Forum de FilmDeCulte

J'ai une grande affection pour Stéphane Brizé, il n'y a aucun film de lui que je n'aime vraiment pas et plusieurs d'entre eux qui m'ont quand même beaucoup plu (Quelques heures de printemps, La loi du marché, Mademoiselle Chambon). Un réalisateur humble qui aime ses personnages et qui parvient à ne jamais les enfermer dans des genres ou des systèmes narratifs préétablis. Un cinéaste qui parvient à trouver l'équilibre rare entre naturalisme et romanesque (comme dans certains Philippe Faucon).

Ici on est plus clairement dans le romanesque avec l'histoire de cet acteur médiocre et déprimé qui va faire une semaine de thalasso et qui y rencontre par hasard un amour de jeunesse. Mais là où l'on aurait pu craindre un film autocomplaisant sur le petit monde cruel du cinéma il n'en est rien. Je trouve le personnage de Guillaume Canet vraiment réussi, il n'est pas particulièrement aimable, pas particulièrement touchant dans sa tristesse. Tout le début du film est même dans une forme d'ironie face à lui, perdu dans ce centre Thalasso silencieux en peignoir, recevant des soins ridicules etc... Ca va d'ailleurs particulièrement bien à Guillaume Canet qui n'est pas un acteur que j'apprécie particulièrement et qui a toujours eu pour moi un truc un peu abrasif, un peu antipathique sans que j'arrive à mettre le doigt dessus. Ce n'est finalement que dans la relation qui va se rabibocher avec Alba Rohrwacher qu'il va trouver son salut, une véritable émotion, quelque chose de vraiment sincère. Puis il y a le personnage d'Alice, merveilleuse Alba Rohrwacher. Quelle idée de casting de génie, je veux dire elle fait 80% du film. Ca aurait pu être une énième Karin Viard ou que sais-je mais non, ce choix d'une actrice italienne, avec un fort accent c'est osé et incroyablement payant dans ce cas précis. Elle apporte une douceur, une tendresse et plus tard une fragilité et mélancolie qui m'ont littéralement cassé en deux. Elle est sublime et bouleversante. Et puis on retrouve cet art du dialogue chez Brizé. Je sais pas si tout est écrit mais il y a des moments qui sont d'un naturel dingue, presque improvisés et qui fonctionne totalement (cette scène où Canet demande au serveur de changer la musique, génial). Vraiment très réussi de ce point de vue là.

Mais là où le film m'a surpris c'est quand il digresse légèrement, quand soudain il se permet un intermède documentaire (on se croirait dans un Sébastien Lifhshitz) de 10 min en plan fixe. Quand il ouvre la perspective du film vers l'autre, vers les autres. Alors ça aurait pu devenir quelque chose qui m'aurait profondément dérangé (l'acteur parisien à la rencontre de la province et j'ai vu que certaines critiques lui reprochent) mais ce n'est absolument pas ça. Aucune lourdeur, aucune leçon de vie, juste un moment partagé, une vie qui pulse et qui passe de l'égocentricité à la communauté, c'est très beau, là encore fait avec beaucoup de délicatesse, notamment cette scène de mariage et cet incroyable moment des chanteurs d'oiseaux.

Puis arrive cette dernière partie et j'ai pleuré quasiment tout le temps. J'ai trouvé ça superbe, déchirant, romantique (ces plans d'eux sur la plage à la fois ensemble et séparés) et d'une immense tristesse. Cette scène finale dans la voiture (d'ailleurs c'est amusant, Mademoiselle Chambon se terminait de la même manière, dans la voiture, filmé depuis le siège arrière). Vraiment un magnifique mélo qui m'a totalement cueilli.

Je mettrai deux bémols, d'une part la musique de Vincent Delerm, petit thème un peu cheap qui revient en boucle un peu trop lourdement et le personnage (invisible) de Marie Drucker, les deux appels téléphoniques sont un peu clichés (notamment le deuxième où elle lui conseille de faire un polar puis une comédie sociale comme si le cinéma français était réductible à des genres aussi définis). Mais c'est pas grand-chose.

5/6

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CroqAnimement votre

Ah ouais dis donc tu piques ma curiosité... Sachant qu'après la BA, je donnais raison à un spectateur près de moi qui s'est exclamé avec ironie "ça donne envie".

