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MessagePosté: 27 Jan 2009, 11:40 
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Pendant la seconde guerre mondiale, Domenico Soriano, commerçant appartenant à une famille napolitaine aisée, rencontre dans un bordel Filumena Marturano, une femme d’origine humble. Il en tombe amoureux et l’emmène vivre chez lui. Après vingt ans de concubinage, et bien qu’elle ait toujours scrupuleusement joué son rôle de femme et de domestique, Filumena n’a pas encore reçu de proposition de mariage et décide de faire croire à Domenico qu’elle est mourante…

Premier De Sica que je vois, il me semble... Il faudrait un jour que je regarde Le Voleur de Bicyclette, que j'ai acheté il y a des années !! Je m'attendais, sans véritable raison, à quelque chose de bien vieillot, bien mise à mal par la comédie italienne décadente des années 70 (Scola, Risi, Ferreri...). Et pas du tout. Sans forcément tomber dans le "choquant", le film se permet quelques jolies incartades immorales, tant via le personnage de Filumena (prostituée sublime, notamment dans sa petite tenue entièrement transparente) que dans celui de Domenico, commerçant sans une once de scrupule. Au niveau de la mise en scène, là aussi le film se veut étonnament aérien (voir les premiers plans) et rapide. C'est vraiment jeune et frais, comme film. Même si l'aspect dramatique, voire tragique, n'est pas mis de côté.

4.5/6

_________________
Que lire cet hiver ?
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MessagePosté: 16 Avr 2018, 22:22 
Oui en effet, le film a très bien vieilli, et on ne dirait pas qu'il date déjà de 1964 (les couleurs sont par exemple superbes, ni trop technicolor, ni trop fades et décevante).

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C'était déjà la troisième fois que De Sica réunissait Mastroianni et Loren, le film possède donc un côté prévisible, avec des acteurs truculents, au jeu sûr et bien rodé, présents dans tous les plans, cumulant les registres et les affects. C'est particulièrement frappant dans le cas de Loren qui joue toute la gamme de tous les rôles de la femme (italienne) possibles, depuis la prostituée inconséquente jusqu'à la mère courage à la Magnani aride, digne et pugnace, au-delà de l'humiliation comme de la vengeance (voire la Médée prolétarienne ne laissant à des enfants que le choix entre la réussite et la mort, l'attitude de Mastroianni qui parvient à convertir sa fuite en intérêt pour un mystère est finalement plus humaine), sans que ces revirements ou métamorphoses ne paraissent incroyables : paradoxalement leur brutalité les crédibilise. C'est un personnage en quête de justification, et cette recherche désamorce ce qui chez elle, pourrait être une vengeance ou une sécheresse puritaine se rachetant en jugeant soudainement et sévèrement le monde (même si le film présente cette tentation comme constante). Et en même temps le film possède une irréductibilité formelle étrange, une sorte de modernisme flou, jusqu'au malaise.

De nombreux zooms brutaux,voire, dans le mariage final, freezes en stop-motion à la Charulata (qui est de la même année, avec lequel le flm n'est d'ailleurs pas sans analogie dans l'enjeu féministe et la situation) trouent l'action, et soulignent les affects érotiques bruts des personnages, qui sont constants, à la fois subis et moralement salvateur (ce qui sauve Mastroianni de la veulerie c'est qu'il n'étouffe pas complètement ses pulsions, et que son obsession est moins raisonnée que son cynisme de parvenu), et donnent au film sa continuité, alors qu'il risquerait de virer au patchwork inconséquent.

Ce sont d'ailleurs des effets de styles assez remarquables, courageux (et moralement payants, car atténuant la facilité du comique de situation) dans une comédie générationnelle qui a été un succès public énorme, l'équivalent dans l'Italie des années 1960 de ce qu'Amélie Poulain a été pour la France l'an 2000. Le film anticipe même à la fin le fameux travelling de Profession Reporter d'Antonioni, on sent une sorte de défi formel entre les deux réalisateurs.

L'organisation du film repose sur deux flashbacks "sexués", l'un, masculin, où le film anticipe sur ce que Cosmo appelle justement la comédie trash des années 1970 (les Scola les plus méchants), l'autre pour Loren, qui oriente le film vers une dimension mélodramatique inattendue, baroque, et quasi sirkienne (avec une problématique de filiation perdue mais renouée dans le peine morale, l'abandon amoureux mais le triomphe moral), qui m'a cueillie lorsque Loren dit que
"dans les immeubles neufs, en Amérique ou en Italie, il y a des vieux drames comme le leur, mais invisibles"
.

Le film est à la fois hyper classique, convenu (et non sans scories et maladresses) et théoriquement fascinant, car on sent qu'il essaye de créer une continuité entre le vieux théâtre dialectal napolitain (et derrière cela la mémoire orale et gestuelle de la comedia dell arte et de la satire carnavalesque, populaire mais sans traces) et le cinéma du mal-être existentiel des années 1960, dans lequel l'absence d'issue ou de destin clair transforme les personnages en abstractions, à la fois libres et déracinées, socialement lucides et solitaires, qui doutent d'elles-mêmes pour se rappeler le monde pré-capitaliste dont elles proviennent, et développent ainsi un rapport avant tout historique, nostalgique et mémoriel à leur être physique et leur propre corps. Du coup les personnages préméditent complètement la visibilité de leurs action, et assument pour eux seuls, sur le mode du sacrifice, la transparence d'un monde sans signe ni symbole, pour sauver chez les autres (et l'altérité culmine ici dans l'enfant) la possibilité de croire, en la fiction ou au hasard .
ll y a une scène étonnante et superbe où Filomena réunit ses fils, sous l'oeil à la fois voyeur et justicier des deux domestiques, qui espionnent leur retrouvailles à travers deux oeilletons laissés transparents dans deux énormes portes dépolies, dont les orifices n'ont pu exister que pour cette fin et ce moment.
L'objet le plus irréel et symbolique du film est le regard nu et volontaire, identifié à la trace d'un prolétariat disparu, passé du folklore au statut de fantôme consolateur. Filomena n'ose pas entrer dans la pièce, retourne s'engueuler mécaniquement avec Mastroianni qui se terre sans sa cuisine, et à besoin que cela soit son domestique qui ouvre la porte (sans vrai motif) pour rentrer dans la scène dont elle a choisi le dispositif, auquel sans ce forçage elle resterait extérieure. Sans le peuple,dont les décisions ressemblent pour elle à des lapsus, la mise en scène est la frayeur nue de l'impuissance.

Au passage le film fait de beaux et discrets remake des scènes d'hippodrome d'Angel de Lubitsch et de Notorious d'Hitchcock.


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