Dernier film qu'il me restait de voir de la rétrospective de cinq films qui est consacrée à Roberto Gavaldón. J'ai découvert les films, tout à fait par hasard, de manière presque chronologique - quinze ans entre le premier Double Destinée et celui-ci. Je n'y avais pas fait attention, et si on sent la modernité se manifester par quelques éléments, c'est suffisamment fluide pour que ça semble aller de soi et qu'on n'y prête pas trop attention. Jusqu'à ce que le regard de l'héroïne, et le nôtre, parcourent des rayons de librairie avec un bouquin de Kennedy qui venait tout juste d'être élu. Les rituels mexicains, comme la pinata du Jour des morts, la chambre de bonnes des héroïnes, l'environnement de working-class women, le salon de coiffure et la pâtisserie relient Double Destinée et de Jours d'Automne à travers le temps comme si rien n'avait beaucoup changé. A part le style, du mélo baroque de Double Destinée, à Jours d'Automne, le mélodrame se fait plus doux, plus insidieux dans sa description d'une psychose féminine où l'empathie de la mise en scène vient en remontrer aux classiques du genre américain. Je me rends compte aussi qu'on n'est pas si loin du génial The Sweet Sickness de Highsmith que je viens de lire même si Gavaldón a cette fois-ci décidé de faire sans la dose de film noir pour s'en tenir au suspense psychologique. Visuellement, on ne peut qu'admirer la manière dont Gavaldón parvient à rendre chacun de ses plans intéressants, à engranger bon nombre d'informations ou de notations visuelles l'air de rien, et, à par exemple, construire et explorer son petit microcosme de boutique et d'arrière-boutique, ses logements modestes grouillant d'enfants. Une chose frappante, que n'ont pas manqué de relever les quelques avis sur le film, le Mexique qui est présenté est loin de celui qui domine aujourd'hui l'imaginaire, c'est un Mexique américano-européen, où les mexicains d'origine indigène sont relégués dans des rôles seconds rôles ou de figurants. Ou quand elle attend dans l'immeuble flambant neuf de l'institut gynécologique où elle semble être la seule "blanche" parmi un rang de nanas. Le film commente d'ailleurs cette frontière à l'intérieur du pays de manière subtile, notamment dans les interactions du personnage principale avec ses voisines qui moquent ses manières d'héroïne bovaryenne. En son centre, une scène de mariage manquée qui met particulièrement mal à l'aise et témoigne encore du brio du film dans la manière dont il organise les regards, son mal-être et notre identification partielle. L'actrice principale, qui a joué dans le seul film réalisé par Brando est parfaite : elle avait 28 ans environ et exprime parfaitement cette dualité jeune fille/vieille fille qui devait être particulièrement soûlante à l'époque. Elle s'est suicidée un an après la sortie du film. Un poème qu'elle récite à plusieurs reprises crée une cohérence toujours appréciable dans l'oeuvre, "“Si no podemos avanzar viendo que la noche avanza,celebremos una alianza con ese sueño mentido. Un día acabará el olvido o acabará la esperanza”. La noche avanza, c'est le titre du précédent film de la rétrospective. Celui qui joue le patron est aussi génial, entre affection, dépit et frustrations rentrés d'un type qui balance de la figure paternelle à celle de l'amoureux transi, sans parler de la bonne amie/collègue qui rappelle que Marilyn Monroe était le modèle des classes populaires sans doute quand Jackie faisait office de référence plus bourgeoise. Un des internautes évoquent comme une adaptation d'un roman Harlequin (le genre de référence qu'on fait sans en avoir lu j'imagine). C'est en tout cas une adaptation de Traven, l'auteur du Trésor de la Sierra Madre.
Grande découverte que ce réalisateur, je vois que Tom avait déjà évoqué l'un de ses films qu'il me tarde de découvrir, préférablement au cinéma quand même.
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