Je n'ai jamais répondu à ce top, et je trouve ça archi compliqué.
Je vais tenter de prendre les 10 cinéastes vivants qui me nourrissent le plus
actuellement, et pour chacun prendre le film le plus emblématique de cette inspiration.
CASINO de Martin Scorsese (1995)
Scorsese reste mon cinéaste préféré, parce que le plus proche de la définition que je donne à la mise en scène, et le plus prolifique en terme d'inspirations diverses. Il a été aussi le guide de ma cinéphilie et m'a poussé à devenir éclectique, ce que j'étais loin d'être en commençant à m'intéresser au cinéma.
Casino est particulièrement emblématique de son savoir faire dantesque, c'est une Bible, tout y est. S'il ne fallait ne garder qu'un film pour apprendre le cinéma, ce serait celui-là (que ce soit d'un point de vue écriture sur le scénario, la narration, ou technique, avec le montage ou la photographie). Un léger cran en dessous, il y a le
JFK de Stone. Si Stone avait mieux réussi les scènes de famille dans son film (Sissy Spacek est assez gadget), il aurait peut-être pu le faire vaciller.
HEAT de Michael Mann (1995)
J'aime toutes les tentatives HD récentes du cinéaste, son exploration des ambiances nocturnes, sa captation du soleil de Miami, le mélange film d'époque et technologie numérique de
Public Enemies. Mais son maître étalon reste
Heat. La maîtrise du découpage, ces ambiances de pure testostérone, la plongée dans ces destins qui se percutent, l'inexorabilité de l'entreprise. C'est un mastodonte ce film. Avoir réalisé mon mémoire dessus ne m'a permis qu'à effleurer la bête... récemment je le redécouvre en Blu Ray. Sublime. Vivement que
Révélations sorte à son tour.
IRREVERSIBLE de Gaspar Noé (2002)
Le film qui correspond à ma philosophie du cinéma : il faut que la technique soit légère, et que de cette liberté retrouvée, l’image puisse respirer et s’envoler. C’est une philosophie que l’on pourrait rapprocher du mouvement danois de 95, le Dogme, qui revenait à une certaine simplicité de la technique, qui tendait à se débarrasser de la lourdeur du cinéma, avec son côté ampoulé, l’usine à gaz avec 20 machinos sur le plateau etc., mais que Noé a encore abrogé de certaines restrictions. Aujourd’hui, parce qu'il fait confiance à la technique et à la post-production, et qu’elles lui permettent d’être totalement perfectionniste jusque dans le moindre détail, il se retrouve sur le plateau avec énormément de liberté, dans la narration et la mise en scène. Et puis le film reste une expérience inoubliable en salles, et un film puissamment organique à se réinjecter de temps en temps. Pour moi ça agit comme un coup de fouet, ça me redonne envie de faire du cinéma, ça me booste chaque fois.
CACHÉ de Michael Haneke (2005)
Haneke m'a chaque fois, film après film, un peu plus tué avec sa mise en scène. Trop puissante, trop intelligente. Écrasante. Mais brillante, pas ostentatoire, et parfois même rebutante. Moi qui écrit sur un thème où la violence joue un rôle essentiel, je me suis penché vers ses films pour réfléchir, pensant rejeter un cinéma trop froid ou trop démonstratif... et j'ai été happé par son magnétisme.
L'IMPASSE de Brian De Palma (1993)
Peut-être formellement le plus excitant de la liste, c'est dire mon amour pour ce film. De Palma reste une influence indétrônable en termes de mise en scène plastique.
LA NUIT NOUS APPARTIENT de James Gray (2007)
Little Odessa était déjà un 6/6 scotchant. Gray possède ces talents de mise en scène et de narration parfaitement impériaux. Il est la preuve vivante que le cinéma ne s'est pas arrêté le jour où
Il était une fois l'Amérique de Sergio Leone est sorti sur les écrans... Il est porteur de beaucoup d'espoir, car il sait parfaitement doser les vieilles recettes de narration, y insérer de la modernité baroque, puiser dans le classicisme et à la fois proposer une mise en scène parfaitement modèle.
LES PATRIOTES d'Eric Rochant (1994)
Le film est un modèle de réussite quasiment inatteignable en France. Il est aussi l'oeuvre d'un cinéaste meurtri, complètement écrasé aujourd'hui par ses échecs au box office, comme entamé dans ses profondes aspirations et touché dans son talent. J'aurais pu mettre
LA HAINE de Mathieu Kassovitz (1995), tant il a été longtemps un modèle, et tant Kassovitz s'est révélé par la suite (mis à part
Assassin(s)) condamné à décevoir. En 1995, Rochant et Kassovitz pouvaient devenir des cinéastes. Aujourd'hui, ce ne sont
que des réalisateurs.
IL FAUT SAUVER LE SOLDAT RYAN de Steven Spielberg (1998)
Spielberg, c'est en moyenne un film sur deux. Quand ça marche, c'est souvent du 90% d'implication pour moi (
Munich,
Minority Report). Mais celui là est à 110%, comme
Duel ,
Jaws,
Indy I et III et
Schindler. J'adhère totalement, et cette mise en scène reste le top du top, impossible de faire mieux. Impossible. Cuaron s'en approche le plus avec
Les Fils de l'Homme lors de certains passages, mais je pense que Spielberg a été touché par la grâce sur
Ryan. Tous les choix étaient les bons, le regard était novateur, et en plus le casting et le scénario étaient outrageusement au niveau de cette excellence...
FRANTIC de Roman Polanski (1988)
J'ai longtemps pensé que Polanski avait la mise en scène qui me parlait le plus, qui me correspondait le mieux. Je sens une grande osmose entre ses mouvements de caméra, ses compositions de cadre et mes tripes
. Il sait me remuer et me mettre parfaitement à l'aise. Reste qu'il n'y a pas UN film qui représente ce bien-être, c'est un spectre qui s'étale sur sa filmographie, très décevante depuis
La Jeune fille et la mort, que j'adore. Ça aurait pu être
Chinatown, ou
Cul-de-sac.. je choisis
Frantic, dont la fin est foirée, mais qui est une perfection pendant près d'une heure et demie. Si un jour j'ai l'occasion d'en faire le remake... ce serait extra.
PARIS, TEXAS de Wim Wenders (1984)
Le plus beau film du monde. Ça aurait pu être
La Ligne rouge de Mallick, mais je préfère celui-ci, la photographie y est plus crue. Une grande inspiration pour faire de la composition de cadre, faire des photos, et voyager, aussi.
Les autres cinéastes français encore en activité qui m'inspirent énormément : Jacques Audiard, Bertrand Tavernier, Xavier Beauvois, Laurent Cantet, Abdellatif Kechiche, et dans un moindre mesure Cédric Klapisch (Patrice Leconte est malheureusement sorti de cette liste depuis 10 ans).
Les autres cinéastes étrangers encore en activité : Lars Von Trier, Robert Zemeckis, Paul Thomas Anderson, Peter Weir, Amos Gitai, Oliver Stone, Fernando Meirelles, M. Night Shyamalan, Quentin Tarantino, Alfonso Cuaron, Alejandro González Iñárritu, Steven Soderbergh, Spike Lee, Terrence Malick, les frères Coen, James Cameron, Paul Verhoeven.