Forum de FilmDeCulte

Je suis loin d'être un amateur de Zhang Yimou et de son style académique, tendance ultra-décorative. Shadow, avec son histoire d'intrigues politiques et de rivalité pour le trône, peut donner l'impression de s'inscrire dans la lignée de Game of Thrones, ou de Shakespeare, c'est selon. En dépit d'un rythme un peu long, le film permet de mettre tout ce qu'il manque dans Game of Thrones : tenue formelle (photo dominée par des coloris noir et blanc inspiré du yin et du yang, direction artistique impeccable, fluidité des combats, un peu trop esthétisant au début mais qui deviennent de plus en plus brutaux), cohérence psychologique, dialogues qui sont loin d'être ridicules, pas de dragons ou de zombies régressifs.
Le film bénéficie d'une excellente galerie de personnages qui arrivent à être caractérisés avec concision et réservent cependant des surprises et des parts d'ombre. Le roi faible et grotesque, la princesse courageuse magnanime, la femme tiraillée entre le mari et son double (en fait l'ombre de son mari en proie à la maladie et l'ombre - le shadow du titre- qu'il s'est choisie comme double, beau retournement opéré par le film), et comme on vient de le dire, le commandant et son substitut, le film joue avec des archétypes et parvient à les maintenir dans une forme d'atemporalité. Ainsi son propos politique et existentiel n'est pas parasité par l'époque : le féminisme est de son essence, non de circonstance, tout comme le sont tous les autres éléments du film qu'on pourrait s'amuser à isoler.

Maintenant j'ai envie de voir le dernier Chen Kaige, qui a l'air d'être une sorte de wu xia pian fantastique.

cette affiche là est bien plus belle ( à mon sens une des plus belles vues depuis un moment) et donne bien plus envie

Yimou dans les années 80-90, c'est très bien.

Après, il n'a plus rien à raconter depuis longtemps.

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"Je vois ce que tu veux dire, mais..."
"Je me suis mal exprimé, pardon."

Artiste qui s'est complètement plié au désidérata de Pékin (mais comment peuvent-ils faire autrement?)...Cela dit, la Chine a fait retiré récemment son film sur la révolution culturelle "One second" de la Berlinale.

Shadow, si j'en crois les avis sur j'ai mis (sans parler du mien) semble constituer une espèce de retour en forme, qui rappelle le Kurosawa des grandes heures.

J'aime pas les films de Yimou (comme bcp de Chinois d'ailleurs, le cinéaste n'est pas vraiment prophète en son pays), en particulier depuis le début des années 2000, mais celui-ci est effectivement pas complètement nul. Pas accroché au N&B très lisse et léché, ni aux effets spéciaux numériques excessifs (l'aspect nouveau riche insupportable du cinéma chinois commercial contemporain), mais j'ai trouvé le scénario pas trop mal. ZY est certes un agent culturel et idéologique du régime chinois mais je trouve que cette guerre du pouvoir qui se termine ds un bain de sang a qqch de terrifiant qui est très légèrement subversive dans le cadre chinois. C'est d'ailleurs un visage de terreur qui termine le film, celui d'une femme qui hérite malgré elle du pouvoir. On évite aussi finalement ds un retournement le piège idéologique de la dichotomie simpliste entre le mauvais chef esthète et lâche, et le bon chef va-en-guerre. APrès on peut toujours dire que ZY nous décrit un cadre ancien instable là où la Chine contemporaine montrerait un visage uni et rassurant (ce qui ne veut pas dire que c'est le cas comme on le voit fréquemment avec les purges des adversaires au sein du parti) derrière son leader.

Un petit conseil : se méfier des affiches de films chinois. Il y a d'excellents graphistes mobilisés pour réaliser des affiches superbes et attirantes pour des films souvent nullissimes...

Je lis de de la mauvaise foi dans ton avis, on dirait que ça t'arrache la bouche de trouver des qualités aux films.


Combien parmi le milliard et quelques milliers ?



Cet aspect me dérange beaucoup plus dans le cinéma hongkongais actuel, d'une rare et invariable nullité. Il est désolant que l'inventivité pré-rétrocession, le filmage âpre, les tournages guérillas aient laissé place à des films aux décors aseptisés, entre magasins de luxe et bar lounge, qui suintent le mauvais goût, la richesse neuve, le manque d'imagination alors que j'ai toujours vu, peut-être à tort, Yimou ou Kaige comme les tenants d'un certain académisme plus proche de Bruce Beresford que de Wong Kar-Wai.

Ne connaissant pas Yimou, je me demande ce que peut valoir un film comme You hua hao hao shuo, ou Keep Cool en anglais et quelles sont ses véritables réussites.

Si critiquer ce qu'on n'aime pas c'est être de mauvaise fois, alors je continue à être "de mauvaise foi"... selon moi "Keep Cool" est un peu ridicule si on le replace dans un contexte d'ensemble mais peut faire illusion de "modernisme" ou du moins de "A bout de souffle à la chinoise" si on le regarde en l'extrayant de ce contexte. En fait, ZY y propose un style radicalement "nouveau" pr lui qui pompe allègrement en 1997 ce qui se fait du côté de HK depuis des années déjà à l'époque (notamment avec WKW, mais pas seulement), en évidemment bcp moins bien (le film se résume en réalité à une succession de plans séquences heurtés et hyper rapides et de plans très rapprochés sur des visages montés avec un bon sens du rythme, se perdant régulièrement ds des dialogues et des situations sans intérêt interminables).

