Alors que la crise du Covid-19 n’est toujours pas terminée, gardons à l’esprit la première leçon qu’elle nous a apprise : l’anticipation est la clé de toute politique sanitaire efficace.
Or une crise sanitaire pointe actuellement le bout de son nez. Elle fait courir le risque d’une pénurie de dispositifs médicaux (prothèses, implants, stents, pacemakers, poches de sang, etc.) aux patients européens. Face à un tel danger, les gouvernements et la Commission européenne doivent agir au plus vite.
Priorité doit être donnée à la sécurité des patients. Dans les salles d’opération, les médecins sont inquiets pour l’avenir : les dispositifs médicaux pourraient venir à manquer. En cause ? La difficile mise en œuvre d’un nouveau règlement européen relatif aux dispositifs médicaux (en anglais Medical Devices Regulation, MDR, à ne pas confondre avec le récent film de Thomas Gilou), entré en application le 26 mai 2021.
Adopté en 2017 à la suite du scandale majeur des implants mammaires en France et en Allemagne, celui-ci améliore la sécurité des patients en renforçant les exigences de certification des dispositifs médicaux en Europe, un objectif que personne ne remet en cause.
Un calendrier intenable
Selon ce règlement, d’ici le 26 mai 2024, tous les dispositifs médicaux circulant en Europe doivent obtenir une nouvelle certification, qu’ils soient utilisés dans les salles d’opération européennes depuis des années ou qu’ils fassent l’objet d’une première mise sur le marché.
Le problème ? En raison d’exigences réglementaires supplémentaires, le nombre d’organismes en capacité de délivrer ces certifications a été divisé par deux par rapport à la période pré-2021.
En conséquence, les délais pour obtenir une certification ne cessent de s’allonger et atteignent en moyenne de douze à dix-huit mois. La file d’attente est énorme : plus de 24 000 dispositifs médicaux autorisés depuis des années doivent faire l’objet d’une nouvelle certification d’ici moins de deux ans, au risque d’être retirés du marché.
Cette situation présente un triple risque.
Le premier risque est celui des pénuries. Chacun d’entre nous est régulièrement sollicité, par exemple, pour donner son sang. C’est un geste absolument indispensable, mais qui deviendrait inutile si les poches de sang n’obtenaient pas le renouvellement de leur certification, créant ainsi une pénurie de sang sans précédent en Europe.
Le risque d’une incertitude réglementaire
Autres situations tragiques, les patients arrivant aux urgences suite à des douleurs cardiaques risqueraient de ne pas se voir proposer de pacemakers ou de stents, faute d’homologation, tandis que les patients diabétiques pourraient faire face à un manque de disponibilité des pompes à insuline. Quelques exemples parmi tant d’autres…
Autre conséquence : le risque que fait courir une telle incertitude réglementaire à la compétitivité d’une industrie qui représente plus de 760 000 emplois à travers l’Europe, dont environ 215 000 en Allemagne et 90 000 en France. Les entreprises ne peuvent plus attendre. Elles réalisent leurs investissements plusieurs années en avance. Si l’incertitude est trop importante, elles choisiront dans les prochains mois les Etats-Unis ou la Chine plutôt que l’Europe.
Le troisième risque est celui de remettre en cause l’objectif global de relocalisation de l’industrie pharmaceutique stratégique en Europe. La crise liée au Covid-19 l’a montré : notre continent doit retrouver sa souveraineté afin de pouvoir garantir un accès équitable aux soins à tous, la production de dispositifs médicaux en Europe en étant une condition sine qua non.
Des solutions multiples
Plusieurs solutions existent pour empêcher de telles situations. La première d’entre elles étant simplement d’accorder un délai supplémentaire pour la certification des dispositifs médicaux d’ores et déjà mis sur le marché avant l’entrée en application de ce règlement le 26 mai 2021.
De cette manière, les nouveaux dispositifs médicaux, mis sur le marché après mai 2021, bénéficieront directement de la nouvelle certification, permettant ainsi leur commercialisation rapide, tandis que les anciens dispositifs médicaux bénéficieront d’une sécurité juridique. Une augmentation des moyens mis à disposition des organismes notifiés est par ailleurs nécessaire.
L’objectif est simple : garantir la sécurité et l’accès aux soins de chacun d’entre nous tout en préservant notre excellence industrielle, indispensable à une souveraineté sanitaire européenne retrouvée.