J'ai bien aimé. Formellement banal (Judor est plus Philippe Harel que Dupieux), mais pas con dans l'écriture.
C'est un louable effort de transposer en 2017 le regard que Chatillez avait pendant les années 1990, même si l'on perd le burlesque plus gratuit de l'époque d'Eric et Ramzy au profit d'un peu de cruauté dans la satire sociale, qui impose plus d'écriture et un lien fort entre signifié et signifiant.
Les points communs entre Judor et Chatillez : une réduction de la personnalité des personnages à la classe sociale (du coup la psychologie devient un système entièrement différentiel, structuraliste mais conflictuel, le classement ne crée pas d'ordre et de reseau mais une solitude ou plutôt du sollipsisme), le regard sur l'enfance (dans ce film comme dans la Vie n'est pas in long Fleuve tranquille les enfants sont irréductible à la structure sociale, sans identité-ni prénom ni genre-ou échangés, et donc menaçant pour les parents, ce sont aussi les personnages pivots du films, à cause de cette résistance à rentrer dans le récit. Dans le film le rapport fusionnel entre Gaïa et son enfant est d'ailleurs directement compensé par le fait qu'elle a un frère, on le dit rapidement, qui est le sur-moi de intello-de-droite du groupe) et les chansons (la chansons sur les règles, assez drôle, ou celle sur la fin du monde font penser au coup de "Jésus Revient" qu'elles n arrivent pas à reproduire, d'ailleurs cette dernière chanson est devenu culte pour les jeunes gens d'à présent, qui ne connaissent probablement pas le film).
La situation (où le mal-être nationaliste français se double d'une psychose d'extinction écologique , qui contamine et désarme même les personnages qui seraient a-priori en position de critiquer le conformiste ambiant) n'est pas non plus sans analogie avec "Rester Debout" de Giraudie, même si l'humour du film de Judor évacue en fait complètmeent la sexualité (c'est son moteur principal, la raison e la plasticité de son personnage, même le soupçon de pédophilie est dilué dans sa conversion en leader efficace) là ou chez Guiraudie elle est la persistance de quelque chose de subi, ouvert à l'altérité, à la fois métaphysique et existentiel. La psychiatre sorcière du Giraudie fait beaucoup penser à la Gaïa de Judor.
Par contre je reprocherais au film d'être trop écrit. J'ai été moins pris par le basculement vers
. C'est aussi presque la même histoire que l'Ornithologue de Rodrigues, sans le sous-texte gay.
Quant au regard sur les zadiste et les écolos, certes ils sont moqués un peu facilement (mais ils n'occupent que les premières 15 minutes, la communauté changeant vite de fonction,
), mais finalement le sérieux de pape de Night Moves de Kelly Reichardt était encore moins généreux avec eux. La scène avec le député vert qui les harangue devant les flics est par exemple tout à fait sérieuse et pédagogique et le film est alors plutôt avec la ZAD.
Et le film est assez réussi dans le fait de ne pas dégager un personnage principal (tous les personnages sont paumés mais comme le dit BL, "profonds" (sauf la femme de Judor, dont son mari n'attend d'elle que le regret de la vie bourgeoise qui le deresponsabiliserait) , même le père, j'ai adoré le moment où il sort à Judor "Ecoute-moi bien la-Régie" et montre ainsi qu'il est beaucoup moins con avec sa fille qu'il n'en a l'air). En générale les nombreuses scènes ou les personnages (bizarrement tous masculins) explosent et tapent assez lucidement sur la communauté avant de retourner dans le profil bas sont assez bonnes.
Sinon j'étais le seul spectateur dans une grande salle de l'UGC de Brouckère, le film ne semble pas toucher grand monde, Eric et Ramzy c'est un truc de quarantenaires qui ne vont plus voir des films et ont basculé dans les séries .