C'est amusant de constater qu'à cette époque il pompe le cinéma de HK (avant sa période wu xia pian grandiloquent, là encore largement inspirée du cinéma de HK), alors qu'aujourd'hui c'est plutôt le contraire avec un cinéma HK plus du tout inspiré et formaté sur les productions à gros budget du continent dont tu parles.

Je confirme que ZY est cordialement détesté par de nombreux spectateurs chinois pour ce qu'il représente, c'est évidement impossible à quantifier...

Tu n'as pas du voir les dernières croûtes de ZY et CK qui usent et abusent des effets numériques les plus affreux (je crois que "The Great Wall" est sorti en France, sans doute en raison de la présence de Matt Damon au générique), ça n'a rien de nouveau chez eux. Je dirais que c'est ds le cahier des charges économique et industriel, il s'agit de montrer de quoi l'industrie cinématographique chinoise est capable au temps t de la réalisation du film.

Je te conseille éventuellement "The Crossing" (2019) de Bai Xue une jeune cinéaste chinoise (là encore ironie de voir que c'est une cinéaste continentale qui rejoue le mieux le meilleur du cinéma de HK passé). Elle renoue avec le bon côté du cinéma de HK d'hier et filme notamment les architectures et les transparences de la plus belle façon, avec un bon sens du rythme (même si le scénario ne tient pas ttes ses promesses notamment en raison de la censure - en particulier la fin).

Il paraît aussi que les Chinois adorent Jiang Wen...
Je vais tenter ça. J'ai lu du bien du dernier Ann Hui sinon, dans le genre fresque historique pas excitante de prime abord.

Son dernier film pas mal est "Une vie simple" (2012) selon moi, c'est pas fou non plus, il y a des lourdeurs de scénario, mais disons qu'elle est dans sa meilleure veine du petit mélo intimiste hongkongais. Les deux films suivants sont des fresques historiques académiques ennuyeuses et bien calibrées pour plaire (au moins aux commissions de contrôle) côté continent. AH n'est jamais meilleure que lorsqu'elle injecte discrètement des affects propres à la poésie chinoise dans ses films mais sans nous le dire, en catimini. Au contraire "The Golden Era" concerne trop directement la littérature de par son sujet, et les greffes littéraires ne prennent pas sinon de façon trop illustrative au milieu d'un dispositif totalement figé qui de tte façon donne la priorité à la reconstitution, aux décors, aux costumes (idem sur ce dernier point pour "Our Time Will Come").

Je ne m’attendais pas à une telle claque formelle. J’avais laissé Zhang Yimou au bas d’une grande muraille de n’importe quoi avec Matt Damon, je le retrouve avec une tragédie shakespearienne à la direction artistique maitrisée dans ses moindres détails - et même les CGI sont moins grossiers. Si l’intrigue relativement complexe met beaucoup de temps à s’installer, la deuxième heure multiplie les morceaux de bravoure avec une utilisation démente du parapluie-couteau. Bref, beaucoup aimé, moins poétique que Le Secret des poignards volants mais plus nihiliste et violent.
4-5/6

Dans son dernier film "One Second" il revient soi-disant sur la période de la révolution culturelle. Il y passe son temps à louvoyer et à tourner autour du pot sans jamais que rien n'en sorte véritablement (sinon ds la tête de spectateurs occidentaux qui tiennent à en faire un film politiquement osé pour on ne sait trop quelle raison). Le film a certes été censuré et refait pour sortir en salles mais bon, il fait partie de ces cinéastes qui acceptent volontiers de se plier à l'exercice par complaisance avec le régime. Ca fait quand même flipper que presque 30 ans après "Vivre !" (qui selon moi était aussi un mauvais film du point de vue de la critique de la RC, mais c'est une autre question) on ne puisse quasiment toujours rien représenter de cette période ds le cinéma chinois, il me semble que c'est même pire qu'en 94.

Bah c'est vrai: c'est si simple de composer avec la censure chinoise.

Oui, le donnage de leçons à ce niveau-là, c'est fabuleux. J'aimerais l'y voir, le Scienezma.

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"Je vois ce que tu veux dire, mais..."
"Je me suis mal exprimé, pardon."

Inutile d'ironiser, il y a bien plusieurs attitudes que les cinéastes chinois peuvent adopter face au régime et la sienne est très clairement des plus complaisantes (je vais pas ouvrir le dossier ZYM ici mais cherchez un peu vous-mêmes et vous comprendrez pourquoi). Ceci dit, il y a en Chine certaines personnes pour penser qu'absolument rien de bon ne peut sortir du cinéma chinois étant donné le régime en place, ce qui - quoi qu'on pense du dit régime - est totalement absurde. Je lisais l'autre jour une interview d'Ai Weiwei qui disait grosso-modo ça ds Télérama, des propos finalement assez insultants pour ses congénères, qui auront du mal à cacher que lui-même fait peut-être des docs de l'étranger, libre de l'emprise du gvt chinois, mais qui sont plutôt très mauvais.