
c'est chouette, quand on voit beaucoup de films, d'en voir un qui ravive le lecteur de studio en toi et te rappelle que le cinéma,
c'est avant tout des émotions.
et ce film là en est plein, des viscérales. c'est extrêmement dur. malaisant. ça te laisse te démerder face à des situations humaines complexes. c'est très sexuel, et c'est de nature à générer un trouble particulier qu'on ne ressent plus trop au cinéma ces derniers temps - même quand on a une sexualité loin de ça (je pensais à la phrase d'art core dans la chatbox l'autre jour "niveau cul les gays c'est vraiment une autre planète - et j'ai rigolé parce que le film confirme un peu, mais je pense que même des hétéros seront troublés par certaines situations - et y avait beaucoup de filles dans la salle). ça provoque aussi une empathie forte avec un personnage très habituel. c'est un film à sensations fortes, émotionnellement fort alors qu'il n'y a pas trop de drama. juste sec, intense, et puissant.
c'est une histoire - de sexe ? d'amour ? mais non, un truc entre les deux ? ou en dehors des deux ? - entre deux mecs, un dominant et un soumis, dans le milieu des bikers.
je l'ai vu après avoir lu deux livres de témoignages de femmes victimes de violences relationnelles, et c'était forcément troublant. les deux étaient victimes de ce style de relation.
ici, ce sont deux hommes. la grille de lecture hommes / femmes devient, de facto, inopérante. sauf que l'un adopte des codes sociaux associés aux femmes - du rôle sexuel au fait de faire la cuisine.
c'est une victime totalement consentante. un jeu entre adultes consentants. on n'a pas trop à avoir d'avis. dans une relation diabolisée dans notre culture collective, ne serait-ce que parce que ce sont des femmes qui en sont victimes. tu es vraiment livré à toi-même pour te démerder avec ça.
parce que même les femmes qui sont là-dedans le sont (souvent ?) parce qu'elles étaient psychologiquement abimées de base, conditionnées pour. donc des victimes faussement consentantes. c'est sûrement en partie le cas du personnage aussi. ok. mais vraiment, qui est-on pour juger et décider à la place des gens ?
ça pousse les conceptions les plus simples de ce que l'on veut et cherche dans une relation - interpersonnelle, humaine, sexuelle, amoureuse. ça va dans la marge absolue, pour un y trouver quelque chose de terriblement spécifique mais qui finit par avoir quelque chose d'universel. toute relation est construite sur ce que l'on donne et ce que l'on reçoit, sur ce dont on manque et ce dont on a besoin et ce qu'on a en trop, sur sa structure psychologique de base et comment elle s'emboite avec celle d'autrui.
ça ne donne pas de réponses.
c'est un film totalement incroyable dans l'ère post me too, vraiment. d'autant que c'est anglais et financé par des institutions alors que là-bas ils sont vraiment wokes 5000. c'est très sexuel, avec de la nudité et des scènes qui ont fait hurler les intimay coordinators de la planète. ça montre des choses très rudes - physiquement, émotionnellement - sans donner de mode d'emploi. ça profite du décalage 'gay' pour questionner en dehors de toute grille de lecture pré-établie les dynamiques à l'oeuvre. ça prend un malin plaisir à foutre une lumière crue sur des zones d'ombres que la quête de binarité bourreaux / victimes de ces dernières années avait confortablement laissé de côté. ça n'idéalise ni de diabolise personne. les gens sont compliqués, le sexe c'est compliqué, la psychologie humaine c'est compliqué, les relations c'est compliqué. le film hurle vraiment "fuck twitter".
ce sont des pensées en vrac que j'écris, ce qui est un bel hommage au film. c'est émotionnellement et viscéralement fort, ça laisse au cerveau une place annexe. et quand le cerveau reprend un peu ses droits, ça n'offre rien clé en main. çe te laisse te démerder, actant surtout que tout ça est immensément complexe. chacun se démerde comme il peut. c'est compliqué.
c'était très puissant, riche, complexe, dans un petit film anglais, une histoire simple, un truc sans tambour ni trompette. l'aspect gay en fera, de fait, un film de niche. sa nature explicite aussi - un mec est sorti pendant de la baise, ce sera interdit au moins de 16 ans. bref ça ne sera pas énormément vu, et une partie du public sera constituée de gays libidineux.
mais j'avais quand même l'impression de voir un grand petit film et une pièce indispensable dans l'ère culturelle actuelle sur toutes ces questions.
(pas de date de sortie, et ça passe ce soir à l'arlequin !!)