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MessagePosté: 30 Déc 2014, 11:26 
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Très étrange film, difficile à cerner qui distille dans un rythme languissant un poison subtil et délicat.

Ce qui est fascinant avec le film c'est sa manière de réinventer le film de mafia. Dans sa communication et dans son esthétique tout le monde s'attend peu ou prou à un mix entre le Parrain (Oscar Isaac est d'ailleurs un sosie d'Al Pacino), Scarface & co. Mais on réalise en fait peu à peu que c'est n'est absolument pas ça. Que c'est même l'inverse. Là où le rêve américain a souvent été présenté comme un chemin difficile dans l'illégalité où il est difficile d'être honnête, A Most Violent Year propose très exactement la thèse inverse. Oscar Isaac joue un chef d'entreprise qui a réussi mais qui se retrouve assailli de toutes parts (menace de poursuites judiciaires sur ses comptes, pression des concurrents qui violentent ses chauffeurs...) par l'ombre grandissante de la corruption et de l'illégalité. Et ce qui est très beau c'est la manière qu'à ce personnage de rester droit dans ses bottes, de ne jamais céder.

Cela donne un film très surprenant puisqu'il va à rebrousse-poil de la dramaturgie hollywoodienne traditionnelle. Quand on voit un personnage avec un flingue on s'attend à ce qu'il tire, à ce qu'il tue. Or ici l'arme à feu n'est pas un accessoire de divertissement, n'est pas l'outil narratif qui fait obtenir au personnage ce qu'il veut. L'arme à feu est un outil de mort, un objet à la légalité tendancieuse qui a un statut dangereux pour le personnage. Il y a d'ailleurs deux scènes un peu tendues, des scènes de poursuite où leurs dénouement respectifs déjouent totalement les attentes. Surprenant et vraiment stimulant.

Alors cette proposition a un prix. Le film se retrouve donc dépassionné, trop procédurier et froid. On comprend la démarche de Chandor qui l'incarne dans un film à l'esthétique parfaitement réussie et cohérente dans les suburbs ouvrières de New-York (dès la première scène on est dans Rocky. Tout est très précis et la reconstitution fonctionne à fond sur son côté ultra référencé : costumes aux revers larges bien 80es, photo extrêmement sombre et glaciale, mise en scène élégante très posée. Mais ça reste une œuvre âpre, peu sympathique et avouons-le, un peu chiante. Toutefois j'ai vraiment trouvé l'expérience stimulante, le discours sur l'éthique réinventée à l'aune du XXIème Siècle et du libéralisme forcené, une nouvelle version de l'American Dream encore plus amère que les autres car dénuée de toute la violence et le fantasme du cinéma.

4/6

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MessagePosté: 30 Déc 2014, 11:39 
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Tout pareil sauf le facteur chiant et la note ou je met 5.5/6.


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MessagePosté: 30 Déc 2014, 20:07 
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Le Monde en fait les louanges aussi. Marrant, ce réalisateur que tout le monde avait un peu trop vite mis dans la case "faiseur honnête et carré" avec Margin Call est en train, en trois films, de se faire un vrai nom. Je regrette d'avoir manqué All is lost, du coup.


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MessagePosté: 30 Déc 2014, 20:09 
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Pour moi c'est clairement un des nouveaux réalisateurs les plus intéressants du cinéma américain avec Rian Johnson et Jeff Nichols.


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MessagePosté: 30 Déc 2014, 20:59 
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Antichrist
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Pas mieux, j'ajoute juste Bennett Miller à la liste


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MessagePosté: 02 Jan 2015, 10:00 
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Hmm Gone Girl c'est quand même propre, sharp et numérique comme photo.
Fight Club à la rigueur.

Qu'est ce que tu entends par une lumière "excessivement contemporaine"?


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MessagePosté: 02 Jan 2015, 10:08 
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Sinon j'adore Chandor et j'attends celui là à mort, même si la bande annonce me laissait un peu craindre une reconstitution des 80s un peu tape a l'oeil comme l'était celle de American Bluff (coupes de cheveux and co).
Ca m'avait presque sorti du fillm.


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MessagePosté: 02 Jan 2015, 10:55 
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Léo a écrit:
A peu de choses près, c'est la même lumière que Gone Girl, donc une lumière plutôt excessivement contemporaine. Je ne sais plus qui parlait, à propos du film de Fincher, de cette impression de regarder des images à travers la transparence d'un verre sale.


Gone Girl a un côté papier glacé qu'il n'y a pas chez Chandor. Je dirais qu'à la rigueur il y a une tentative de faire référence à la photo de Gordon Willis du Parrain (palette de couleurs limitée, froideur génrale) tout en apportant une touche contemporaine (dans la sous-exposition parfois excessive).

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MessagePosté: 02 Jan 2015, 21:25 
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C'est Le Parrain qui est justement excessivement sous exposé.


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MessagePosté: 03 Jan 2015, 12:18 
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Si je me souviens bien, Le Parrain (et le travail de Gordon Willis en général) est sous-exposé au sens où les noirs bouffent l'image, les formes semblent presque en émerger. Il n'y a pas de tassement quand on arrive dans les sombres pour conserver les informations : ce qui est assez lumineux survit faiblement, le reste est avalé par l'obscurité. Dans les photos style Gone Girl, qu'on voit fleurir depuis l'avènement du numérique (que ce soit via leurs caméras très sensibles dans les sombres, ou via l'étalonnage poussant au filtrage tout azimuts), c'est un peu différent : toutes les infos sont dans l'image, rien n'est avalé par les noirs, rien n'y disparaît (ce ne sont pas des photographies "denses"), mais tout est néanmoins très terne, comme si l'intégralité des nuances de l'image se trouvait dans la partie basse du spectre lumineux. Un côté filtré, en gros (qui donne ce sentiment "verre sale", ou sous-exposé), et donc décontrasté fatalement, puisqu'il y a moins d'étendue dispo pour l'intégralité des nuances. C'est en tout cas comme ça que je le sens.


