Le génie américain est de retour avec un pavé de la nouvelle graphique de près de 700 pages, racontant l'idylle inconditionnelle entre une jeune femme vendue enfant à un scribe et un jeune enfant noir avec qui elle s'échappera dans une épave. Empruntant aux contes orientaux des mille et une nuits tout en y instillant des touches chrériennes et musulmanes, Habibi pervertit la magie élémentaire de la fable en terre aride où les premiers éveils de la foi se confrontent à l'obligation de devoir se prostituer pour survivre entre marché aux esclaves et harem aux mains de sultan priapique. Le chef d'oeuvre indétrônable de cette année, probablement le futur vainqueur d'Angoulême.
Les vingt premières pages:
http://www.bdgest.com/preview-969-BD-habibi-recit-complet.htmlUn auteur de BD en panne d'inspiration et en pleine crise existentielle redécouvre lors d'un voyage la chaleur de sa famille et ses souvenirs d'enfance... On pourrait tiquer devant ce résumé mélancolique très quête identitaire tartouille mais ce serait passer outre la richesse graphique sidérante et une narration dense, multipliant les anecdotes et les personnages, dans la fuite perpétuelle plus que l'introspection psycho, qui magnifie une ville en donnant à partager une langue, un rythme, ce calme religieux qu'in ressent en parcourant les petites ruelles mal foutues de Lisbonne, aux petites ruelles étroites et aux trottoirs jamais à la bonne taille... Ce sens de la couleur généreuse et du récit aérien rendent ainsi tellement crédible, empathique et émouvante la libération de ce type qu'il devient vite impossible de ne pas écraser sa larme.
Je m'y suis intéressé car j'avais lu au détour d'une news allociné que Kechiche avait acheté les droits, sans que les journalistes soient infoutues de dire de quoi ça parle. Derrière l'extravagance capillaire se cache donc une romance lesbienne entre une étudiante qui va apprendre à accepter son homosexualité et l'une plus mystérieuse, déjà en couple, aux cheveux bleus. Son style impeccable, clair et à fleur de peau, lui a d'ailleurs fait décrocher des prix du public et pourraient en faire l'ultime it gets better movie, donnant la pleine mesure de la violence de la stigmatisation des gays au lycée ou des déchirements familiaux dans les petites villes de province, surtout par un des meilleurs cinéastes de France qui n'hésite plus à se mettre en danger loin de la patte de ses deux succès à Cesar comme pour Venus noire. Mais il faudra aussi sans doute donner plus de substance à cette histoire et à gommer des raccourcis faciles, comme ce truc d'essayer de faire croire qu'on va tranquilou chercher une bouteille de lait dans la cuisine à poil quand on sait qu'on est chez les parents de sa copine qui n'a pas fait son outing.
Pas accroché au fétichisme quasi muet au début, logorrhéique dans sa seconde moitié de Blutch dans ce songe étrange où se croisent Lancaster, Godard, Visconti, Deneuve et bien d'autres...