Deuxième chouchou pour Angoulême :
ONCLE GABBY de Tony Millionaire chez Rackham.
J'étais plus habitué aux "Maakies" de Tony Millionaire, bandes dessinées systématiques cruelles à tendance crados (beaucoup de vomi et de cruauté physique) et pourtant très belles.
Là le registre est différent. On reprend les même personnages, à savoir Monsieur Corbeau et Oncle Gabby, qui partent à la recherche de la petite Ann-Louise qui semble avoir disparue.
Le récit se fait dans le ton du conte et de l'histoire d'aventure, le genre d'histoire pour enfant où la fin donne sa morale, où les évènements et péripéties ont leur propre logique et comportent leur propre commentaire (pour la première fois Oncle Gabby et Monsieur Corbeau ont conscience d'être des peluches, des chaussettes transformées en singe), où le monde est peuplé de lapins géants, de dragons à lunettes et de poètes "a-nommeur" ("En ôtant les noms des objets les plus communs il les renvoie à leur originel, et ô combien magnifique, état ! Il est plus que tout impliqué dans la restauration de la beauté du monde.").
Le dessin est plus ample que d'habitude, dans de larges cases qui prennent leur place. Le tout sur très peu de pages (36), du coup la narration est très rapide, on saute d'un événement à un autre très vite, à coup de doubles pages magnifiques, proches de Jules Verne et des histoires de Little Némo.
Cette ambiance onirique se teintera de mélancolie, car le temps passe et l'enfance disparait (la mélancolie et le rapport à l'enfance sont décidément la grande affaire de la bande dessinée, Oncle Gabby en est un bel exemple), les personnages du rêve peuvent retourner dans le cosmos.
C'est un vrai tour de force du livre d'arriver à créer cette émotion en peu de pages, d'avoir une telle densité en si peu de temps. Ça se lit à toute vitesse, on a juste le temps de se faire aux personnages et à l'histoire que le récit se termine et le cœur se serre à la dernière case.
Pas de page sexe, un peu de respect s'il vous plait.
p-ê que ça vient du fait que je ne connais pas Tony Millionaire, et Oncle Gabby et M. Corbeau, p-ê que c'est pour ça que je ne m'attache pas à ce spersonnages, que je me fous pas mal de ce qui leur arrive... P-ê que ça vient aussi du fait que le bouquin se lit en trente secondes, que sa mythologie n'existe tout simplement pas dans le livre, ce qui fait que quand les masques tombent bah on s'en fout, ça ne déchire pas le coeur comme ça pourrait, c'est juste un événement de plus qui sera évacué dès la page d'après -- et qui plus est
heureusement le livre est superbe, comme les scans de jiko en témoignent le dessin est magnifique, la mise en couleurs itou et ce lettrage-là me fait toujours craquer.
mais bon, c'est hyper-frustrant que ce soit pour raconter à peu près rien, malgré quelques jolies idées poétiques (l'a-nommage c'est séduisant mais le récit n'en fait rien, finalement)