement constant de Calamy, c'est plutôt réussi, mais comment pourrait-il en être autrement lorsqu'il y a autant de misères qui te tombent sur la tête en une semaine ? Franchement du chauffe eau qui tombe en panne à la voiture qui ne démarre pas jusqu'au fiston qui inévitablement se blesse sur le trampoline, le tableau est plus que complet.

Sinon pour en revenir à sa dimension politique, on est aussi éloigné des Dardennes ou de Loach que possible. Eux n'auraient jamais eu la maladresse d'opposer aussi bêtement les classes laborieuses, les salariés du privé d'un côté qui n'ont d'autres choix que de se démerder pour aller taffer quand il n'y a plus de transports en commun et les privilégiés du public qui les prennent en otage de l'autre. Politiquement c'est vraiment au raz des pâquerettes, et je passe sur Calamy qui revendique haut et fort d'habiter dans son mignon petit village et sa belle maison en pierre parce "mes enfants ne vivront pas dans des cages à poule", ou qui lorsque la vieille nounou qu'elle exploite jusqu'à la corde lui propose de la recommander au supermarché du coin lui réponds "attendez madame j'ai de bien meilleures prétention, et je préfère encore conserver mon poste de femme de chambre dans un palace". Tout se finissant finalement bien pour elle, on ne peut même pas dire que les précédents exemples soient de pures maladresses, mais exprime bien plutôt le fond de la pensée de Gravel : le monde est ce qu'il est et j'en m'en accommode, ami cheminot arrête de m'emmerder et remet toi au boulot. 100% des électeurs de Macron (et d'Hidalgo) ont aimé le film.


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MessagePosté: 21 Mar 2022, 17:26 
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Lohmann le vend bien.


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MessagePosté: 21 Mar 2022, 17:46 
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Lohmann a écrit:
Tout se finissant finalement bien pour elle

:?: Mais… Tu y vois un happy end toi?
Son réel désir est de se (RE)POSER, donc ses larmes quand on lui accorde un fine le job, c’est pas des larmes de joie, bien au contraire… C’est littéralement son corps qui pleure car elle va devoir recommencer à courir, même si c’est pour un bien meilleur poste.

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MessagePosté: 21 Mar 2022, 18:01 
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Arnotte a écrit:
Lohmann a écrit:
Tout se finissant finalement bien pour elle

:?: Mais… Tu y vois un happy end toi?
Son réel désir est de se (RE)POSER, donc ses larmes quand on lui accorde un fine le job, c’est pas des larmes de joie, bien au contraire… C’est littéralement son corps qui pleure car elle va devoir recommencer à courir, même si c’est pour un bien meilleur poste.

On est clairement pas sûr la même longueur d’ondes. Le film ne cesse de nous rappeler qu’elle est en galère de thunes, j’ai pas du tout le sentiment qu’elle envisage une seule seconde d’être au chômage.


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MessagePosté: 21 Mar 2022, 18:11 
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Ah ouais, j’ai pas vu le film comme ça.. Pour moi c’est un film sur le manque de temps, pas le manque de thunes.. Mais comme “le temps c’est de l’argent”, le film joue sans doute sur cette ambivalence.

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MessagePosté: 21 Mar 2022, 18:15 
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Arnotte a écrit:
Ah ouais, j’ai pas vu le film comme ça.. Pour moi c’est un film sur le manque de temps, pas le manque de thunes.. Mais comme “le temps c’est de l’argent”, le film joue sans doute sur cette ambivalence.
Elle retrouve un taf certes, mais ça veut aussi dire que lundi elle retourne au charbon: faire garder les enfants, le train de 6h28, le RER, etc...

Quant au discours sur les grévistes, je l'ai vu en creux: on comprend bien qu'ils subissent la même pression que leurs homologues du privé: vivre loin, bosser beaucoup pour peu, se faire insulter, etc.
Après je concède quelque chose à Lohmann: le réal est d'origine canadienne donc il a peut-être pas le même regard que nous là-dessus.

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MessagePosté: 21 Mar 2022, 18:26 
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Arnotte a écrit:
Ah ouais, j’ai pas vu le film comme ça.. Pour moi c’est un film sur le manque de temps, pas le manque de thunes.. Mais comme “le temps c’est de l’argent”, le film joue sans doute sur cette ambivalence.

L’argent est omniprésent. Les retraits dans les DAB, la pension qui ne tombe pas, la possibilité d’étaler le paiement du trampoline, le stress de savoir si les derniers paiements par CB vont ou non passer. Même la visite au jardin d’acclimatation, la seule chose que l’on en voie c’est lorsqu’elle paie le manège à ses enfants.