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MessagePosté: 03 Jan 2015, 21:34 
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Bon eh bien j'ai trouvé ça brillant, et je souscris complètement à la très bonne critique d'Art Core.

Mais comme Cooper, je ne peux que m'incliner devant la particularité de cette proposition de cinéma, si unique, anti-séductrice de prime abord mais qui fait paradoxalement presque film-trip dans son réalisme froid et méticuleux. A mi-film je me suis surpris en train d'être complètement happé par l'atmosphère du film, qui opère effectivement à rebrousse-poil de tout ce que l'on attendait.

En tout cas très impressionné par le travail plastique de Chandor, dont la mise en scène de Margin Call ne m'avait pas marqué. Très rigoureux dans les cadres, la gestion de l'espace, et en même temps n'hésitant à lâcher la bride pour les quelques scènes de tension, ce qui par contraste, les fait ressortir d'autant plus.

Impressionné, aussi, par l'écriture... Il y a quand même pas mal de personnages, mais ils sont tous brossés avec un soin du détail et de la nuance qui laisse pantois, que ce soit l'innocence coupable incarnée par l'étonnant Oscar Isaac, le réalisme courageux de sa femme, la détresse infinie de l'employé chauffeur, la sournoiserie classe du procureur, etc.

Et cette écriture est fine et puissante jusque dans son aboutissement.
Quelle fin! Quand la caméra tilte vers le haut pour dévoiler le panorama de la skyline new-yorkaise, je m'attendais à une fin convenue, mais l'arrivée du chauffeur désespéré relance la tension. Je me suis alors dit que c'était logique et fort intelligent de montrer un homme essoré par le système capitaliste se retourner contre les tenants du système... avant qu'un nouveau retournement ne finisse de consacrer le réalisme et la pertinence du film: que l'employé ne finisse "que" par se suicider, c'est tellement raccord avec l'époque (1980-2014 même combat) où les victimes déboussolées ne savent même plus comment se faire justice. Seul le dominant a les clés de la morale, et seul lui est en mesure de passer pour un héros au grand coeur (cf ce dernier dialogue où le procureur dévoile définitivement son vrai visage, corrompu, faible, tandis que le personnage d'Isaac, le vrai puissant des deux, semble en tirer une gloire morale alors qu'il a exactement la même soif de pouvoir).


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MessagePosté: 03 Jan 2015, 21:54 
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Léo a écrit:
"Sharp" ? Qu'est-ce que ça veut dire ? Dense ?


je crois que ça décrit la netteté de l'image, comme l'option sur un téléviseur. Le renforcement des contours opposé à l'adoucissement.


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MessagePosté: 03 Jan 2015, 22:00 
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Robot in Disguise
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Rien à rajouter à ce qu'on dit mes camarades ci-dessus. Très bon film incroyablement bien interprété par un Oscar Isaac majestueux. Il porte le truc à lui tout seul. Il est merveilleux.

Le récit déjoue souvent nos attentes, avec cette violence du titre qui reste sourde, et cette promesse d'explosion, de pétage de plombs, qui ne vient pas, grâce au parcours tortueux d'Abel pour rester dans le droit chemin. Je trouve cependant le film UN POIL ennuyeux par moment et la fin n'est pas aussi bluffante que la somme de ce qui a précédé.

Par contre quelle drôle de filmo que celle de JC Chandor, qui semble marcher sur deux pieds: les malversations financières d'un côté, les catastrophes maritimes de l'autre. Encore plus hâte de voir DEEPWATER HORIZON.

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Liam Engle: réalisateur et scénariste
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MessagePosté: 04 Jan 2015, 19:45 
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Art Core a écrit:
dès la première scène on est dans Rocky.

La référence du jogging est plutôt Serpico.

Baptiste a écrit:
En tout cas très impressionné par le travail plastique de Chandor, dont la mise en scène de Margin Call ne m'avait pas marqué. Très rigoureux dans les cadres, la gestion de l'espace, et en même temps n'hésitant à lâcher la bride pour les quelques scènes de tension, ce qui par contraste, les fait ressortir d'autant plus.

Et pourtant la mise en scène est brillante dans Margin Call. Là ça va simplement plus loin et c'est beaucoup plus maitrisé.

Baptiste a écrit:
Marrant, ce réalisateur que tout le monde avait un peu trop vite mis dans la case "faiseur honnête et carré" avec Margin Call

Relis les critiques de l'époque que ce soit US ou FR.


Sinon d'accord avec les avis élogieux du forum ou de la presse et je n'ai jamais trouvé le film un poil chiant. Aucune longueur pour ma part et sur une toile de fond aussi peu sexy au prime abord (les luttes entres les barons du fioul), je n'aurais pas penser être aussi passionné par tout ce qui se passe à l'écran. Tout a été dit donc je ne rajouterais rien. Chef d'œuvre et très grand cinéaste. Avec Foxcatcher, on est gâté en ce début d'année niveau cinéma US.


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MessagePosté: 05 Jan 2015, 19:34 
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Localisation: Ile-de-France
http://www.critikat.com/actualite-cine/ ... -year.html

L'exemple même d'une critique où à la fin, on a pas compris ce que son auteur reproche au film. (et wtf sa conclusion, on peut très bien aimer les derniers films d'Eastwood et Reichardt ET celui-ci; c'est d'ailleurs marrant parce qu'A Most violent year me paraît relativement proche de Night moves)


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