Et oui, sur Canet, je me suis toujours dit qu'il était meilleur dans les rôles de connards, comme par exemple son personnage de gendarme tueur en série dans La Prochaine fois je viserai le coeur.

En fait c’est moi qui ai écrit la critique d’Art Core.

Même avis, même note, tout.

Superbe surprise donc, j’ai adoré, c’est super touchant et d’une justesse admirable, avec des « décrochages » géniaux.

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Ed Wood:"What do you know? Haven't you heard of suspension of disbelief?"

La BA est effectivement affreuse, et je ne pense pas que le retour très positif d'Art Core suffira à me convaincre d'aller subir cela.

Oui non c'est pas pour toi. Arpès j'ai lu un peu les critiques et je trouve ça assez hypocrite et le film semble détesté avant même d'avoir été vu.

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CroqAnimement votre

C'est vrai que le trailer ne rend pas honneur au film et c'est bien dommage.

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Ed Wood:"What do you know? Haven't you heard of suspension of disbelief?"

Actrice vraiment touchante en effet et j'ai été conquis par le thème principal qui est qu'on peut aussi passer à côté de l'amour de sa vie par ambition amoureuse et pas juste professionnelle. Canet (belle idée simple d'ailleurs de l'avoir fait jouer son propre rôle) n'a tout simplement pas voulu rester avec une femme moins douée que lui pour exprimer son génie. Et pourtant on sent son regret immense, sa nostalgie irréparable quand il observe Alice danser, rire d'un rien, jouer du piano.

Quant aux détours empruntés par le film, ce n'en sont pas vraiment en dehors de la forme puisqu'ils nourrissent ce thème du détour amoureux. L'histoire de son amie retraitée est une suggestion que rien n'est fini et que sur le tard, peut-être, Alice pourra vivre un véritable amour. Car au présent on la devine totalement inintéressée par son médecin de mari, certes gentil mais sans charisme (et très moche, ils ont un peu exagéré là, dans la réalité on voit mal une fille aussi jolie se mettre avec un type pareil mais bon).

Le film est à mon avis limité par Canet, dont je n'arrive jamais vraiment à épouser les sentiments, parce qu'on sent trop la vanité en lui, même quand il fait ses petites blagues qui se veulent minables je n'ai pas arrêté de voir l'arrière-fond du type qui fait semblant d'être minable. Il manque une profondeur et une humilité chez cet acteur. Le truc cocasse c'est que la lettre où il confie à Alice sa médiocrité, sa couardise et sa banalité, il la récite en n'étant pas dans le champ (enfin si, une silhouette très loin sur la plage), ce qui amoindrit vachement l'effet qui aurait pu être totalement biographique et gênant pour l'acteur.

Pour la forme, je copy/paste mon avis de LB:

Un très bon cru pour Stéphane Brizé, qui quitte sa veine "sociale" (après sa trilogie sur le monde du travail) pour retrouver celle de la romance voire du mélodrame, en s'attardant ici sur les brèves retrouvailles de deux personnes qui se sont aimées, il y a quinze ans. Ca ne s'est pas bien terminé: des non-dits, des blessures.
C'est très bien écrit, mais jamais pour le bon mot, Brizé mise, comme d'habitude, la carte du réalisme, et tout est naturellement crédible, tout sonne juste, comme dans la vraie vie. Dans un premier temps on pense bien sûr à Lost in Translation (la solitude comico-absurde de l’acteur en crise dans son hôtel de luxe), mais dès qu'Alba Rorhwacher arrive, le film déploie ses ailes et nous embarque. Ce n’est objectivement pas très original (ni les persos, ni le déroulement de l’intrigue) et, une fois de plus, ça se passe en Bretagne (comme un film Français sur deux en ce moment ??), mais ça fonctionne terriblement bien. Et puis, il y a des décrochages magnifiques comme la scène des siffleurs ou le monologue de la vieille dame. Vraiment, un très beau film qui m'a énormément touché. Canet est un formidable comédien quand il est bien dirigé dans le bon rôle, et c'est le cas ici. Quant à Alba, on n'a qu'une envie, c'est de la serrer fort dans ses bras. Bref, mon coeur à fondu...

5/6

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Ed Wood:"What do you know? Haven't you heard of suspension of disbelief?"