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MessagePosté: 21 Mar 2022, 18:29 
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Qui-Gon Jinn a écrit:
Quant au discours sur les grévistes, je l'ai vu en creux: on comprend bien qu'ils subissent la même pression que leurs homologues du privé: vivre loin, bosser beaucoup pour peu, se faire insulter, etc.
Après je concède quelque chose à Lohmann: le réal est d'origine canadienne donc il a peut-être pas le même regard que nous là-dessus.
Les grévistes ils sont surtout largement invisibilisés. Le seul mec que l’on voit aller manifester c’est un militaire en retraite (je ne sais même pas ce que Gravel veut signifier par là).


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MessagePosté: 21 Mar 2022, 18:32 
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Lohmann a écrit:
Le seul mec que l’on voit aller manifester c’est un militaire en retraite (je ne sais même pas ce que Gravel veut signifier par là).
La retraite à 45 ans pour tout le monde pardi !

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MessagePosté: 24 Mar 2022, 20:10 
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Lohmann a écrit:
Qui-Gon Jinn a écrit:
Quant au discours sur les grévistes, je l'ai vu en creux: on comprend bien qu'ils subissent la même pression que leurs homologues du privé: vivre loin, bosser beaucoup pour peu, se faire insulter, etc.
Après je concède quelque chose à Lohmann: le réal est d'origine canadienne donc il a peut-être pas le même regard que nous là-dessus.
Les grévistes ils sont surtout largement invisibilisés. Le seul mec que l’on voit aller manifester c’est un militaire en retraite (je ne sais même pas ce que Gravel veut signifier par là).
Gravel ne veut rien signifier par là et je n'ai vu aucun discours sur les grévistes, ce n'est simplement pas le sujet du film. Gravel est concentré à 100% sur le destin de son héroine, il ne soucie pas des autres. Dis comme ça, c'est pas très vendeur, mais c'est assumé en tant que tel, ce n'est pas un défaut et ça évite le film de se disperser. J'aime bien qu'il ne dévie jamais du personnage de Laure Calamy.

Lohmann a écrit:
Arnotte a écrit:
Ah ouais, j’ai pas vu le film comme ça.. Pour moi c’est un film sur le manque de temps, pas le manque de thunes.. Mais comme “le temps c’est de l’argent”, le film joue sans doute sur cette ambivalence.

L’argent est omniprésent. Les retraits dans les DAB, la pension qui ne tombe pas, la possibilité d’étaler le paiement du trampoline, le stress de savoir si les derniers paiements par CB vont ou non passer. Même la visite au jardin d’acclimatation, la seule chose que l’on en voie c’est lorsqu’elle paie le manège à ses enfants.
Film sur la précarité pas sur le manque de temps (elle a fait le choix d'habiter à perpet cette conne) et le manque de thunes est juste une dimension (importante) de la précarité.

Art Core a écrit:
Ca a l'air d'être encore dans cette mouvance (ou ce que j'appelle, ce nouvel académisme) Dardenne/urgence/gros plan/le social comme un thriller, initié par Xavier Legrand et vu récemment dans Un monde ou L'évènement.
Il y a de ça dans le sentiment d'urgence du film. Bon perso, j'ai un peu plus pensé à Rosetta mais tu me diras que les 3 autres descendent des Dardennes. Maiis ça arrive à aller au-delà de son encombrante influence et jai préféré A plein temps aux deux derniers films cités (pas vu le Legrand). Je sais pas comment dire mais Gravel coupe les scènes au bon moment, les plans sont bien choisis, la musique transforme le film en véritable thriller et le sentiment d'urgence est bien présent. Plutôt que de longs discours, Gravel choisit l'action, de montrer et de vivre cette urgence sociale. Il est en cela bien aidé par Calamy (j'ai honte mais premier film que je vois d'elle) qui est épatante. Tu partirais à la guerre avec elle, elle ne se laisse jamais abattre même si ça devient de plus en plus dur, c'est le rayon d'espoir tout au long de cette course, une combattante dans le sens noble du film.

Pour revenir sur Gravel, il arrive à mon sens à s'extirper du sous-Dardenne. Bon je vais pas cacher qu'il y a quelques détails qui m'ont fait tiquer niveau réalisme mais ça reste minime et le cinéaste arrive à dire beaucoup sur le monde du travail actuel (les cadres qui galèrent et se retrouvent dans un boulot moins qualifié payé des clopinettes ça existe plus qu'on ne le croit), la précarité sociale et surtout à quel point Paris c'est une ville de cadres et dès que tu ne l'es pas c'est la grosse merde. Ce film ça pourrait même être un plaidoyer pour vivre en province. IL FAUT ABSOLUMENT QUE FREAK REGARDE CE FILM!!!!

Sinon j'adhère à ce que tu écris Arnotte sauf sur la fin. Elle est justement porteuse d'espoir
pour moi elle sort de la précarité et des lendemains heureux s'annoncent


Bref, j'ai beaucoup aimé.

4-5/6


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